Les populations immigrées sont de plus en plus
qualifiées, c'est le constat fait au travers de nombreuses études
réalisées dans les pays d'immigration dont la France. Le niveau
général d'éducation des migrants a augmenté,
notamment ceux récemment installés dans les pays
d'accueil180. En autres facteurs expliquant cette évolution
majeure, les politiques migratoires des pays d'arrivée devenues plus
sélectives du fait d'une situation du marché du travail interne
de plus en plus tendue. De plus , au-delà de la valorisation de
l'épargne des migrants qui a fait l'objet de tant d'études, il y
a de plus en plus une prise de conscience de l'importance du potentiel que
représentent les migrants pour le développement des pays
d'origine, en d'autres termes, le lien entre les ressources non
financières principalement cognitives et techniques et le
développement. De ce point de vue, l'agenda politique international
accorde une place centrale aujourd'hui au line Migration et
Développement. Ce qui n'est pas nécessairement le cas pour le
dyptique Migration et Intégration, trop longtemps resté une
prérogative des seules instances administratives des pays d'accueil
avant que les associations ne fassent irruption dans le champ de la politique
de l'intégration et de l'insertion. En outre, malgré cette hausse
notable du niveau de qualification des immigrés qui arrivent dans les
pays du Nord, leurs compétences ne sont pas nécessairement
identifiées, utilisées et reconnues dans leur diversité et
à leur juste valeur. Or, la question de la contribution des
immigrés au développement économique et social des
populations en France et la réussite de l'intégration des
personnes nées étrangères à l'étranger et
résidant dans le pays (les migrants) se pose avec la même
acuité.
Aussi, avec le développement rapide de la vie
associative en France et de la sous-traitance de certaines missions de
l'État, de nombreuses associations ont investi les champs de
l'intégration et de l'insertion. Depuis le début des
années 80, de nombreuses associations de migrants on vu le jour mais peu
jusqu'ici ambitionnaient de s'insérer dans ce créneau. Depuis
quelques années, des collectifs voient le jour avec pour objectifs aussi
bien de soutenir les projets de développement dans les pays d'origine
que la solidarité et l'entraide entre membres de la même
communauté puis la valorisation de la présence et l'apport des
immigrés à la vie locale ici. C'est le cas à Lyon, nous
l'avons vu, avec le collectif Africa 50 et d'autres collectifs
d'associations représentant les ressortissants subsahariens par pays
d'origine.
Si certaines de ces associations africaines envisagent de
s'impliquer plus formellement dans le champs de l'intégration, au
travers d'un partenariat avec l'État et les institutions locales, il se
pose l'épineuse question des moyens disponibles et des
compétences à mobiliser au niveau local afin de développer
leurs capacités organisationnelles et opérationnelles qui
permettront d' asseoir leur crédibilité et lever des fonds pour
l'exercice de leurs activités. Étant donné le
modèle économique de celles-ci, reposant comme nous l'avons vu
sur le bénévolat, la mobilisation reste faible, la
disponibilité des bénévoles étant compromise par
leurs propres activités professionnelles et engagements familiaux, puis
les dissensions internes à certaines organisations qui débouchent
sur une démobilisation massive des acteurs et la dilution de
l'idéal unitaire et identitaire.
Dans ce contexte, comment engager et réussir la
mobilisation ? Comment recueillir auprès des personnes, associations,
des entrepreneurs, étudiants, acteurs institutionnels, enseignants,
médecins, avocats, ingénieurs, techniciens, etc., les
données permettant de connaître et mesurer l'importance et la
nature des compétences utiles , y compris celles qui échappent
aux instruments de mesure disponibles: compétences ethniques,
compétences acquises de manière informelle et non formelle?
Comment les associations subsahariennes mobilisent et gèrent-elles leurs
ressources humaines ? Quel parti en tirent-elles réellement?
Avant d'esquisser quelques réponses à ces
questions en regard des résultats de notre enquête, nous proposons
avant tout de faire un point sur quelques initiatives notables en la
matière au niveau local, national et international.
180 Près d'un tiers des migrants récents dans
les pays de l'OCDE sont diplômés du supérieur contre moins
de 6% dans les pays d'origine.