Participation que nous désignons ici avec M. Gauthier
et J. Piché comme: « la capacité des individus et des
groupes à influencer les orientations de la société et
à investir les lieux de pouvoir, et cela, peu importe le palier
d'activité où se dessinent et se prennent les orientations qui
dictent la vie en société »162. La
participation à la vie d'un réseau, la pleine implication dans sa
dynamique de reconnaissance recèle une potentielle rentabilité.
C'est en même temps un moyen de se reconnaître et d'être
connu. Elle peut aussi répondre simplement à un besoin de vivre
un idéal, de défendre une cause, sans une
arrière-pensée de rentabilité financière,
relationnelle ou symbolique.
En marge de notre enquête, nous avons aussi
découvert une pratique plutôt rituelle qui a cours au sein des
collectifs de migrants, et sans doute autre part: gonfler superficiellement
l'effectif des membres pour donner du poids au réseau et en
démultiplier l'influence fictive, y compris lorsque les associations
supposées membres ne se sont pas acquittées de leurs droits de
cotisation. Plus le réseau revendique un nombre conséquent
d'adhérents, plus légitime il semble apparaître au regard
des bailleurs de fonds, notamment publics, qui incitent assez souvent les
associations à se fédérer en réseaux en vue d'une
meilleure traçabilité de l'usage des fonds alloués et un
meilleur suivi des projets financés. Asseoir sa légitimité
en tant que collectif ou réseau afin de lever plus facilement les
subventions serait la motivation principale de cette pratique. Des responsables
associatifs interrogés se sont d'ailleurs étonnés de
figurer sur la liste des associations membres de ces réseaux alors
qu'ils n'y siègent plus et ne s'acquittent plus des droits de
cotisation. Des associations sont-elles ainsi des membres fantômes de
réseaux des migrants comme en témoigne ce responsable
associatif:
« Le première année de notre
adhésion, j'ai payé. J'ai pensé franchement avoir un grand
retour. En vain. C'est ça le problème. En effet, on a
présenté des projets, portés par ce réseau,
même si ce n'était pas de sa faute. Pour nous ça devait
être un gain total. Mais ils ont été tous rejetés.
Alors je me suis dit :''Je ne vois pas l' »intérêt de payer
une cotisation pour je ne sais pas trop bien quoi. Et puis, après 3 ans
d'existence, je pense que notre association est bien connue. Donc pas
d'intérêt d'en être toujours membre. Du coup, j'ai dit
clairement aux dirigeants: 'Moi, je ne paye plus. Vous me radiez si vous le
voulez ~'. Eh bien ils n'ont pas du tout radié notre association. C'est
donc toujours exactement comme avant mais sans payer. Et chaque fois que je les
vois, ils ne vont pas me demander de payer puisque j'ai dit non. Sinon, j'y
vais et je donne ma contribution en termes d'idées; c'est bizarre quoi!
».
La démobilisation de certaines associations
interrogées, leur désolidarisation des réseaux
évoqués, de leurs démarches respectives, si pertinentes
soient-elles, tiennent aussi à tout un complexe de facteurs d'ordre
à la fois structurel, culturel, conjoncturel et personnel.
162 GAUTHIER M. & L. PICHÉ (2001), «
Participation des jeunes aux lieux d'influence et de pouvoir »,
L'Action nationale, XCI(7), pp. 77-86