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2. Des motifs d'adhésion multiples aux
réseaux associatifs
Il ressort de l'analyse des discours des acteurs associatifs
rencontrés durant ces quelques jours d'enquête trois
catégories de motivation. Adhérer à un réseau
étant avant tout un moyen et non une fin. En effet, selon les
associations et les projets qu'ils portent, le réseau associatif est
:
2.1. Un moyen de se connaitre et de se reconnaitre
Lieu de construction ou du renforcement de l'identité
d'origine et du lien communautaire, les réseaux diasporiques
subsahariens sont le mécanisme qui confère aux diasporas
nationales leur existence indépendante par rapport au pays d'accueil.
Pour Georges Prévélakis, le réseau diasporique est ainsi
« un des éléments fondamentaux de la survie des
diasporas; c'est ainsi qu'elles arrivent à combattre la tentation de
l'assimilation, comme si le capital iconographique se répartissait sur
un grand nombre de centres connectés entre eux
»161. À travers sa capacité à former
des réseaux, une diaspora acquiert son autonomisation, tant par rapport
au pays d'accueil qu'au pays de départ. Vis-à-vis du pays de
destination, l'autonomisation se manifeste par la résistance à
l'assimilation mais aussi par la pérennisation des valeurs acquises dans
le pays d'origine.
C'est tout le sens de la démarche du Collectif Africa
50 qui veut faire « exister » la communauté africaine du Grand
Lyon, étape par étape, en revisitant dans un premier temps
quelques pans de l'histoire des relations Afrique-France, du moins en ce qui
concerne l'agglomération de Lyon. Le questionnement de l'identité
des « Afropéens » du Grand Lyon en d'autres termes, exercice
par lequel passe, de l'analyse des coordonnateurs du collectif, une
intégration pleinement assumée et réussie des
immigrés. La mémoire ici a donné occasion au
réseautage et à la collaboration des subsahariens de la
région. Une stratégie identitaire dont nous doutons qu'elle soit
le motif principal d'adhésion de l'ensemble des membres du collectif.
2.2. Un moyen de connaître et d'être
reconnu
Le réseau d'appartenance prends les formes d'un espace
de fabrication, d'enrichissement et de mobilisation du capital social en vue de
la captation de ressources diverses, une carte à posséder dans
son jeu. Le réseau aide à identifier les partenaires
stratégiques, les interlocuteurs institutionnels, les dispositifs de
financement existants et d'autres ressources utiles à l'atteinte des
objectifs d'une association membre. Mais nous avons constaté qu'à
Lyon , au sein des organisations rencontrées, le capital social se
limitait bien souvent à l'accumulation de contacts ou de relations qui
permettent l'obtention privilégiée d'informations ou de
subventions, consacrant par là le primat de la logique de subvention sur
la logique de prestation de services en relation avec l'intégration ou
l'insertion des populations immigrées dans le Rhône. Il nous est
néanmoins paru difficile, en raison du mutisme de nos répondants
sur la question, de décrypter comment fonctionnait le système
d'interconnaissances et d'interreconnaissance au sens du contact direct d'un
membre du réseau avec une personne bien placée eu sein d'une
instance pourvoyeuse de fonds. Le silence sur la question était
particulièrement de mise.
Toutefois, plusieurs témoignages concordants et
l'observation des pratiques partenariales des associations
enquêtées nous ont permis de noter une forme de planification
stratégique en termes d' expériences d'implication
variées, de participation multiple à différents
réseaux. Les réseaux COSIM et Africa 50 s'imbriquant, en
apparence du moins, dans une sorte de mutuelle adhésion de l'une
à l'autre. Mais, comme nous le verrons, le partenariat entre les ces
deux types de réseaux, émanations de migrants subsahariens, est
loin d'être réel.
Au-delà du COSIM ou d'Africa 50, des associations,
dans une démarche individuelle, ont souvent fait le choix
stratégique d'adhérer à d'autres réseaux, selon
leurs domaines d'intervention. C'est davantage le cas des deux associations
féminines transculturelles dont ALPADEF. Cette Alliance panafricaine,
présente sur le front français et ouest-africain , en plus
d'être active au sein d'Africa 50 après être passée
par le COSIM, est membre de trois
161 Georges Prévélakis, Les réseaux des
diasporas, L'Harmattan, Coll. Géographie et Cultures, 1996,
443p.
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réseaux féminins nationaux ou locaux:
Supplément Dames, Résolink, Action'elles&qui
bénéficieraient d'un certain crédit auprès des
instances publiques. La présidente de cette association accorde une
importance particulière à la constitution des consortiums.
Construire des alliances stratégiques pour ALPADEF est donc un
impératif majeur. Au-delà des compétences de haute facture
qui composent l'association, l'association a une pratique de
représentation, de promotion d'elle-même qui peut la rendre moins
dépendante aux réseaux dont les droits de cotisation à
l'année peuvent souvent constituer un motif démobilisateur pour
les organisations associatives à petit budget.
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