Deux collectifs dans le Rhône et dont la
réputation dépasse les frontières rhodaniennes regroupent
l'essentiel des associations migrantes qui intéressent notre
étude. Ce sont :
· Le COSIM Rhône-Alpes, un
collectif des organisations de solidarité issues des migrations
, créé en 2007 qui regroupe 31 associations (cotisantes)
de migrants majoritairement subsahariens (en plus du Maghreb et l'Asie du
sud-est) et tournés vers le développement solidaire des pays
d'origine et peu impliqués dans les actions d'intégration en
Rhône-Alpes en dépit de ce qu'indique l'un de ses objectifs
principaux:
I renforcer la capacité des OSIM de Rhône-Alpes
à participer au développement de leurs pays d'origine, par un
appui individualisé au montage et au suivi de leurs projets;
I favoriser un mieux vivre ensemble ici, en promouvant le
«faire ensemble» et en réunissant ici et là-bas les
acteurs de la société civile;
I faire connaître l'action des migrants en faveur du
développement solidaire et de l'intégration de leurs
diasporas.
Le COSIM est avant tout un opérateur technique d'appui
aux projets et qui a une compétence reconnue en la matière par
les instances institutionnelles autant que les associations qui y
adhèrent afin de bénéficier des prestations
d'accompagnement et de conseil : montage d'un projet, étude technique de
faisabilité, diagnostic de terrain, montage d'un dossier de financement,
bref toute la chaîne d'élaboration, d'exécution et de suivi
du projet. Le COSIM est un partenaire du FORIM en région parisienne et
les projets qu'il labellise peuvent bénéficier d'un appui
technique et financier grâce au PRA-OSIM, le dispositif de subvention mis
en place et lui-même financé par le Ministère de
l'Intérieur français.
· Le Collectif Africa 50, collectif
fédérant des associations de culture africaine et
caribéenne de même que les «amis de l'Afrique »,
né en 2010 à la faveur de la célébration du
Cinquantenaire des Indépendances des pays africains anciennement sous
colonisation française. Il revendique aujourd'hui plus d'une trentaine
d'organisations membres et dont l'objectif est « but d'assurer la
coordination des associations de culture africaine et des amis de l'Afrique en
vue de créer, animer et gérer un espace pour promouvoir la
présence de l'Afrique et de la Caraïbe dans le Grand Lyon
».
S'il nous a été difficile d'identifier, comme
dans le cas du COSIM celui ou ceux qui sont effectivement à l'initiative
de ce collectif ( migrants ou suggestion des instances institutionnelles du
Grand Lyon ), tant de versions divergent à ce propos, tant à
l'extérieur qu'au sein même de celui-ci, il apparait à ce
jour comme l'organisation la plus importante, symboliquement du moins,
fédérant l'essentiel des collectifs des organisations
associatives africaines; et celle qui a les faveurs du « politique »
pour deux raisons:
I D'une part, la pertinence de la démarche
privilégiée par le collectif, intégrative, transculturelle
et émancipatrice, pour briser la clôture communautariste et/ou le
cloisonnement conscient ou non de certaines OSIM africaines et pour porter
ensemble des actions en termes d'intégration
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accomplie des populations immigrées ( telle en est
l'ambition en tout cas ) et la pleine reconnaissance de leur contribution
à la construction de la cité du Grand Lyon et au-delà.
ü D'autre part, cette visibilité, en construction
du reste, tient au retentissement médiatique des conditions (très
discutées donc) de son contexte de naissance : la
célébration d'un événement historique ayant
d'importants sous-entendus et implications politiques si l'on en juge par les
avis de quelques-uns des acteurs associatifs enquêtés.
Africa 50 privilégie donc, en tout cas en
l'état actuel de son évolution, l'insertion par la valorisation
de la mémoire, la réappropriation de celle-ci par les descendants
d'immigrés nés ici et parfois tiraillés entre
méconnaissance de l'histoire de leurs origines et « vexations
sociales » diverses (discriminations à l'embauche,
déscolarisation, etc.) , et donc l'histoire de l'immigration, un des
pans de la politique publique d'intégration nationale des populations
immigrées en Rhône-Alpes.
L'avènement d'Africa 50 est l'expression
d'une envie d'union d'une communauté subsaharienne traversée et
caractérisée par tant de différences : historiques,
linguistiques, socio-politiques, culturelles&mais qui tente la construction
identitaire autour d'un socle commun : celui du lien originel avec le continent
africain. L'expérience migratoire, disions-nous plus haut, peut
être l'occasion de se réinventer, de fabriquer un espace culturel
et social inédit qui permette d'unifier les deux mondes qui habitent en
soi : la culture d'origine et la culture du pays d'accueil. Mais cette ambition
portée par le collectif ne va pas sans sa cohorte de rapport de forces,
de tensions que nous évoquons dans les lignes à venir.
Ce rappel fait, intéressons-nous à
présent, certes dans une moindre mesure, à un troisième
réseau d'acteurs associatifs qui compte lui aussi des associations de
migrants, il est vrai, en petit nombre:
§ Le CADR, Collectif des Associations de
Développement en Rhône-Alpes, né en 1986 et
revendiquant une cinquantaine d'associations de solidarité
internationale actives sur les champs du commerce équitable, du tourisme
solidaire, du soutien aux projets de développement, de la finance
solidaire, de formation à la solidarité internationale. Il se
veut avant tout une plateforme de réflexion et d'échanges
d'expériences entres les associations membres, d'animation et de
sensibilisation à la solidarité internationale puis de mise en
réseau avec les acteurs institutionnels dont les collectivités
territoriales.
Le CADR a développé une expertise dans les
champs de la formation, de l'éducation au développement et
à l'économie sociale et solidaire, initie des débats, des
séances de réflexions et de production de connaissances
théoriques et pratiques sur des thématiques en relation avec la
solidarité internationale. Sa force tient à sa multiple connexion
à d'autres réseaux dont: le Réseau Paix et
développement, le Réseau Rhône-Alpes pour
Haïti, le Réseau Commerce Équitable et
économie solidaire, le Réseau Découverte et
Partage.
§ Le Réseau d'appui à la
coopération décentralisée en Rhône-Alpes
(RESACOOP)
À contrario du Cosim et du Collectif Africa 50,
initiatives des migrants, le Resacoop est l'émanation des
autorités intercommunales en Rhône-Alpes et regroupe les acteurs
de la solidarité et la coopération internationales de la
région dont quelques associations de migrants.
Ces trois réseaux ont donc en partage une
poignée d'associations de migrants investies ou qui tentent de
s'investir ici et là-bas en même temps. Mais ce commun
dénominateur ne constitue pas pour autant, de notre analyse, un pont,
une passerelle, une occasion de construire un partenariat fort entre ces trois
pôles associatifs. À la suite de nos échanges avec les
acteurs membres de ces trois instances, il est apparu nettement une absence de
collaboration réelle sur des thématiques transversales touchant
à la cause des migrants, tant en ce qui concerne le développement
solidaire que les actions d'intégration en France.