Selon d'autres auteurs, qui nuancent les positions
bourdieusiennes ci-haut indiquées, les motifs individuels seuls ne
suffisent pas pour conférer de la ressource. Encore faut-il qu'elles
soient de qualité et surtout qu'elles soient rentables. La notion de
qualité du capital social implique l'idée que le
capital social possède des vertus à la fois quantitatives au sens
où elles sont rattachées au nombre de relations susceptibles
d'être mobilisées, et qualitatives dans la mesure où elles
sont reliées aux positions sociales des agents engagés dans ces
relations. C'est un point de détail qu'apportent Deschenaux et Laflamme
sus-cités:
« Le volume de capital social que
possède un agent est fonction de l'étendue du
réseau de relations qu'il peut mobiliser, mais aussi du
volume de capital (économique, culturel ou social) de chacun des
membres du réseau de relations auxquelles il peut faire
appel(&) La possession d'un capital social suppose que l'agent aura mis en
oeuvre, de façon consciente ou non, des stratégies
d'investissement social afin d'instituer ou de reproduire des relations
sociales directement ou potentiellement utilisables ».
Le sociologue J.Granoveter va lui aussi dans le sens d'une
étendue des relations qui confèrent du poids au capital social.
Mais il met un accent tout particulier sur la notion des liens distendus qui,
en dépit de leur apparente faiblesse, recèle d'un potentiel pour
l'enrichissement du capital social :
« Un réseau se compose de liens forts issus
de relations soutenues (par exemple des amis proches) et de relations plus
distendues, donc potentiellement faibles, avec des connaissances. Une personne
bien pourvue en capital social aura un réseau qui double les liens forts
de liens faibles diversifiés, lui permettant de pénétrer
d'autres réseaux. La force des relations étant tributaire de
l'investissement dans leur entretien »159.
158 Bourdieu, op.cit.
159 On doit la notion de « force des liens faibles »
au sociologue américain GRANOVETER qui publie en 1973 un article
intitulé : « The strenght of weak ties », American Journal
of Sociology, 78, dans lequel il développe ce concept.
En d'autres termes, un réseau fort et efficace c'est
celui qui sait tirer parti de « la force des liens faibles ».
Les liens faibles correspondent aux relations que l'on entretient se
situant hors du réseau d'appartenance. On peut atteindre ce
réseau extérieur ou réseau d'interreconnaissance
au travers d'un membre ou des membres du réseau
d'interconnaissance. C'est l'association des liens forts et des liens
faibles qui confère de la qualité à un capital social et
mène à l'élargissement de son champ de valorisation.
À tout prendre, la participation aux activités
d'un réseau, l' investissement d'un individu avec d'autres dans un
réseau d'acteurs, le volume des acteurs impliqués en termes
d'investissement, la réciprocité des échanges et la force
des liens faibles sont des autant de facteurs qui participent à la
qualité et à la force du capital social. Celui-ci aidant à
accéder aux ressources de nature diverse utiles à la
réalisation du projet ou à la défense de la cause que l'on
porte. Ainsi, pour
Ainsi, pour Frédéric Deschenaux et Claude
Laflamme:
« Plus une communauté compte d'associations
de bénévoles, plus elle est en bonne santé. Ses membres se
font davantage confiance et le sentiment d'appartenance à la
communauté grandit, se traduisant notamment par une plus forte
participation électorale. »160
Ce point théorique des notions de réseaux
social et capital social effectué, penchons-nous à présent
sur les pratiques des associations des migrants d'origine subsaharienne en
matière de mobilisation des ressources relationnelles et leur
degré de rentabilité en regard des projets et causes à
faire valoir.
119
160 Frédéric Deschenaux et Claude Laflamme,
op.cit.