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Section 2: Émergence de l'esprit diasporique
panafricain à Lyon, entre détermination et échecs
1. Genèse d'une diaspora panafricaine à
Lyon
L'une des tentatives majeures de construction d'un
réseau diasporique africain dans le Grand Lyon été la
création du Collectif des associations Africaines de Rhône-Alpes,
le CARA, qui marquait l'émergence d'une volonté des africains de
Lyon et de la région Rhône-Alpes de travailler ensemble et
d'affirmer la présence de l'Afrique dans le territoire, à travers
des projets de développement solidaire et des actions allant dans le
sens du renforcement de la cohésion sociale au sein de la
communauté et dans sa relation à la société
d'accueil. Cette expérience inédite mobilisatrice a
échoué au bout de quelques années du fait de nombreux
blocages consécutifs aux dissensions internes: mauvaise gouvernance,
conflits personnels pour le leadership, tensions latentes
ethnico-politiques...avec pour conséquence une démobilisation des
membres... La dissolution de cette instance associative a eu pour
conséquence une balkanisation accentuée des associations
subsahariennes du périmètre lyonnais et, fatalement, une perte de
visibilité et de légitimité aux yeux du politique. Nous
citions déjà plus haut les propos d'un élu communal qui a
bien connu cette organisation. Un processus d'involution qui n'a pas
facilité le maintien à flots de l'idéal panafricain dans
la région.
Depuis lors, face à ce «trou
structurel»153 de la communauté associative
subsaharienne, des initiatives localisées d'agrégation des
associations originaires du même pays se sont multipliées : le
CIRAL pour les Ivoiriens, ANAN pour les Nigériens, ABRA pour les
Béninois, Fraternité Togolaise Novissi et CTRA pour les Togolais,
ACTRA pour les Tchadiens, le CACRA pour les Camerounais, SOPE pour les
Sénégalais , l'ABL pour les Burkinabé de Lyon , etc. Des
réseaux secondaires mais de type 1, au sens où ils sont apparus
peu interconnectés avec les réseaux diasporiques des
communautés d'origine dans d'autres pays d'installation.
2. L'AN II de l'émergence diasporique panafricain
à Lyon
Il faut attendre l'année 2010 pour qu'émerge un
souffle diasporique panafricain nouveau avec la Célébration du
Cinquantenaire des Indépendances des pays anciennement sous colonisation
française et dont les communautés 154sont quasiment
toutes représentées dans l'agglomération lyonnaise: le
lancement d'AFRICA 50, Collectif d'Associations de
Cultures Africaines et des Amis de l'Afrique, lancement qui a
bénéficié d'un retentissement médiatique et
politique bien au-delà des frontières de l'agglomération
lyonnaise.
À l'issue de cette célébration s'est
dès lors posée la question de sa pérennité et de sa
vocation. Collectif d'associations pour quoi faire? De l'intégration? De
l'Insertion? Du plaidoyer exclusivement? Du développement solidaire des
pays d'origine? Un outil de plus de promotion de la culture africaine dans le
Rhône?
Faut-il y voir au contraire l'amorce d'une révolution
copernicienne de tous les membres de la communauté africaine du Grand
Lyon désirant être acteurs à part entière de la vie
économique, politique et culturelle de la cité «grand
lyonnaise » autant que des pays du continent africain dont ils sont
issus?
Avant d'en revenir au portrait, aux missions,
activités et les logiques partenariales qui ont cours au sein de ce
collectif, un des rares à porter l'ambition de fédérer les
communautés africaines, à l'échelle subsaharienne donc, il
convient de revenir sur l'ensemble des constats faits par les acteurs africains
eux-mêmes et desquels procèdent cette volonté de
fédération. Quelles raisonnements, quels manquements les
responsables associatifs, solidaires de la démarche Africa 50 ou pas,
font-il valoir qui justifient une action fédérative?
153 D'après la théorie des réseaux
sociaux, les « trous structurels » correspondent aux "espaces vides"
dans un réseau social où aucune arête ne relie deux
sommets. En gros, dans le cadre de notre étude, ils renvoient aux zones
inoccupées qui s'étendent entre les collectifs nationaux
d'associations des migrants subsahariens dans le Grand Lyon. Toutefois,
renchérissent les théoriciens des réseaux sociaux, «
Les trous structuraux peuvent être stratégiquement remplis en
connectant un ou plusieurs noeuds ensemble. Ils peuvent aussi être
entretenus afin de maximiser la rentabilité d'un réseau
».
154 On dénombre environ 58 nationalités en tout
dans le Grand Lyon, toutes origines confondues.
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