Section 3 : Comment inciter les migrants à se
saisir plus collectivement des dispositifs institutionnels d'intégration
et d'insertion et à se rapprocher des structures publiques et
privées gestionnaires des politiques publiques en lien avec la question
des migrants au niveau local?
1. Corpus de solutions émises par les acteurs
eux-mêmes
La question s'inscrit dans la ligne de celle du Haut-Conseil
à l'Intégration : à savoir investir dans les associations
pour réussir l'intégration, y compris les associations
communautaires. Cela impliquerait la prise en compte des
«compétences ethniques »140 sur lesquelles nous
reviendrons dans le même temps. Nous nous sommes enquis de ce sujet lors
de notre enquête auprès d'un élu communal pour qui :
138 Nous en avons identifié près d'une centaine
oeuvrant à Lyon et les alentours. Voir l'annuaire des associations du
Rhône.
139 Direction Départementale des Affaires Sanitaires et
Sociales du Rhône
140 On peut y voir les compétences qui sont
développées en interne par les communautés associatives
qui les mettent au service des actions qui impliquent
l'interculturalité.
104
I «D'abord il faudrait casser ce
préjugé bien français qui assimile associations
communautaires et communautarisme(&), Après il faudrait
qu'il y ait une politique de contact systématique avec ces associations;
et ça on ne le fait pas. Et je ne sais pas si ce sera toujours bien pris
par elles. Parce l'idée du politique qui veut mettre son nez
là-dedans, ce n'est pas forcément ce qui est
apprécié.... »
Cela induit-il qu'il pourrait y avoir une méfiance
systématique de la part de certaines associations de migrants si les
politiques venaient à initier un contact avec elles? Notre élu
communal est affirmatif: « Oui, je crois. Puis il y a l'entre-soi qui
joue. »
Une chargée de mission et formatrice pour
l'ASSFAM141 interviewée lors de notre enquête
déplorait aussi le fait qu'à propos de ces associations :
« On ne leur laisse pas de place...il y a une gêne, elles sont
taxées de communautaristes ...à tort quelques fois».
En ce qui concerne la forme du contact à créer,
selon cet adjoint au maire en charge de la démocratie locale et la lutte
contre les discriminations, il pourrait prendre la formed':
I « Un soutien financier aux
associations communautaires. Il y a la politique de la
ville très générale, il est vrai, qui joue sur les
quartiers où il y a beaucoup de migrants.
I Ça passe aussi par des soutiens aux
femmes, par exemple ce que fait FIJI
Rhône-Alpes142 qui est une association qui fait de
l'accompagnement, du soutien, de l'aide personnalisé et de la formation
en direction des femmes immigrées, maghrébine ou africaines, en
particulier sur tous les problèmes de droit privé souvent
compliqué, de droit international privé. Et donc nous on les
finance par exemple. Elles interviennent auprès des femmes migrantes et
ce n'est pas communautaire ».
I À propos de
l'interculturalité, certaines
communes ont engagé des réflexions sur la question,
avant-gardiste sur les questions d'intégration/insertion des populations
immigrées, la 2e la plus importante en termes d'effectif
après Lyon, La Mairie de Villeurbanne par exemple a produit un texte
intitulé « Démocratie et Diversité »
et qui:
« &Développe un point de vue qui n'est pas
le plus courant en France, justement à partir de l'idée de
l'existence des communautés, l'intérêt de cette
multiculturalité, avec la nécessité de passer par cette
interculturalité.. .On a réfléchi au moins
là-dessus, oui...On a participé à l'enquête du
CRAN143, une grande enquête sur la lutte contre les
discriminations, donc on leur a communiqué un rapport assez important
sur ce texte et d'autres choses... »
I De ce point de vue, la Mairie reste disposée
à travailler avec les associations communautaires; qu'elles portent des
actions d'intérêt général national ou exclusivement
au niveau local. Mais, une fois de plus, l'institutionnel souligne
l'intérêt pour ces associations d'une
intégration en réseaux,
car:
« À l'époque où il y avait le
CARA144, c'est sûr ça facilitait les choses, c'est
clair. Moi je regrette qu'il n'y ait pas assez de
fédérations...Moi je préfèrerais qu'il y ait
effectivement des regroupements qui permettent de parler un peu collectivement
et de mobiliser aussi des associations différentes ».
141 Association Service Social Familial Migrants,
Délégation du Rhône.
142 Vu sur le Portail internet de l'association : «
Femmes Informations Juridiques Internationales est une association à
vocation régionale qui défend les droits personnels et familiaux
ayant une dimension internationale (mariages mixtes, déplacements
illicites d'enfants, divorces prononcés à l'étranger). La
structure née en 2002 d'un partenariat institutionnel et associatif
(la Délégation régionale des droits aux
femmes et à l'égalité-DRDFE, l'Agence pour la
cohésion sociale et l'égalité des chances-ACSé, le
Secrétariat général aux affaires régionales-SGAR,
Femmes contre les intégrismes-FCI, Le Centre d'Information des Droits
des Femmes et des Familles du Rhône-CIDFF), lutte contre les
discriminations et vise à faire respecter l'égalité entre
les hommes et les femmes. Elle offre des informations et des conseils
juridiques relatifs au droit international de la famille au public comme aux
professionnels. À ce titre des juristes assurent des permanences
téléphoniques et accueillent le public sur rendez-vous. Par
ailleurs, l'association offre des formations pour les professionnels et les
sessions de sensibilisation pour le public». FIJI
Rhône-Alpes. http://www.fiji-ra.com/
143 Conseil Représentatif des Associations Noires de
France
144 Collectif des associations des migrants africains dissous
suite à de multiples dissensions internes. Des versions convergentes
nous ont été rapportées lors de notre enquête par
des responsables d'associations anciennement membres de cette
fédération.
105
De là à inciter formellement les associations de
migrants africains à se constituer en collectifs pour «
faciliter le dialogue », la Mairie de Villeurbanne n'a pas
spécifiquement engagé de réflexion en ce sens, s'appuyant
sur l'idée que ce n'est pas au politique d'organiser les associations
subsahariennes du Grand Lyon, l'initiative devant venir des acteurs
eux-mêmes. Le Collectif Africa 50 ambitionne, nous l'avons
souligné, de porter cet impératif et d'incarner la vitrine
principale de toutes les associations de culture africaine et caribéenne
dans le Grand Lyon. Pour autant, d'après des renseignements
collectés au cours de notre enquête, le collectif n'est pas
suffisamment visible au sein de certaines mairies. C'est ce qu'indique
l'élu communal de notre investigation :
«Tout ce que je vois c'est des mails que je
reçois, mais je ne les connais pas...À ma connaissance il n y a
pas eu de demande formelle [émanant du collectif Africa 50] qui nous ait
été adressée, sinon je l'aurais su... ».
La situation est différente à l'échelle
de la Communauté du Grand Lyon, partenaire institutionnel et financier
central du Collectif Africa 50 qui fut très impliqué lors de la
Célébration du Cinquantenaire des Indépendances africaines
pilotée par le collectif. Un de ses coordonnateurs nous confiait ainsi
que:
« Les associations qui vont au niveau du Grand Lyon
de leur propre initiative, on les renvoie vers Africa 50. En ce sens, une
partie du travail [de la visibilité institutionnelle et du
positionnement en tant référent principal des organisations
africaines] est réalisée. Maintenant il y a un travail de
communication à faire en sorte que toutes les associations de culture
africaine reconnaissent vraiment l'objectif du collectif, adhèrent et
puis passent par le créneau qu'on a défini afin d'aller de
l'avant ensemble(...) je pense que dans les trois années à venir,
Africa 50 aura plus de portée, plus de voie ».
Difficile d'attester la pertinence de ces propos, nous n'avons
en effet pas pu rencontrer toutes les associations ayant engagé une
telle démarche, individuellement ou sous la bannière du
collectif. Pour le moment, du reste, en matière d'ancrage dans les
politiques publiques de la ville et d'intégration nationale, au vu des
données recueillies sur le terrain et des observations faites ( rapport
d'activités verbaux principalement), seuls le volet culturel ( la
valorisation de la mémoire, la promotion de l'interculturalité,
la prévention des discriminations le soutien à la
parentalité, le soutien scolaire) et les débats autour de la
relance des économies africaines et les initiatives entrepreneuriales
à promouvoir sur le continent noir( à travers le FEDDA) semblent
s'inscrire sur cette ligne. Encore que l'objectif majeur d'Africa 50 c'est
principalement d'assurer la promotion de la présence de l'Afrique et la
contribution des Africains à la vie de la cité lyonnaise et de
ses environs.
L'appropriation par le collectif Africa 50 des dispositifs
existants de la politique de la ville en matière d'Insertion, et de la
politique d'intégration, permettant un accompagnement global des
primo-arrivants, des femmes et des migrants âgés (publics
prioritaires du PRIPI/PDI) reste donc pour l'heure marginale. Néanmoins,
selon les principaux coordonnateurs qui reconnaissent ce déphasage avec
les problématiques sociales et réelles des immigrés de
manière générale et des subsahariens en particulier, des
travaux de réflexion seraient en cours dans ce
sens :
« Ça c'est l'objectif d'Africa 50. Nous sommes
en train de travailler là-dessus. C'est vrai qu'aujourd'hui, toutes les
structures d'insertion dont vous parliez, on n'a pas encore abordé ces
aspects, mais on passera obligatoirement par ça, on en a parlé
lors de nos deux dernières réunions. En fait pour nous,
l'intégration va passer par la base, et ça va commencer par les
femmes et les enfants en particulier ceux qui sont nés ici, qui sont
perdus et qui ne connaissent pas bien leur culture. Il y a des activités
qui sont en train d'être mises en place pour permettre l'insertion des
jeunes puis des femmes; Aujourd'hui on a ciblé le milieu scolaire. Nous
sommes en train de voir l'association des parents d'élèves au
niveau de Lyon, dans les écoles. Il y a une activité qui est
prévue le 31 octobre pour inciter les parents par exemple à
entrer dans tout ce qui est associations. Il y a aussi une activité sur
l'éveil des enfants, dès l'âge de 4 ans. Aujourd'hui on le
fait à Villeurbanne au sien des associations, et on fait en sorte que
ces gens-là puissent faire venir les enfants. L'objectif à terme
c'est de la faire dans chaque commune, d'aller vers ces populations. Mais tout
ce qui est insertion des personnes âgées dans les foyers de
travailleurs migrants par exemple, on n'a pas encore soulevé le
problème. Mais effectivement sur ce plan-là, il y a du boulot
à faire ».
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