De « retour dans le pays d'accueil », en France et
à Lyon donc, notre entrepreneur a multiplié des initiatives
entrepreneuriales, dans une démarche toujours individuelle, comme c'est
le cas pour nombre d'entrepreneurs africains rencontrés à la
« rue de la Guillotière »128, en l'absence
de relais associatifs forts spécialisés dans l'accompagnement
spécifique129 des migrants à la création
d'activités génératrices de revenus au sein de la
communauté des migrants de Lyon; à l'exception notable de
structures identifiées tel le Centre A.C.F
à
que ce concept implique de plans d'ensemble
nécessairement régionaux et nationaux. Certaines associations,
souligne DAUM, modulent d'ailleurs cette ambition dans leur intitulé en
association d'aide au développement du village par exemple.
126 Cossue, dans le jargon populaire local&
127 Extrait de l'Entretien du 16 octobre 2012
128 Artère marchande lyonnaise célèbre
pour ses vitrines alimentaires exotiques, salons de coiffures et son
éclectisme fortement dominé par les cultures africains
subsahariens.
129 Lévy-Tadjine déjà cité insiste
dans sa thèse de doctorat tout particulièrement sur la
nécessité de prendre en compte et d'intégrer dans le
processus d'accompagnement les spécificités culturelles de
l'accompagné, de même que le cadre culturel dans lequel il inscrit
sa démarche entrepreneuriale : intégrationniste,
ségrégationniste, assimilationniste.
98
Villeurbanne, qui nous a accueilli
en stage ou les établissements publics ou privés tous publics qui
abondent dans le département.
C'est dans cette optique que nous avons investigué
quelque peu au coeur de cette artère marchande, recherchant une
association d'entrepreneurs ou une fédération des patrons de
boutiques subsahariens dans la ville de Lyon, en vain. Il n'en existait pas. De
l'aveu même de deux propriétaires d'une boutique de commerce
alimentaire de détail consultés, les soutiens ou l'accompagnement
à la création d'entreprise dans le commerce de détail et
les services en particulier relèvent des démarches et des
réseaux d'entraide personnels (amicaux et familiaux) des
entrepreneurs.
Un responsable associatif déplore en ces termes cet
état de fait:
« En ce qui concerne l'entrepreneuriat
immigré au sein de la communauté africaine du Grand Lyon,
là aussi on retrouve les mêmes réalités culturelles
et la primat de l'intérêt particulier sur l'intérêt
général. C'est dommage qu'il n'y ait pas d'occasion de
rencontres, d'échanges d'information. C'est vrai, il y a beaucoup
d'initiatives lorsque vous allez à la 'rue de la Guillotière'',
à différents niveaux. Bon, je me dis, c'est dommage qu'il n'y ait
pas de besoin de rencontres, d'échanges d'informations, de lobby. Cela
peut aider par exemple à créer des synergies pour réussir
ensemble, créer de l'emploi, des structures de formation. »
D'autant que la communauté africaine de Lyon compte
des créateurs d'entreprises mais aussi des experts ayant des
compétences en matière de gestion de projet, de management
d'entreprises. Il ne nous a pas été possible de vérifier
s'il pouvait y avoir une réticence de la part de ces experts à
collaborer avec les associations souhaitant promouvoir l'entrepreneuriat
auprès des migrants africains au niveau collectif, ou avec des porteurs
individuels de projets de créations d'activités. Un acteur
associatif confessait en effet que :
« À ma connaissance, je n'ai pas eu
écho de prises d'initiatives dans ce sens-là... C'était
l'un des objectifs d'une association que nous avions créée, faire
l'inventaire de l'existant, orienter et puis pourquoi pas solliciter des
contributions spécifiques pour le suivi et autre&. Il y a quelques
chefs d'entreprises effectivement, Il y a des initiatives individuelles pour
créer des activités mais qui restent isolées. Pour moi
c'est un domaine qui reste un chantier à travailler, parce que notre
présence c'est aussi par l'économique que nous pouvons l'affirmer
»
Une analyse qui rejoint notre postulat de départ selon
lequel pour être individuellement efficace là-bas au travers des
projets de développement solidaire, encore faut-il que les migrants
soient économiquement, socialement et politiquement solides ici. Or, au
sortir de notre enquête, force est de constater que la question de
l'insertion par l'économique reste très peu investie par les
acteurs associatifs africains. Au point où en consultant les catalogues
associatifs des communes, peu sont apparues les Entreprises d'insertion par
l'économique ou les structures de formation spécialisées
dans l'accompagnement pour le retour vers l'emploi ou la création
d'entreprise. Le Centre ACF qui nous accueille en stage apparaissant ainsi
comme une des rares structures créées et administrées par
un migrant subsaharien et ayant ces vocations. D'où notre
démarche d'étude visant à comprendre les raisons
conjoncturelles, culturelles, organisationnelles, opérationnelles et
individuelles de ce déficit dans le Grand Lyon.
À tout prendre, la pratique de l' entraide et de la
solidarité ne s'appuie que fort rarement sinon pas du tout sur les
dispositifs d'insertion génériques existants en matière
d'accompagnement à la création d'entreprise, de recherche
d'emploi et de logement, de prévention spécialisée, bref
d'intégration sociale, au vu des opinions recueillies au cours de notre
enquête. Est-ce suffisant pour en faire une généralisation?
À notre sens, une enquête plus approfondie sur le recours
individuel ou collectif des immigrés subsahariens aux instruments
d'accompagnement au retour vers l'emploi et la création
d'activités de production permettrait d'évaluer l'ampleur du
phénomène est les mesures à promouvoir. Ce que n'a pas
permis le temps court de notre recherche.