Sur le plan collectif, l'entraide reste de mise dans la
plupart des associations tournées spécifiquement vers le
développement solidaire125 des localités d'origine de
leurs membres, sans la préoccupation de s'installer en France.
125 Notons toutefois avec C. Daum la contradiction apparente
existant entre le fait d'intervenir par des actions collectives centrées
sur un seul village ou une localité, portant sur des problèmes
précis vécus là-bas et le développement au sens
fort de ce mot. Et en particulier avec ce
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Or, alors que dans les années antérieures le
séjour en France était vécu comme une parenthèse
entre deux étapes de la vie, les données semblent avoir
changé depuis lors. Parmi les immigrés partis se
réinstaller dans le pays source, il y en a qui reviennent en France,
après un échec essuyé: une entreprise qui dépose le
bilan, l'environnement socio-économique et politique
délétères, une stabilité précaire, toutes
choses qui sont peu favorables à l'investissement productif. En
conséquence, certains migrants ont opté pour une migration
circulaire, des allers et retours entre le pays et la France, en confiant la
gestion de petites activités génératrices de revenus
à un proche (amis, famille) ou à une personne de la
communauté villageoise.
Un responsable associatif, arrivé et installé
en France depuis 1984, auto-entrepreneur et patron d'un espace de vente, nous
confiait ainsi que:
«Au départ, c'était dans les 4 ans
après mon arrivée ici que je prévoyais de rentrer au pays,
mais plus ça avance et plus cet objectif s'est dissipé.(...) Dans
mon cas, les conditions du retour.. ;euh.. ;je ne vois pas ce que je peux faire
là-bas, et vu la façon dont nos pays sont gérés;
Moi si je retourne là-bas aujourd'hui , je ne serai rien...Maintenant
s'il faut partir , il faudrait que je le fasse avec mes moyens d'existence, or
je ne suis pas issu d'une famille « élue
»126(rires); et donc si j'y arrive, quelles que soient mes
compétences acquises grâce à mes voyages, nos dirigeants je
ne sais pas s'ils en sont conscients...Quoi que sur place on a aussi des gens
bien compétents, mais moi, si je rentre au Cameroun , je ne vois pas ce
que je peux faire à part peut-être faire les affaires...mais le
cadre institutionnel des affaires là-bas, je ne peux plus, je
n'arriverai pas à m'insérer. Quand tu te lances dans les
affaires, c'est pour réussir. Étant un homme très objectif
et très réaliste, j'y vais, j'observe, je vois que je ne pourrai
pas(...) Aujourd'hui je suis à ma 28e année ici, et au
début mon objectif était de repartir. J'ai essayé
déjà, j'y ai fait des investissements, pourtant c'est comme si je
n'avais jamais rien fait: Pas de rentabilité, pas de gens assez fiables.
Comme j'y vais régulièrement, j'observe avec la mentalité
occidentale, je n'incrimine personne, c'est le système qui est en cause.
Un entrepreneur là-bas, avec toute sa bonne volonté se lancera
mais n'aboutira pas au résultat attendu parce qu'il y a trop des
impondérables, des facteurs extérieurs qui jouent. Par exemple,
cela fait deux mois que j'étais en contact permanent avec le
propriétaire du local que je viens de reprendre ici. Les règles
sont claires, vous savez que vous allez payer telle somme ici ou fournir tel
papier; alors que là-bas, si vous allez pour faire un papier vous allez
y passer une semaine...Pour un papier à signer, on va vous dire que:
'non, le chef n'est pas là ! ''. Alors naïf comme vous êtes,
vous y croyez. Je n'ai aucune raison de douter de la parole de cette
personne...Je demande: 'il sera là quand ?' ; On me dit: 'demain'', et
après le lendemain quand tu reviens, on te dit que le 'chef a
voyagé'', et on vous balade pendant une semaine, jusqu'à ce que
vous rencontrez quelqu'un qui vous dit: ~'Mais...mais tu n'as rien compris!
Donne --lui 1000 francs CFA, tu verras, le chef sera là'' !
(Rires)...Alors, vous aurez passé une semaine pour faire un document qui
n'a même pas besoin d'une minute ici. Ce sont tous ces facteurs qui
poussent les jeunes entrepreneurs à l'échec au pays. Je peux vous
dire que la plupart des gens que j'ai connus ici, les anciens, et qui sont
rentrés s'installer au pays, je peux vous dire que 90% sont revenus ou
cherchent à revenir. Ah oui oui oui ! Mais dans le lot, il y a
peut-être 10% qui ont réellement réussi à se
réintégrer au pays...Sinon...voilà quoi
!»127.
Cela étant, la question de la réinsertion
socio-professionnelle ou économique va se poser pour ces anciens
candidats au retour dans le pays d'origine, qui ont parfois tout soldé
au moment du départ. Il faut repartir de zéro.