Le migrant africain du grand- Lyon. L'" agir " social et économique à construire. Enjeux, discours d'acteurs, pratiques, stratégies et cadres d'intégration, de mobilisation et valorisation des compétences des migrants sub- sahariens de l'agglomération lyonnaise( Télécharger le fichier original )par Issopha NSANGOU Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne - Master 2 Pro en ingénierie du développement social 2012 |
Constat n°3Peu de cas sont faits dans la littérature spécialisée des études sur les étapes en amont de la création d'entreprise et le processus d'accompagnement et de création proprement dit, ainsi que la spécificité gestionnaire des initiatives socio-économiques des migrants en France (Lévy-Tadjine, 2004). En effet, si les dimensions socioculturelles de l'entrepreneuriat immigré tiennent une large place dans les travaux scientifiques, il n'en est pas de même de l' «approche processuelle ou «approche HOW». Cette approche conduirait par exemple à étudier comment l'entrepreneur subsaharien dans sa démarche entrepreneuriale a recours aux ressources auprès des réseaux des migrants, la solidarité du groupe (pour trouver un financement, une garantie pour les banques). Cette grille de lecture amènerait aussi à s'interroger sur les modalités de management de l'entreprise et l'accompagnement dont il bénéficie de la part des associations d'appui (issues des migrations au besoin), les dynamiques socioculturelles ou interculturelles qui s'instaurent. En clair, en reprenant à notre compte l'expression de SCHMITT citée par Thierry Lévy-Tadjine (2004, p.17) : « l'étude processuelle de l'entrepreneuriat immigré concerne tout autant les entreprises en création que les entreprises de création ». Un focus sur l'entrepreneur immigré et son accompagnement, en somme. Il serait également intéressant de se pencher sur l'intégration sous l'angle de la finalité, pour évaluer si la création et la gestion d'une entreprise ont permis ou non une intégration, du point de vue de l'entrepreneur lui-même. L'analyse du discours des acteurs sur eux-mêmes et les autres est en ce sens particulièrement pertinent. Constat n° 4Les diasporas africaines du savoir(ou diasporas de la connaissance), les ONG de migrants experts10, les organismes d'appui opérationnel et de gestion issus des migrations11 se multiplient depuis quelques années en France, avec l'ambition affichée de mobiliser les ressources financières et non-financières (cognitives, 10 Tel l'ONG de migrants professionnels hautement qualifiés basés en Suisse Afri-Experts International, qui: « offre une gamme de services variés dans les domaines du développement international, des technologies de l'information, des services financiers et de l'immigration. Ses activités s'appuient sur la formation de haut niveau et les compétences de son vaste réseau de consultants qui jouissent d'une excellente notoriété pour réaliser les missions qui leur sont confiées en rapport avec leurs différents champs d'expertises ». Portail Afri-Extperts http://www.afriexperts.com/index.php/notre-firme/mission
Migrations(OSIM) et spécialisé, entre autres missions, dans le renforcement des capacités de celles-ci, l'appui au montage et le suivi des projets de développement solidaire dans les pays d'origine (Afrique, Asie, Amérique latine). 10 relationnelles, institutionnelles, organisationnelles) des migrants aux fins des transferts et du développement dans les pays d'origine. Toutefois, quelques problèmes se posent qui nous semblent majeurs: ~
13 Voir la Base de données de l'OCDE sur les immigrés et les expatriés de 2004, in Louka T. Katseli et alii. (2006), « Politiques migratoires et développement: une perspective européenne», Cahier de Politique Économique, n° 30, OCDE. Il y est analysé que : « La migration de travailleurs peu et semi-qualifiés a en général un impact plus fort que l'émigration de professionnels sur la réduction de la pauvreté dans le pays d'origine(...)Trois raisons expliquent ce phénomène: tout d'abord, ces travailleurs sont originaires de familles et de communautés à faible revenu qui profitent donc plus directement de la migration; ensuite, leur retrait sur les marchés de travail des pays d'origine ouvre la voie à d'autres travailleurs peu ou semi-qualifiés appelés à les remplacer; enfin, ces migrants ont tendance à envoyer davantage de fonds que les professionnels hautement qualifiés, surtout s'ils ont laissé leurs familles au pays(...) La migration de travailleurs peu ou semi-qualifiés confère par ailleurs d'importants avantages à de nombreux pays d'accueil(...)dans les secteurs de l'agriculture, du BTP et des services aux particuliers » 14On peut lire ceci à la Page d'accueil du site web du FORIM : « Le Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations (FORIM) est une plateforme nationale qui réunit des réseaux, des fédérations et des regroupements d'Organisations de Solidarité Internationale issues de l'Immigration(OSIM), engagés dans des actions d'intégration ici et dans des actions de développement dans les pays d'origine. Le FORIM représente environ 700 associations intervenant en Afrique Subsaharienne, au Maghreb, en Asie du Sud Est, aux Caraïbes et dans l'Océan Indien. Créé en mars 2002 avec le soutien des pouvoirs publics français, il témoigne de la volonté de ses membres de s'associer à toutes les composantes de la société civile française, afin de favoriser l'intégration des populations issues des migrations internationales, de renforcer les échanges entre la France et les pays d'origine et de contribuer au développement de leur région d'origine. Il montre une image spécifique de la vie associative des personnes issues de l'immigration et met en évidence les aspects positifs de la double appartenance en faisant la promotion d'actions conduites en France autour de l'intégration, de l'échange culturel et d'actions de développement vers les pays d'origine » ; La FAFRAD ou Fédération des Associations Franco-Africaines de Développement est une ONG de solidarité internationale née en 2008 et basée à Bobigny en région Île-de-France, dont le but est de « Décloisonner l'espace et le domaine de la coopération Nord-Sud et en particulier, celle décentralisée et assurer une meilleure coordination des initiatives franco-africaine de développement en tirant un meilleur parti de toutes » (statuts de l'organisation). 11 aux ressources des instances publiques (subventions et aides en tous genres). Pourtant, en dépit de ces efforts de mutualisation des outils et actions, il n'existe pas à proprement parler de cadre opérationnel spécifique, national et cohérent, permettant des consortiums, des alliances fortes entre réseaux de migrants, des passerelles visibles ayant vocation à décloisonner ces organisations parfois murées dans un entre-soi qui à certains égards peut desservir. Ce défaut de cadre commun d'action rend difficile certaines initiatives de nature à résoudre des problématiques d'insertion sensibles .Par exemple, construire un système cordonné de promotion des droits sociaux des migrants subsahariens les plus vulnérables qui, même si différents par leurs origines ethno-géographiques, ont en partage les mêmes difficultés sociales. Nous pensons également à la mise en place par des structures d'insertion (par la formation) un système de certifications et des référentiels et normes professionnelles permettant la mise à contribution des compétences des migrants acquises sans diplôme reconnu (apprentissage non-formel et informel), utiles aux économies des pays source et d'arrivée. Ce système pouvant permettre par ailleurs d'harmoniser, en France en tout cas, les processus spécifiques de montage et valorisation des projets socio-économiques des migrants et les mécanismes de leur gestion. Quelques initiatives notables mais isolées existent, telles la mutuelle des Sénégalais de France15 ou des annuaires de compétences pour lesquels des modalités et cadres de mise en valeur sont définies et connues de l'ensemble des acteurs concernés, comme c'est le cas dans la communauté pakistanaise ou subsaharienne dans les grandes provinces du Canada. Une telle plateforme opérationnelle pourrait servir de cadre de rapprochement et de coopération aux projets de développement ou d'intégration d'envergure entre fédérations d'associations professionnelles, techniques, scientifiques, financières, institutionnelles de migrants africains dans toute leur diversité. Nous songeons par exemple à la promotion de l'entrepreneuriat international entre autres opportunités. Or, les interactions entre OSIM techniques, Diasporas africaines dites du savoir (en tant initiatrices de réflexion et débats et porteuses de propositions innovantes et pratiques) et les associations communautaires de migrants sont pour l'instant, nous le postulons, sinon inexistants, du moins très faiblement mises à contribution dans la démarche de mobilisation et valorisation des compétences des migrants africains. Ce déficit d'approche intégrative à large échelle, en tout cas de part et d'autres de ces 3 pôles d'acteurs diasporiques, pose un problème non-négligeable (au niveau de la France du moins) d'accès à l'information des nouveaux arrivants concernant, par exemple, la connaissance du marché du travail local et national, les certifications requises pour intégrer certains segments du marché du travail, et notamment ceux qui ne sont pas réglementés (85% du marché du travail au Canada), l'accès aux incubateurs pour l'entrepreneuriat, la formation professionnelle propre à un secteur d'activités particulier, au-delà bien sûr des dispositifs génériques existants dans le cadre des Plans régionaux d'Intégration redéfinis sous la mandature du Président Nicolas Sarkozy( Contrat d'accueil et d'Intégration, Programme de formations linguistique, bilan de compétences, en partenariat avec l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration et Pôle emploi, etc.). 3. À l'échelle des instances gouvernementales, nous postulons que combler un tel manque aiderait les migrants organisés et structurés à peser de manière décisive sur l'appareil institutionnel, en l'occurrence sur les politiques publiques de l'espace européen et de la France en matière de coopération, de développement, de conseils aux entreprises européennes souhaitant par exemple investir dans les pays africains; ou plus encore, sur les politiques migratoires et d'intégration dans les pays d'accueil. En d'autres termes, il y a nécessité à construire des espaces de développement et de valorisation des capitaux humain et social des immigrés qualifiés et peu ou non-qualifiés ici pour mieux agir avec efficacité dans le long terme là-bas. Et c'est dans et à travers ce cadre opérationnel structuré, identifié, visible, qui se posera comme «lieu d'investissement de l'action diasporique et son inscription plus élargie dans le cadre national ou continental » ( Babacar Sall , 2003) que serait mise en exergue et apprécié à sa juste valeur l'expertise opérationnelle des 15 MECSEF : La Mutuelle d'Épargne, de Crédit des Sénégalais en France (MECSEF) qui ambitionne de « Participer à l'amélioration des conditions de vie et d'insertion socio-économique des populations ici et là-bas. Permettre à tous Sénégalais vivant en France d'être Acteur Solidaire d'un Co développement économique durable et solidaire », entre autres missions. Voir sur son Portail web : http://www.mecsef.com/ 12 diasporas scientifiques et techniques, des OSIM d'appui et de gestion des projets économiques des migrants auprès des publics porteurs d'une demande sociale particulière dans les pays d'accueil et dans les pays d'origine: État, entreprises, société civile, particuliers. Compte tenu du cheptel de constats qui précèdent, c'est l'exploration du volet insertion/intégration des migrants originaires de l'Afrique sub-saharienne (tous statuts) dans le circuit social et économique en France (mécanismes, dispositifs, acteurs, politiques) qui a mobilisé notre attention. De même que l'autonomie financière et les gains de nature technique qui, théoriquement du moins, leur sont corrélés. La ligne directrice de cette étude consiste à porter un double regard à la fois sur la démarche individuelle et collective d'insertion des migrants au travers de la mobilisation et la valorisation des ressources ( sociales, culturelles, humaines et économiques) autant que sur la dimension sociale de l'entrepreneuriat immigré très peu exploré (maillage de réseaux de diasporas expertes avec des structures d'accompagnement et de formation et les associations d'insertion des migrants...). Cette posture met en avant l'idée que les initiatives socio-économiques des migrants constituent une des étapes fondamentales d'accumulation des ressources et des compétences requises dans l'accomplissement des actions de développement. Ce n'est donc pas un hasard si les logiques de transferts et de circulation de fonds et des connaissances (savoirs et savoir-faire) vers les pays en développement ont fait l'objet de nombreux travaux scientifiques et qu'ils sont fortement encouragés par les acteurs politiques et de la solidarité internationale16. L'enjeu est en effet double: l'acquisition de la culture de l'investissement productif par les migrants, sans distinction de Dqualification18. Puis le renforcement des capacités de ceux des immigrés les plus concernés par les situations de précarité socioprofessionnelle en France : déqualification, sous-qualification et leurs corollaires. Aussi, tenterons-nous dans le cadre de ce travail d'esquisser des éléments de réponse à la problématique suivante: |
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