Constat n0 2
L'expérience migratoire peut être fondatrice
d'une perception alternative du développement par le migrant
lui-même, capable à certaines conditions d'analyser un contexte,
les enjeux, les intérêts, d'identifier les gains potentiels ou les
risques liés aux actions entreprises, puis de développer des
stratégies idoines. Selon son statut et les ressources disponibles
(fonds, savoirs, compétences, réseaux), le migrant peut avoir
recours à la mobilité interne ou externe au départ cette
fois du pays d'accueil. Il est donc susceptible de s'installer et, partant,
d'initier une activité économique dans un environnement qui lui
paraitrait « viable » et stable, un investissement productif donc,
dans une aire autre que celle du pays d'origine. Et c'est là tout
l'intérêt du paradigme sur la circulation des
6 Thierry LEVY-TADJINE, « L'entrepreneuriat
immigré et son accompagnement en France », thèse de
doctorat soutenue en octobre 2004, Université du Sud-Toulon-Var.
7 Altay Manço, Valorisation des
compétences et co-développement. Initiatives pour migrants
africains qualifiés. La recherche-action VITAR, Irfam, Bruxelles,
2008.
8 Il est reconnu que les flux de retour occasionnés par
les politiques publiques concernent de très petits effectifs, c'est ce
qu'indiquent Marie-Laure FLAHAUX et alii, in Partir, revenir :
Tendances et facteurs des migrations africaines intra et extra-continentales
: « les retours en provenance des pays du Nord sont à
la fois moins nombreux et moins rapides. Après 10 années
passées hors du Sénégal, environ 7 migrants internationaux
sur 10 sont de retour d'Afrique, ils sont seulement 2 sur 10 parmi ceux qui
avaient rejoint un pays du Nord. Et l'écart s'accroît encore
légèrement avec le temps. Les migrations de retour des Congolais
sont légèrement moins nombreuses et moins rapides, mais
l'écart en fonction des destinations (pays du Nord vs. pays africains)
demeure(&)pour les migrants, le retour au pays est associé à
l'incertitude des conditions de réinsertion ; la possibilité de
repartir en cas de difficultés lors du retour est une manière de
pallier cette incertitude ; du coup, plus le coût du départ est
élevé (en argent, en démarches, en risques divers), moins
il est aisé de décider de rentrer. Dans d'autres contextes, des
chercheurs ont ainsi montré que les migrations de retour des Mexicains
sont devenues moins fréquentes lorsque les conditions d'immigration
aux
États-Unis sont devenues plus difficiles (Massey,
Durand et al. 2002)».Pour rappel, le retour des étrangers est
à l'ordre du jour en Europe et fait aussi partie de la politique des
étrangers. Des initiatives de retour sont mises sur pied dans les
différents états membres de l'Union Européenne (UE), et
cela pour trois catégories d'étrangers: respectivement les
demandeurs d'asile déboutés, les personnes
déplacées et les autres migrants. Il s'agit tantôt
d'initiatives à court terme ou de programmes ciblés sur un public
spécifique, tantôt de services permanents destinés à
une large catégorie de personnes, indépendamment de leur
nationalité ou de leur statut. Depuis 1992 la plupart de retournants
sont des demandeurs d'asile qui n'ont pas été reconnus comme
réfugiés.
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compétences que nous évoquerons plus loin, et
qui a peu à peu éclipsé l'obsessionnelle grille de lecture
de la «fuite des cerveaux ». Le patriotisme économique ou
sociopolitique n'est plus une règle absolue dans un contexte où
le désenchantement démocratique, l'instabilité
politique (pour ce qui est de certains pays africains francophones), la crise
économique sévère et son cheptel de conséquences
dramatiques pour le niveau de vie des citoyens africains constituent des
facteurs répulsifs °importants. Ils peuvent être
d'ailleurs de nature à impacter fortement les projets ou trajectoires de
vie des migrants, leurs relations avec le pays d'origine, et l'intention d'y
retourner, d'y investir ou non. Et à cet égard, nous verrons que
les pratiques transnationales de développement de certains migrants en
direction de leurs pays d'origine est fonction de la situation et de la
configuration sociopolitique de ces derniers. En conséquence, et nous y
reviendrons, une partie des migrants en France a vocation à
acquérir la nationalité française, une autre à
revenir dans le pays de départ et le dernier tiers à partir vers
une autre destination.
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