Conclusion du chapitre
Les métiers des concepteurs, qu'ils soient architectes
ou ingénieurs, peuvent être ; à toute phase du
process de construction ; des producteurs de risques et de ce fait
être responsables de sinistres touchant l'ouvrage qu'ils réalisent
ou encore les biens d'autrui tels les bâtiments mitoyens par la faute de
leurs études. Ces risques peuvent être gérés et
amoindris dans la mesure du possible par l'utilisation de méthodes
scientifiques de Risk Management. Mais ces méthodes ne peuvent
suffire à elles seules si la législation n'est pas au niveau de
répondre à des situations de responsabilité des
différents métiers d'ingénierie participant à la
réalisation du projet. Il parait nécessaire de définir les
métiers d'ingénieurs et délimiter leur
responsabilité selon leur métier et leur intervention sur
chantier. Cette situation de conflits naissant entre maitres d'ouvrage et
concepteurs ne trouvera aucune issue tant que la législation actuelle
est maintenue en l'état et n'est pas revue rapidement.
Mohamed Jamal BENNOUNA Page 27 sur
94
Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
Chapitre II - La responsabilité civile des
entreprises d'exécution des travaux et les difficultés
liées à la sous
traitance
Les entreprises de construction ; au cours de leurs ; peuvent
commettre des fautes qui peuvent s'avérer fatales pour la
pérennité de l'ouvrage. Ces fautes peuvent apparaitre durant la
période des travaux ou encore après leur réception,
provenir d'un manquement contractuel ou tout simplement d'une faute quasi
délictuelle. Les sections qui suivront essaieront de traiter la
responsabilité des entreprises de construction ; tant celles des gros
oeuvres que celles du second oeuvre ; tout en mettant en relief les
difficultés de traitement de responsabilité des sous traitants en
l'absence de textes législatifs qui gèrent cette catégorie
d'intervenants sur chantier.
Section 1 - La responsabilité civile des
entreprises de Gros oeuvre et second oeuvre dans le cadre du DOC
En construction, il existe deux grandes classes d'entreprise
à savoir l'entreprise de gros oeuvre et les entreprises de second
oeuvre.
L'entreprise de gros oeuvre est l'entreprise de construction
proprement dite. C'est elle qui va réaliser l'ouvrage sur la base des
différents plans et coupes de l'architecte et du bureau d'études.
Elle doit suivre les recommandations du maître d'oeuvre en cas de
difficulté d'exécution d'une tâche. Elle doit aussi
respecter les clauses du marché conclu avec le maître d'ouvrage et
se conformer aux spécifications techniques de réalisation
portées sur le cahier de prescriptions spéciales ( CPS ). Son
expérience et son savoir faire sont primordiaux pour la
réalisation de l'ouvrage. Elle détient en général
la plus grosse part du marché. Théoriquement, elle devrait donc
être la première à être intéressée par
la souscription d'une police TRC plus que tout autre intervenant.
Il existe des chantiers où l'entreprise réalise
tous les travaux et délivre un ouvrage clef en main. Dans ce cas, on
parlera d'entreprise générale.
Les entreprises de second oeuvre sont multiples et ont pour
tâche d'exécuter des travaux autres que la construction. Leur
liste n'est pas exhaustive et leur intervention dépend de la nature de
l'ouvrage. Ces sociétés peuvent avoir le statut de sous-traitant
de l'entreprise générale ou travailler pour leur propre compte et
avoir dans ce cas un contrat direct avec le maître d'ouvrage. Ces
entreprises peuvent réaliser les travaux
Mohamed Jamal BENNOUNA Page 28 sur
94
Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
tels que la plomberie, l'électricité, le montage
d'ascenseur, les travaux d'étanchéité, la pose de
carrelage, etc...
Le travail de ces entreprises qu'elles soient entreprise
générale ou de second oeuvre produit des situations de
chevauchement. Le travail sur un même lieu et en même
période génère des sinistres qui peuvent incomber à
une entreprise ou à plusieurs entreprises en même temps. La
délimitation du champ d'action de ces entreprises pose le
problème de délimitation de responsabilité en cas de
sinistre. Le départage de ces entreprises et la désignation de la
part de responsabilité ne sont pas toujours aisé sur chantier. Le
problème se pose avec acuité lorsque le sinistre est exclu de la
police d'assurance qui les couvre ou que l'un des intervenants n'est pas
assuré. Nous rappelons que l'assurance tant en période de
travaux, qu'en période décennale n'est pas obligatoire au
Maroc1.
§ 1 - Les fautes d'exécution des travaux en
cours de travaux et en période décennale
La responsabilité tant de l'entreprise de gros oeuvre
que celles du second oeuvre peut être retenue en période de
travaux. Cette responsabilité s'inscrit dans le cadre contractuel liant
ces entreprises au maître d'ouvrage ou dans le cadre délictuel
vis-à-vis des tiers (cas de dommage causé par une entreprise
à une autre entreprise au niveau de son matériel ou ses
fournitures dans le même chantier). Mais l'exécution des travaux
génère des sinistres engageant ainsi la responsabilité des
constructeurs. Ces situations ne sont pas toujours aisées et peuvent
générer des conflits entre entreprises et maître d'ouvrage
ou encore entre entreprises en tant qu'assurées et assureurs. La
difficulté d'interprétation des responsabilités des
intervenants peut être illustrée par le cas réel suivant
:
Dans le cadre de son contrat qui la lie avec le maître
d'ouvrage, l'entreprise a réalisé des poutres
dédiées à un pont. Lors de la pose de ces poutres, le
maître d'ouvrage a constaté que la résistance contractuelle
du béton n'était pas atteinte. Le maître d'ouvrage a
refusé de les réceptionner vu que la résistance du
béton n'atteint pas la résistance contractuelle.
Après maintes investigations et tests non destructifs
sur les poutres, l'expertise n'a pas pu déterminer l'origine de la chute
de résistance de béton.
Dans ce cas précis, l'entreprise s'est trouvée
dans une situation des plus fâcheuses puisque d'un coté le
maître d'ouvrage a refusé de réceptionner les poutres
1 L'assurance construction n'est obligatoire que pour les
marchés de l'État. A ce propos, voir Art. 24 du CCAGT
approuvé par le décret N° 2-99-1087 du 29 Moharrem 1421 - 4
mai 2000
Mohamed Jamal BENNOUNA Page 29 sur
94
Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
confectionnées et de l'autre côté
l'assureur a rejeté le sinistre en avançant l'argument d'absence
de dommage et que la résistance est d'ordre contractuel et ne peut en
aucune manière être couverte par la police Tous Risques Chantiers
qui couvre les travaux de l'entreprise assurée. Rappelons
néanmoins que la police TRC ne couvre pas les contractuels manquant.
Il y a lieu de noter que les us et coutumes du
secteur du BTP hérités du système français divise
la période de responsabilité contractuelle des entreprises de
construction en deux périodes : la période de travaux proprement
dite allant de la date de début des travaux concrétisée en
général par un ordre de service émanant du maître
d'ouvrage et une période appelée période de maintenance
s'étalant de la réception provisoire (fin des travaux) à
la réception définitive. La responsabilité contractuelle
des entreprises vis-à-vis du maître d'ouvrage continue et
s'étend à la période dite de maintenance comprise entre la
réception provisoire et la réception définitive. En
d'autres termes, le transfert de propriété ne se fait qu'au
moment de la réception définitive.
Quant à la période décennale
commençant à compter de l'achèvement des travaux pose un
grand problème juridique. En fait, l'article 769 du DOC utilise deux
termes pour désigner la fin de travaux et le commencement de la
période décennale : « achèvement des travaux »
et « la réception ». Or, le secteur du BTP utilise et pratique
deux réceptions comme on vient de le préciser. La question
posée est de taille : la responsabilité civile décennale
telle qu'elle est définie dans le DOC commence à courir à
partir de la réception provisoire ou bien à partir de la
réception définitive ?
Cette situation est très visible et ressentie lors de
la souscription des polices décennales et la discussion engagée
entre assureurs et assurés relative à la date d'effet de la
police. Les assureurs marocains proposent la réception provisoire comme
point de départ de la RCD vu que la plupart des maîtres d'ouvrage
commencent à exploiter leurs ouvrages à partir de la
réception provisoire. Quant aux assurés, ils
préfèrent en général la réception
définitive et ce afin de gagner une année d'assurance.
Il y a lieu de noter que le CCAG-T a résolu ce
problème pour les marchés publics et a
décrété dans son article 24 que la responsabilité
civile décennale commence à courir à compter de la
réception définitive.
Il faut remarquer que cette situation n'est pas aisée
et est source de beaucoup de malentendus et de litiges entre les intervenants
dans l'acte de construire. L'existence de ces deux réceptions pose
beaucoup de problèmes d'ordre juridique et judiciaire puisque l'acte de
réception a des effets juridiques de garantie. Contrairement au
législateur marocain, le législateur français a
résolu ce problème en instituant une
Mohamed Jamal BENNOUNA Page 30 sur
94
Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
seule réception « Les marchés de travaux
prévoyaient généralement une réception en deux
temps, l'une provisoire, l'autre définitive : désormais la
réception est unique » 1.
|