L'enquête menée a montré la
répartition des délais de règlement des sinistres comme
suit2:
25 % 2 ans
25 % entre 2 et 4 ans
1 Ce développement est considéré
par certains comme une révolution
2 Lambert-Faivre (Y), Risques et assurances des
entreprises, Paris, Éditions DALLOZ, 1991
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Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc
Limites et carences de la
législation
25 % entre 4 et 8 ans
25 % au delà de 8 ans et peut arriver à 20 ans
C - La sous assurance du secteur de la
construction est constante laissant les victimes
ainsi sans recours :
L'enquête du rapport SPINETTA a conclu à la
répartition de la sous assurance
dans le secteur de la construction comme suit:
50 % de non assurés dans l'ingénierie et la
maîtrise
oeuvre.
40 % de non assurés dans les entreprises de
construction.
90 % de non assurés chez les fournisseurs,
fabricants
des matériaux et équipements utilisés dans
la
construction.
Ces constats ont conduit à la conclusion suivante : la
création d'un système légal d'assurance est obligatoire
sans pour autant imposer un bouleversement symétrique des règles
de la responsabilité en la matière.
On peut retenir quatre principaux axes de la loi SPINETTA:
1) Les responsabilités
Les responsabilités des intervenants sont
définies par les articles 1792 et suivants ainsi que par les articles
2270 et 1646 du code civil français. Afin d'analyser cette composante de
la loi SPINETTA qu'est la responsabilité, nous analyserons les articles
concernés et ferons dans la mesure du possible une analyse comparative
avec la loi marocaine.
L'article 1792: Définition des
responsabilités
"Tout constructeur est responsable de plein droit, envers le
maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même
résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de
l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments
constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le
rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le
constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause
étrangère."
Cet article a fait ressortir deux points importants en
matière de responsabilité des intervenants :
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constructeurs au Maroc
Limites et carences de la
législation
- La responsabilité d'un intervenant est
engagée aussi bien envers le maître d'ouvrage qu'envers
l'acquéreur. En d'autres termes, la responsabilité de
l'intervenant demeure engagée même en cas de cession de l'ouvrage
à un nouvel acquéreur. Contrairement à l'article 769 du
DOC marocain qui ne retient la responsabilité des intervenants qu'en
vers le maître d'ouvrage
- La présomption de responsabilité des
constructeurs en tant que professionnels est explicitement exprimée dans
cet article « Une telle responsabilité n'a point lieu si le
constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause
étrangère » alors que l'article 769 du DOC marocain n'en
parle pas.
- Contrairement à l'article 769 du DOC marocain qui ne
retient la responsabilité des intervenants professionnels qu'en cas
d'écroulement ou menace d'écroulement, l'article 1792 du code
civil français avance le concept selon lequel le dommage est lié
à l'impropriété à destination ou encore "l'ouvrage
impropre à sa destination". Concept très contesté
d'ailleurs par les professionnels du BTP. En effet, ce concept peut être
utilisé à tort et à travers pour porter l'affaire devant
les juridictions. L'interprétation de la notion de
l'impropriété à destination dépend de tout un
chacun. On peut remarquer d'ailleurs l'augmentation du nombre des contestations
des assurés envers les assureurs et particulièrement envers les
bureaux de contrôle suite à des dommages constatés ;
même minimes soient ils ; constatés dans l'ouvrage.
Nous faisons remarquer que plusieurs réassureurs
étrangers se sont retirés du marché français
à cause de cette loi craignant ainsi un déficit de la branche
d'assurance décennale.
L'articles 1792-1 : Définition du constructeur
Cet article avait pour vocation la définition exacte du
constructeur. Les
constructeurs aux yeux de la loi sont les suivants :
? Architecte
? Entrepreneur
? Tout technicien
? Toute personne liée au Maître d'Ouvrage par
contrat
En d'autres termes, tout intervenant dans l'acte de
réalisation et ayant la qualité
de technicien ou ayant un lien contractuel avec le maître
d'ouvrage a la qualité de
constructeur et de ce fait, sa responsabilité
décennale peut être retenue en cas de
sinistre.
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constructeurs au Maroc
Limites et carences de la
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L'article 1646- 1 : Responsabilité du vendeur
Le vendeur d'un immeuble est responsable au même titre que
les intervenants directs : Le promoteur immobilier est impliqué autant
que les intervenants directs. Les garanties souscrites par le premier
acquéreur bénéficient aux propriétaires
successifs.
Article 1792-2 : Équipements indissociables de
l'ouvrage
Cet article précise que la présomption de
responsabilité est retenue aussi pour les équipements
indissociables de l'ouvrage 1. En d'autres termes, le
législateur ne s'est pas contenté uniquement des travaux de gros
oeuvre mais a étendu la responsabilité des constructeurs à
la détérioration des équipements indissociables au
bâtiment. Il a voulu visé la non seulement la
pérennité de l'ouvrage mais la pérennité et la
continuité de son fonctionnement dans un environnement techniquement
valable et correct.
Par contre le DOC marocain s'est contenté uniquement
de la stabilité et la solidité de l'ouvrage et a réduit la
responsabilité des professionnels aux seuls dommages pouvant toucher la
structure porteuse.
L'article 1792-4 : Responsabilité des
fabricants
Cet article précise que la responsabilité des
fabricants et importateurs est retenue au même titre que celle des autres
intervenants directs objet de l'article 1792. Nous considérons que cet
article a rendu une certaine équité aux entreprises de
construction qui peuvent être poursuivies pour l'utilisation d'un
matériau, matériel ou équipement défectueux sans le
savoir.
Alors que le législateur marocain est resté
muet à ce sujet et les entreprises doivent se retourner contre les
fournisseurs en cas de vice des matériaux tel qu'il stipulé dans
l'article 769. Cette procédure ne peut que retarder les recherches de
responsabilité et l'aggravation des dommages subis par la construction
objet du litige.
2) L'obligation d'assurance
La loi SPINETTA a défini deux assurances
différentes et qui se veulent
complémentaires :
- l'assurance "Dommages" devant être souscrite par le
maître d'ouvrage,
- l'assurance de "Responsabilité" devant être
souscrite par les intervenants dans
l'acte de construire.
Cette obligation est définie par deux articles:
1 Un équipement est dit indissociable de
l'ouvrage lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne
peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de
matière de cet ouvrage.
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Limites et carences de la
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L'article 1792 - 3
Outre les assurances Dommages ( Maître d'ouvrage ) et
l'assurance de Responsabilité décennale des intervenants, le
législateur français a conçu deux autres garanties
à savoir la garantie biennale et la garantie de parfait
achèvement :
- les équipements dissociés de l'ouvrage
doivent bénéficier d'une garantie de bon fonctionnement pour une
durée de deux années. Cette garantie connue sous le nom de «
garantie biennale ». Par le biais de cet article, on comprend que le
législateur français voulait protéger au maximum le
consommateur in fine par le truchement de cette garantie biennale.
Le code de la consommation marocain loi 31.08 ;
récemment adopté ; applique ce principe de garantie ; dans son
article 65 ; de deux ans pour les biens immeubles et une année pour les
biens meubles. Mais notons que cet article ne peut s'appliquer qu'à un
consommateur défini par l'article 2; du même code ; par une
personne physique ou morale qui achète une marchandise, un
équipement ou un service pour un usage non professionnel. Les
entreprises de construction ne peuvent être considérées
comme des consommateurs puisqu'ils aquièrent des équipements
à des fins purement professionnelles et en vu de les intégrer
dans une construction. Même si encore le DOC précise dans son
article 549 que « le vendeur garantit les vices de la chose qui en
diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l'usage ...
etc » ne résout nullement les problèmes liés à
la garantie des équipements incorporés dans la construction
puisqu'il ne définit pas une durée rédhibitoire
(durée de vie minimale pour un fonctionnement normal) pour ces
derniers.
L'article 1792 - 6
Comme on l'avait dit précédemment, le
législateur a prévu une garantie supplémentaire
appelée la garantie de parfait achèvement. En fait,
l'entrepreneur est tenu par une garantie de pérennité de sa
construction pour une durée d'un an. L'idée étant de
donner une année au maître d'ouvrage la possibilité de
constater les défauts et vices pouvant se manifester durant cette
période dans son ouvrage et de les déclarer à
l'entrepreneur. Ce dernier sera tenu de les réparer durant cette
année dite période de parfait achèvement. En fin de
compte, cette période coïncide avec la période de
maintenance pour les chantiers couverts par une police d'assurance du type TRC
avec la garantie supplémentaire appelée garantie de maintenance.
En effet, la garantie maintenance offre deux variantes : la maintenance
limitée et qui ne prend en charge que les sinistres survenus pendant la
maintenance et ayant leur origine pendant la période de maintenance.
Quant à la maintenance étendue, elle couvre tous les sinistres
survenus pendant la période de maintenance que leur origine soit en
priode travaux ou
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Limites et carences de la
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en période de maintenance. Il est clair que la
maintenance étendue offre plus de garantie et propose un éventail
d'indemnisation plus intéressant que celui de la maintenance
limitée. 1
La loi précise que ces défauts constatés
par le maître d'ouvrage doivent être mentionnés sur le
procès verbal établi lors de la réception de l'ouvrage ou
notifiés par voie écrite à l'entrepreneur (après
réception).
L'Obligation d'assurance
Le législateur a rendu obligatoire deux types
d'assurances différentes et distinctes mais complémentaires.
A - L'assurance de responsabilité est
obligatoire pour tous les intervenants dont la responsabilité
peut être engagée sur le fondement de la présomption
établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos
de travaux de bâtiments.
En effet, l'article L24-1 du code des assurances
français stipule dans son premier paragraphe :
"Toute personne physique ou morale, dont la
responsabilité décennale peut être engagée sur le
fondement de la présomption établie par les articles 1792 et
suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance".
B - L'assurance dommage : Tout propriétaire
d'ouvrage, vendeur ou mandataire du propriétaire de l'ouvrage doit
souscrire cette assurance avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou
pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en
dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des travaux de
réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les
constructeurs au sens de l'article 1792 et suivants relatifs aux
responsabilités des constructeurs, fabricants, importateurs et bureaux
de contrôle.
Cette assurance a pour but de favoriser les
réparations rapides des ouvrages endommagés. La recherche des
responsabilités et les recours envisagés viennent ensuite.
Certes, cette démarche évite les dégradations des ouvrages
endommagés et donne la possibilité au maître d'ouvrage de
réparer son édifice juste après la survenance du
sinistre.
Dans le cadre de l'explication des mécanismes de
l'application de cette loi, la circulaire N° 79 - 38 du 5 avril 79 du
ministère de l'environnement français précise que ces
assurances (responsabilité et dommages) ne sont pas obligatoires pour
les ouvrages de génie civil et ; implicitement ; ne concernent donc que
les travaux de bâtiment. Par
1 BENNOUNA (M.J), Pathologie et Management de la
construction, Mohammedia, IMPRIMERIE FEDALA,, 1998, P 173 et 174
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Limites et carences de la
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ailleurs, l'article L243-1-1 précise les ouvrages non
concernés par l'obligation de ces deux assurances.
Le législateur marocain ne précise nullement
pour quel type d'ouvrage la responsabilité décennale doit
être retenue. Ce problème se pose avec acuité au niveau
technique. Le cas flagrant est celui des routes. La pérennité de
ces ouvrages ne peut pas être garantie pour une durée de dix ans
au vu des risques naturels auxquels ils doivent faire face. A ce niveau nous
faisons remarquer que rien que le phénomène ; par exemple ; de
gel et de dégel peut être à la base de dommages importants
qui peuvent apparaitre dès la première année et sans
attendre les dix ans.
Art. L242-2 Dans les cas prévus par les
articles 1831-1 à 1831-5 du Code civil relatifs au contrat de promotion
immobilière, ainsi que par les articles L. 222-1 à L. 222-5 du
Code de la construction et de l'habitation les obligations définies aux
articles L. 241-2 et L. 242-1 incombent au promoteur immobilier.
Art. L243-1 Les obligations d'assurance ne
s'appliquent pas à l'État lorsqu'il construit pour son compte.
Art. L243-1-1
I.-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance
édictées par les articles L. 2411, L. 241-2, et L. 242-1 les
ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures
routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires,
ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de
déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments
d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.
Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de
stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou
câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de
stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de
traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de
télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que
leurs éléments d'équipement, sont également exclus
des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf
si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire
à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.
II.-Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux
ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux
qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent
techniquement indivisibles
3) Le contrôle technique
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législation
La loi SPINETTA a clairement défini les obligations
ainsi que le champ
d'action du contrôle technique en précisant les
points suivants :
? les missions du bureau de contrôle,
? les cas d'obligation de contrôle
technique1,
? les conditions d'agrément des bureaux de
contrôle.
La loi SPINETTA (Titre II article 9) précise que le
bureau de contrôle est soumis lui aussi au régime de la
présomption de responsabilité au titre de l'article 1792.
Par ailleurs, la loi a clairement précisé
l'incompatibilité du contrôle technique avec la conception,
l'exécution ou l'expertise d'un ouvrage.
Le décret du ministère de l'environnement et du
cadre de vie n° 78 - 1146 du 7/12/78 a précisé les types
d'ouvrages soumis à l'obligation du contrôle technique (article
R.111.38):
- les établissements recevant du public,
- les bâtiments hauts (dépassement du plancher bas
du dernier niveau de 28 m les engins des pompiers),
- les bâtiments autres qu'à usage industriel et
ayant les caractéristiques spéciales suivantes:
· les portes à faux > 20 m,
· les poutres ou arcs de portée > 40 m,
· les parties enterrées de profondeur > 15 m,
· les fondations de profondeur > 30 m,
· les reprises en sous oeuvres,
· les travaux de soutènement d'ouvrages voisins sur
une hauteur > 3 m. En d'autres termes, la responsabilité
décennale ne concerne pas tous les ouvrages mais s'intéresse
qu'à une catégorie de construction dont la liste est
exhaustive.
La loi SPINETTA a permis le passage du régime de
gestion des primes en semi-répartition à un régime de
gestion des primes en semi-capitalisation.
Le passage du régime de gestion en semi
répartition au régime de gestion en semi-capitalisation a
été fixé par l'arrêté du 27/12/1982 pour tous
les chantiers ouverts à partir du 1/1/1983.