La responsabilité des constructeurs après la
réception de l'ouvrage est définie par l'article 769 du
DOC1. C'est une responsabilité d'ordre public et ne peut en
aucun être écartée ou diminuée par une clause ou une
convention.
La législation marocaine renferme un seul article
traitant des responsabilités des intervenants dans l'acte de construire
en période d'exploitation idem après la réception
des travaux. Cet article responsabilise les intervenants pendant une
durée de 10 ans de la solidité de l'ouvrage.
L'expérience nous a montré l'insuffisance, la
carence et l'obsolescence de cet article menant à des situations des
plus fâcheuses pour les professionnels.
Il faut noter que l'article 769 a fait son apparition en 1913
et a été modifié en 1959 et ce en prolongeant la
période de garantie de 5 à 10 ans sans pour autant toucher aux
autres dispositions. Il parait logique qu'il ne réponde plus aux
exigences de l'heure actuelle au vu de la complexité de la construction
et la multitude des intervenants pour la réalisation d'un ouvrage.
L'article ne mentionne pas des intervenants qui ont vu le jour
récemment et en particulier les bureaux de contrôle technique, les
ingénieurs géotechniciens et ingénieurs topographes alors
qu'ils ont une responsabilité aussi importante que les autres
intervenants.
Le ministère de l'Habitat a dénombré
plus de 250 intervenants dans la réalisation d'un ouvrage alors que
l'article s'appuie encore sur trois intervenants et limite la
responsabilité décennale à ces seuls intervenants.
Par ailleurs, seuls les intervenants ayant un contrat direct
avec le maître d'ouvrage sont concernés par cette
responsabilité décennale. En d'autres termes, les sous traitants
et fournisseurs ne sont nullement concernés par cet article.
1 Art 769 DOC :"L'architecte ou ingénieur
et l'entrepreneur chargés directement par le Maître sont
responsables lorsque, dans les dix années à partir de
l'achèvement de l'édifice ou autre ouvrage dont ils ont
dirigé ou exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule
en tout ou en partie ou présente un danger évident de
s'écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la
construction ou par le vice du sol.
L'architecte qui n'a pas dirigé les travaux ne
répond que des défauts de son plan.
Le délai de dix ans commence à courir du jour
de la réception des travaux. L'action doit être intentée
dans les trente jours à partir du jour où s'est
vérifié le fait qui donne lieu à la garantie ; elle n'est
pas recevable après le délai."
Mohamed Jamal BENNOUNA Page 60 sur
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Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc
Limites et carences de la
législation
Un autre problème de taille se rajoute à cette
carence est celui de la notion d'ouvrage qui n'est pas définie. En
d'autres termes, est ce un ouvrage d'art tel une autoroute, un
réservoir, un barrage, etc... peut il être considéré
par cet article au même titre qu'un simple bâtiment de deux ou
trois étages. Il est devenu nécessaire d'avoir une liste
exhaustive des ouvrages concernés par la responsabilité civile
décennale des intervenants.
Le point de départ de cette responsabilité est
défini tantôt par l'achèvement des travaux tantôt par
l'acte de la réception. Or la notion de réception pose beaucoup
de problèmes sachant qu'il y a deux réceptions sur chantier : La
réception provisoire et la réception définitive.
Il y a lieu de noter que ce problème subsiste pour les
maîtres d'ouvrage privé et résolu pour les marchés
publics puisque le C.C.A.G.T1 et dans son article 242
relatif aux assurances à souscrire par l'entreprise de construction a
clairement défini le commencement de l'assurance couvrant la
responsabilité décennale par l'acte de la réception
définitive et non pas provisoire.
Par cette définition de la date d'effet de la police
décennale, le législateur reconnait implicitement que le
transfert de la propriété coïncide avec la réception
définitive et non pas avec la réception provisoire. D'ailleurs
même cette disposition trouve des difficultés d'application
puisque plus de 80% des ouvrages sont exploités par les maîtres
d'ouvrages publics à la réception provisoire.
Par ailleurs, l'absence de présomption de
responsabilité des professionnels dans la législation marocaine
pénalise le consommateur vu que la faute doit être prouvée
par ce dernier. Il serait certainement plus logique que ça soit au
technicien (l'intervenant) de prouver que sa responsabilité n'est pas
engagée vu qu'il a les moyens techniques de le faire.
Le délai de déclaration du dommage est
limité à 30 jours alors que la détermination du
degré de gravité d'une fissure ; par exemple ; peut prendre
parfois des mois.
Par ailleurs, le point le plus inquiétant dans la
pratique de cet article par les assureurs réside dans le délai de
règlement des sinistres dans le cas où l'ouvrage est couvert par
une police décennale. Le temps pris pour déterminer les
responsabilités,
1 Cahier des Clauses Administratives
Générales applicables aux marches de travaux
exécutés pour Le compte de L'État approuvé par le
Décret N° 2-99-1087 du 29 Moharrem 1421 - 4 Mai 2000
2 Art 24 CCAG-T: "La période de
validité de cette assurance court depuis la date de réception
définitive jusqu'à la fin de la dixième année qui
suit cette réception."
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Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc
Limites et carences de la
législation
étudier la prise en charge du sinistre par l'assureur
ou son rejet et l'indemnisation effective de l'assuré peut parfois
être compté non pas en mois mais plutôt en années.
Or, comme on le sait, une construction endommagée et non
réparée à temps, peut voir sa pathologie aggravée
et les frais de sa réparation augmenter.
Les assureurs marocains offrent une couverture
décennale aux constructeurs sur la base de cet article. La couverture
proposée par ces derniers restent en dessous des attentes des
professionnels du secteur du BTP. Cette situation ne peut que militer en faveur
de ces professionnels en vue de changer la loi et ce en mettant en place une
législation adaptée au secteur de la construction.