Conclusion du chapitre
Les assurances couvrant la responsabilité des
intervenants s'articulent autour de deux polices principales : la police RC
Professionnelle et la police RC Décennale. La première est
tellement restreinte que les exclusions l'emportent sur les garanties et
réduisent d'une façon remarquable les couvertures
proposées par les assureurs. Quant à la police RC
Décennale est une couverture qui n'intervient qu'en cas de catastrophe ;
cas d'effondrement ou menace d'effondrement ; alors que les sinistres courants
et fréquents ne trouvent pas toujours leurs origines dans l'effondrement
ou la menace d'effondrement des constructions. Le secteur d'assurance devrait
fournir un effort afin de couvrir au mieux les ingénieurs et architectes
tant dans le cadre de la police RC Professionnelle qu'au niveau de la police RC
Décennale.
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Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
Chapitre 2 - Limites de la législation
marocaine et comparaison avec d'autres systèmes législatifs
Afin d'analyser la carence de la législation marocaine
relative au domaine de la construction, il nous apparait utile et
nécessaire de la comparer avec d'autres législations qui ont des
points communs historiques ou culturels avec le Maroc. Pour ce faire, nous
avons choisi le cas de la France ainsi que celui de la Tunisie. Le cas de ce
dernier pays est très riche en enseignement vu qu'elle montre
l'évolution de lois en relation et les erreurs de copiage et
transposition de lois importées à ne pas commettre. Cette
étude comparative permettra ; nous l'espérons en tous les cas ;
à une réflexion profonde de notre législation et de la
mettre au diapason des attentes des professionnels du secteur du BTP au
Maroc.
Ce chapitre ; tout en analysant et en comparant les trois
législations ; fera sortir les attentes des professionnels et qui sont
en relation avec les contraintes et difficultés du secteur de la
construction au Maroc.
Section 1 - Les différentes carences
Les différentes carences de la législation dans
le domaine de la construction se manifeste à plusieurs nivaux. Le
premier niveau est rencontré dans l'absence d'un code spécifique
à la construction. La majeure partie des relations contractuelles qui
régissent les constructeurs sont définies dans le DOC. Mais ces
définitions sont d'ordre général et ne prennent aucunement
la spécificité et la particularité du secteur BTP.
Parallèlement, on comprend parfaitement l'utilité du code des
assurances par exemple qui est venu répondre aux préoccupations
particulières du secteur d'assurance. Il serait utile et même
nécessaire d'entreprendre la même démarche dans le secteur
du BTP.
Par ailleurs, et en l'absence de ce code de construction, les
articles du DOC relatifs au secteur de la construction, ne peuvent en aucune
façon répondre à toutes les préoccupations des
intervenants dans le secteur du BTP et à fortiori les
ingénieurs concepteurs.
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Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
§ 1 - Les articles du DOC régissant les
contrats de louage d'ouvrage
La responsabilité des constructeurs pendant les
travaux de construction de l'ouvrage se distingue de celle durant
l'exploitation de l'ouvrage appelée communément "période
décennale".
A - Responsabilité contractuelle durant les
travaux
Le DOC dans son chapitre III relatif au louage d'ouvrage et
louage de services a consacré plusieurs articles à ce
sujet1. Les contrats de louage de services et d'ouvrages sont
régis par les articles 723 et suivants du DOC.
Les articles réservés au louage de services et
qui devraient normalement concerner les prestations de service tels les
prestations d'ingénierie ou d'architecture se prête plutôt
à régir la relation de service liant le salarié à
son employeur. Ces articles ne sont nullement adaptés à la
relation d'indépendance et non de subordination qui lie les prestataires
de service au maître d'ouvrage. Dans ce cas, la jurisprudence marocaine
s'appuie sur les articles 228 et suivants relatifs à l'effet des
obligations en général. Un arrêt 2 de la cour de
cassation relatif à un litige opposant un maître d'ouvrage
à un architecte sur l'interprétation du contenu du contrat et de
la définition exacte de la mission de l'architecte corrobore la non
adaptation de ces articles de louage de service du DOC aux métiers de
prestation de service.
D'autre part, la loi N° 016-893 relative
à l'exercice de la profession d'architecte définit la mission de
l'architecte dans son article 1er par : "l'architecte est
chargé de la conception architecturale des bâtiments et des
lotissements, de l'établissement des plans y afférents et de la
direction de leur exécution.
Il peut être également chargé du
contrôle de la sincérité des mémoires comptables des
entrepreneurs qui concourent à la réalisation des travaux
afférents aux actes précités."
Par cette loi, le législateur a clairement
responsabilisé l'architecte pour le contrôle de
sincérité et véracité des dépenses relatives
aux travaux de réalisation de l'ouvrage. En d'autres termes, la
responsabilité contractuelle de l'architecte ne se limite pas uniquement
à la conception architecturale de l'ouvrage et la production de plans
mais s'étend à d'autres domaines liés à la vie et
survie du chantier.
1 Art 723 à 745 : Dispositions
générales, Art 746 à 758 bis : Louage service et Art 759
à 780 : Louage d'ouvrage
2 Cas Ar N° 1973 du 16/05/2004 L'article 230
L'arrêt s'est basé sur l'article 230 du DOC.
3 Loi N° 016-89 relative à l'exercice
de la profession d'architecte et à l'institution de l'ordre national des
architectes promulguée par dahir n°1-92-122 du 10 septembre
1993.
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Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
Mais la question qui se pose d'elle-même : Est-ce que les
architectes marocains sont entièrement et totalement conscient de
l'énorme responsabilité qui pèse sur eux dans la direction
des chantiers.
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