Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
B. Le rôle des commissaires aux comptes et de l'assemblée générale dans la validation des comptes.Les commissaires aux comptes (1) ainsi que l'assemblée générale des actionnaires (2) contrôlent valablement les comptes des EMF. 1. Le contrôle des commissaires aux comptes « Le pouvoir corrompt » et le pouvoir absolu corrompt à l'absolu. Cette formule philosophique exprime la nécessité d'un contre poids au sens de Montesquieu, à tout pouvoir détenu par les personnes humaines. C'est cette exigence qui doit prévaloir dans le contrôle des EMF et a fortiori dans le contrôle interne car il n'est pas rare de constater des connivences entre les contrôleurs et les agents des EMF en vue de cacher les manoeuvres frauduleuses dont ces derniers sont auteurs. C'est pour cette raison que le rapport de contrôle du comité de surveillance mérite d'être examiné par d'autres organes internes et nous pensons ainsi au commissaire aux comptes. Initialement, la réglementation pertinente en la matière fait du commissaire aux comptes un contrôleur externe120(*). Mais à la vérité, la récurrence de ses missions dans l'entreprise fait en sorte qu'il est présenté comme un organe de la société. C'est donc un organe quasi-interne121(*) qui peut intervenir dans le contrôle interne. Son contrôle est de second degré après celui du comité de surveillance. On peut penser à un mécanisme de contrôle où les opérations contrôlées par le comité de surveillance sont soumises à la vérification du commissaire aux comptes pour validation. A l'occasion de ce contrôle de second degré, il peut se limiter à la vérification des conclusions du comité ou procéder à un contrôle initial pour les opérations suspectes122(*). L'agrément des commissaires aux comptes par la COBAC est une garantie de compétence de ces derniers dont le rôle dans la sincérité des comptes n'est plus à démontrer. L'homme étant malicieux, cette mesure n'a pas tardé à montrer ses limites car dans la pratique, certains commissaires aux comptes ont été complices des dirigeants dans les malversations qui ont conduit dans la crise l'institution qu'ils dirigeaient. Les cas de Wall Street aux USA et de Vivendi en France récemment survenu sont fort illustratifs123(*). Or la réglementation donne pouvoir aux commissaires aux comptes de déclencher l'alerte lorsqu'ils constatent des faits de nature à compromettre la santé de l'entreprise124(*). Comment concilier donc cette exigence légale avec la subjectivité de l'homme ? Cette question pose l'épineux problème de l'indépendance des commissaires aux comptes. Le droit commun des sociétés commerciales tente de consacrer cette indépendance à travers le régime des incompatibilités125(*). La réglementation bancaire lui emboîte le pas en imposant la désignation des seuls commissaires inscrits sur une liste par la COBAC et l'obligation de choisir deux commissaires aux comptes126(*). Ce faisant, on devrait assister à une double certification des comptes avec une possibilité de contre certification qui conduirait nécessairement les commissaires aux comptes à être plus objectifs dans leur contrôle et par conséquent, garantirait leur indépendance. Malgré tout, la permanence des commissaires aux comptes dans l'établissement est de nature à créer une « trop grande familiarité entre le contrôleur et les responsables comptables ou financiers de l'entité contrôlé »127(*) et cette familiarité est à craindre. Il est donc nécessaire de renforcer l'indépendance des commissaires aux comptes, et cette nécessité est internationalement reconnue par le comité de Bâle en son principe 1128(*). La doctrine propose à ce sujet de confier la nomination de ces organes de contrôle plutôt au comité d'audit et non plus aux dirigeants, de procéder à la rotation des contrôleurs et d'exiger des commissaires aux comptes à désigner qu'ils fournissent des informations sur les missions déjà accomplies pour le compte de la société ou d'exiger qu'ils appartiennent à un réseau pluridisciplinaire129(*). Ces propositions, bien que pertinentes, courent le risque de souffrir des manoeuvres frauduleuses. En effet, si les soupçons ont toujours pesés sur les commissaires aux comptes à cause des malversations dont ils ont été auteurs, comment ne pas continuer à craindre qu'ils choisiront délibérément de donner de fausses informations à leur compte en l'absence d'un moyen de contrôle de la véracité desdites informations ? il est donc loisible de penser à la création d'une banque de donnés pour les commissaires qui retracerait automatiquement les actions par eux menées. Sa réalisation sera facilitée par internet et sa gestion confiée à un réseau de commissaires aux comptes sous la supervision de la COBAC. La gestion de cette structure au besoin pourra être rotative pour plus d'efficacité. Celle du contrôle effectué par les commissaires aux comptes pourrait être obtenue par une intervention trimestrielle contrairement à l'intervention annuelle fixée par la réglementation130(*). Bien que l'intervention du commissaire aux comptes renforce la prévention des défaillances, il serait reprochable de ne pas mentionner ses limites malgré les efforts de perfectionnement. La principale et la plus importante de ces limites est l'interdiction de son immixtion dans la gestion de la société. Tel n'est pas le cas pour les sociétaires dont le contrôle est sans limite. 2. Le contrôle de l'assemblée générale des sociétaires Le droit commun des sociétés commerciales permet aux associés ou actionnaires d'exercer un contrôle sur les organes de la société soit individuellement, soit en collégialité. Individuellement, chaque actionnaire a la possibilité d'interpeller deux fois par an les dirigeants sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de la structure131(*). Collectivement, le contrôle des actionnaires peut se faire soit en fonction du poids de leurs titres sociaux, soit en assemblée générale des actionnaires ou des associés². Par ce biais, les sociétaires ont la possibilité de revoir les comptes de la société ainsi que les rapports des commissaires aux comptes ou du comité de surveillance. Aucune condition particulière de contrôle pour les sociétaires n'est prévue par la règlementation sur les EMF, sauf pour les titulaires de prises de participation dont leurs titres leur confèrent un droit de contrôle particulier. Globalement, il faut dire que le domaine du contrôle des associés est plus étendu car portant tant sur la gestion administrative, sur les opérations et les organes internes que sur les comptes de la société. Après le contrôle des comptes par le commissaire aux comptes, ils doivent être soumis à l'assemblée générale pour son approbation. Mais une inquiétude persiste dans le cas où les actionnaires cèdent leurs droits aux mandataires pour qu'ils agissent en leur lieu et place. Cette hypothèse vaut pour les établissements de la 2è catégorie ayant un conseil d'administration, ce qui suppose dans ce cas que les administrateurs exercent le contrôle pour le compte des actionnaires. Sont-ils dans ce cas à même d'exercer ce contrôle qui est essentiellement orienté vers la gestion de l'entreprise ? La réponse à cette question est guidée par les observations de la doctrine qui a qualifié de complaisants les membres du conseil d'administration puisqu'ils se limitent à enregistrer les décisions du président du conseil132(*). Par ailleurs, dans les établissements de type coopératif ou mutualiste, le conseil d'administration a plusieurs attributions notamment le contrôle du respect et de l'application des prescriptions légales, statutaires et réglementaires133(*). Or la légèreté de sa constitution est un facteur d'inefficacité de sa mission. De l'avis des spécialistes, l'élection des membres du conseil d'administration ne prend pas en compte la nécessité pour eux d'avoir les compétences nécessaires à l'accomplissement de leurs missions134(*).Un renforcement des capacités de ces acteurs stratégiques serait plus prometteur. La doctrine à laquelle nous adhérons propose par ailleurs de redynamiser cet organe par l'activation d'un régime de responsabilité qui rendrait les administrateurs plus attentifs à leur mission135(*), ce que la COBAC a tenté de faire dans un projet de règlement relatif à la gouvernance des EMF en édictant un certain nombre d'obligations à la charge de l'organe délibérant et des membres136(*). Le contrôle interne, qu'il soit mené par le comité de surveillance, les commissaires aux comptes, le conseil d'administration ou l'assemblée générale contribue à éviter les défaillances grâce à leur fonction préventive. Mais pour que cet objectif ne soit pas un leurre, il faudrait que les organes internes de contrôle fassent preuve de plus de rigueur et de perspicacité. Ceci ne sera possible qu'à travers le renforcement de leurs capacités. C'est donc dire que le contrôle interne ne doit plus être facultatif comme c'est le cas pour un nombre important d'EMF et les pouvoirs publics doivent veiller à cela137(*). Tous les EMF doivent donc avoir un système d'audit interne car en dehors de ses avantages intrinsèques138(*), il peut réduire considérablement les coûts de l'audit externe qui au besoin peut le relayer ou le suppléer. * 120Art. 49 du règlement n°01/02 précité. * 121KENMOGNE SIMO A., op. cit., p.160. * 122 Si d'aventure le commissaire aux comptes soupçonne une connivence entre un agent et un client, il peut au besoin effectuer une visite inopiné pour audition du client. * 123 Ces exemples concernent en principe les banques, mais peuvent être appliqués aux EMF. voir KENMOGNE SIMO A. ,op. cit., p. 160. * 124 Art. 150 et s. de l'AUSCGIE * 125 Art. 697 de l'AUSCGIE qui dispose : « les fonctions de commissaire aux comptes sont incompatibles : 1- avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ; 2- avec tout emploi salarié. Toutefois, un commissaire aux comptes peut dispenser un enseignement se rattachant à l'exercice de sa profession ou occuper un emploi rémunéré chez un commissaire aux comptes ou chez un expert comptable ; 3- avec toute activité commerciale, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée ». * 126V. règlement n° 04/03/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux diligences des commissaires aux comptes dans les établissements de crédit. L'article 2 du dit règlement prévoit que les deux commissaires ne peuvent représenter ou appartenir à un même cabinet, une même société de commissaires aux comptes ou un même réseau. * 127 T. GRANIER, « la modernisation du contrôle légal des comptes dans le projet de loi de sécurité financière », LPA n°154, 4 août 2003, p. 13 ; cité par KENMOGNE SIMO A., op. cit., p.166. * 128 Qui dispose : « Un système de contrôle bancaire doit assigner des responsabilités et objectifs clairs à chaque autorité participant à la surveillance des banques. Chacune de ces autorités devrait disposer d'une indépendance opérationnelle, de procédures transparentes, d'une bonne gouvernance, ainsi que des ressources adéquates, et devrait être tenue de rendre des comptes concernant l'exercice de ses attributions ». v. COMITE DE BALE, « Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace », Banque et Règlement internationaux, octobre 2006. Disponible sur le site http://www.cirad.fr/mcredit/present.html * 129 KENMOGNE SIMO A., op. cit., p. 167. * 130 V. art. 52 du règlement n° 01/02 précité. * 131 V. les articles 157 et 158 de l'AUDSCGIE respectivement pour les sociétés autres que les S A et pour les S A. La possibilité est également donnée aux associés non gérants d'obtenir communication des livres et des documents sociaux (v. art. 307 pour le contrôle des associés de S C S). * 132 V. GUEMDJE L., « Risque de gouvernance des EMF au Tchad : cas du réseau de l'Union Régionale des Coopératives d'Epargne et de Crédit (URCOOPEC) de N'Djamena, 2009. Disponible sur le site http://www.lamicrofiance.org/section/about/ * 133 Comme autres attributions, le conseil d'administration défini les orientations de l'EMF ainsi que ses objectifs stratégiques. Il a aussi pour attribution de mobiliser les ressources pour la réalisation des objectifs poursuivis, d'adopter des politiques administratives de l'EMF. * 134 GUEMDJE L., op. cit.. Disponible sur le site http://www.lamicrofiance.org/section/about/ * 135 KENMOGNE SIMO, op. cit., p.155. * 136 COBAC, Rapport annuel 2007, p. 73. Disponible sur le site http://www.beac.int/cobac * 137 En Bolivie par exemple, un EMF ne peut être habilité à recevoir des dépôts sans avoir mis au préalable un service d'audit interne. * 138 Ces avantages se justifient à plus d'un titre. Non seulement c'est un contrôle rapproché, mais aussi un contrôle régulier et permanent, ce qui permet de réduire considérablement les risques de fraude qui nécessitent un temps considérable pour être déployé. |
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