Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
B. La location-gérance : garantie de l'effectivité du redressement de l'EMF défaillantLorsqu'une entreprise est en difficulté, la solution la plus plausible pour ses promoteurs est de s'en débarrasser par le biais de la vente du fonds de commerce. Mais la situation de crise dans laquelle est plongée la structure fait en sorte qu'il est difficile de trouver un preneur. La location-gérance est un palliatif à cet épineux problème. La convention de location-gérance est celle « par laquelle le propriétaire du fonds de commerce, en concède à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls »419(*) pour une période déterminée et moyennant une redevance. Encore appelée gérance libre, elle « permet d'assurer l'exploitation d'une entreprise en difficultés lorsque l'incompétence des dirigeants ou leurs erreurs de gestion sont la cause de cette situation obérée »420(*). Non seulement elle permet de poursuivre l'exploitation d'une entreprise faisant l'objet d'une procédure collective d'apurement du passif421(*), mais aussi elle est un « moyen assez efficace de sauvegarde d'une entreprise mal gérée mais viable économiquement »422(*). Le recours à la location-gérance semble être mieux indiqué pour les EMF en difficultés, tant il est indéniable que les défaillances des EMF trouvent leurs origines dans les fautes de gestion des dirigeants ou leur incompétence. Bien plus, elle permet de « tester » un EMF afin de la racheter, de payer plus tard lors de l'acquisition réelle. La location-gérance est donc la propédeutique de la vente de l'entreprise. Mais pas toujours car dans certains cas, le contrat pourra se solder par la reprise du propriétaire du fonds423(*). Quoiqu'il en soit, les conditions de la location-gérance sont particulièrement satisfaisantes pour les EMF en difficultés (1) malgré que cette technique offre des garanties très déséquilibrées pour les parties prenantes au contrat (2). 1. Les conditions satisfaisantes de la location-gérance pour les EMF en difficulté Bien que les conditions de la location-gérance sont jugées contraignantes ou rédhibitoires par la doctrine424(*) au regard du droit commun des entreprises en difficultés, à l'analyse, ces conditions, appliquées aux EMF en difficultés, revêtent plutôt un regain d'intérêt. L'art. 115 al. 1 de l'AUPCAP prévoit que la conclusion d'un contrat de location-gérance ne peut être autorisée par le tribunal que lorsque la disparition ou la cessation des activités de l'entreprise, même provisoire, est de nature à compromettre son redressement et/ou à causer un trouble grave à l'économie nationale, régionale ou locale dans la production et la distribution des biens. Cette condition qui a pour souci de préserver la stabilité économique et sociale sied particulièrement au cas des EMF. Le caractère élitiste reproché à cette disposition425(*) ne tient pas avec les EMF, car quelle que soit sa taille, la disparition d'un EMF ne peut ne pas « causer un trouble grave à l'économie », ne peut ne pas perturber la stabilité économique et sociale du pays d'implantation ou de la sous-région Afrique Centrale. La réglementation sur les EMF devrait donc intégrer cette technique sans hésitation aucune au regard de l'adéquation de cette première condition avec le cas des EMF. De plus, l'art. 115 al. 3 de l'AUPCAP précise que « La juridiction compétente refuse son autorisation si elle n'estime pas suffisantes les garanties offertes par le locataire- gérant ou si celui-ci ne présente pas une indépendance suffisante à l'égard du débiteur ». Le législateur OHADA a ainsi voulu protéger l'entreprise ou le fonds de commerce des possibles abus des locataires-gérants, ce qui est rassurant pour l'EMF. En effet, les locataires-gérants ne disposant pas toujours des fonds suffisants, peuvent être tentés de diminuer la consistance du fonds au détriment de la survie de l'entreprise. Une telle manoeuvre compromettrait les chances de redressement de l'établissement. Fort heureusement, le législateur OHADA s'est montré plus soucieux de la survie de l'entreprise en prévoyant cette condition. Son homologue de la CEMAC devrait s'en approprier pour garantir le redressement effectif des EMF en difficultés. Cette dernière condition empêche d'utiliser la technique de la location-gérance comme une mesure dilatoire. L'indépendance recherchée du locataire-gérant met l'établissement à l'abri d'une connivence préjudiciable qui pourrait exister entre le locataire-gérant et le débiteur. La promesse expresse de cession pouvant être faite par le débiteur au profit du locataire-gérant, suivie de l'acceptation expresse de ce dernier, lui imposerait par ailleurs une gestion en bon père de famille, garantissant ainsi une fois de plus la restructuration de l'entreprise. Mais la trop grande protection de l'entreprise sans contrepartie pour le locataire-gérant conduit à un déséquilibre de garanties pouvant compromettre les chances de recours à la location gérance. 2. Le déséquilibre des garanties de la location-gérance comme obstacle à son essor Le recours à la location-gérance est un moyen pour le futur acquéreur de prendre connaissance de la situation exacte de l'entreprise avant une éventuelle acquisition. Plus concrètement, elle permet au locataire-gérant de connaitre le niveau réel du chiffre d'affaire, le montant du passif, la stabilité de la clientèle etc. Elle présente aussi un avantage financier en ce qu'elle retarde le paiement du prix de la vente de deux ans au moins426(*), permettant ainsi au locataire-gérant de réunir les fonds nécessaires à l'acquisition de l'entreprise et rendant ainsi plus possible son redressement. Pour parvenir à ce résultat, le locataire-gérant est tenu de respecter les engagements qu'il a souscrit, faute de quoi le contrat peut être résilié427(*). Il en sera ainsi lorsque le locataire-gérant diminue la garantie qu'il avait donnée ou s'il compromet la valeur du fonds. La location-gérance aurait eu plus de mérites si ces mesures protectrices de l'entreprise et de ses créanciers avaient une contre partie pour le locataire-gérant. Tel n'est malheureusement pas le cas. C'est là la plus grande reproche de la doctrine à cette institution. Le locataire-gérant se trouve donc sacrifié au sanctuaire des intérêts des créanciers du loueur du fonds, alors qu'il participe pourtant à l'opération de sauvetage de l'entreprise. Dans le pire des hypothèses, le locataire-gérant peut être évincé s'il n'a pas bénéficié d'un accord préalable de cession du fonds et il perd tout droit de reprise lorsque le redressement est converti en liquidation428(*). Mais le propriétaire du fonds loué est solidairement responsable avec le locataire de toutes les dettes d'exploitation contractées jusqu'à la publication du contrat de location gérance429(*). Cette solidarité vise à coup sûr les dettes contractuelles et aussi celles d'origine légales dès lors qu'elles sont liées à l'exploitation du fonds. Toutes les dettes extérieures à l'activité ou les dettes personnelles ne sont pas concernées, notamment les cotisations sociales du gérant. Cette solidarité est étendue aux charges fiscales échues pendant la période de location. Ce régime exorbitant de la responsabilité du loueur peut aussi être un obstacle à la conclusion du contrat de location gérance430(*). Il faut aussi noter que les risques auxquels est soumis le locataire-gérant peuvent être limités par des clauses particulières intégrés dans le contrat, pourvu que ces clauses ne soient pas contraires aux dispositions légales d'ordre public. Au total, il est fort à remarquer que le bilan de la location-gérance est mitigé au regard des intérêts en présence. Le législateur OHADA est donc interpellé pour corriger les injustices dont la technique est parsemée. Néanmoins, elle ne demeure pas moins une mesure de redressement des entreprises en difficultés pouvant être efficacement mise en oeuvre pour le traitement des défaillances des EMF, surtout qu'en y faisant recours, l'impact social est minimisé avec l'obligation légale faite au locataire gérant de maintenir les contrats de travail431(*). La restructuration de l'EMF défaillant peut aussi se faire grâce à l'opération de cession ou de vente du capital dont la phase préparatoire a été la location-gérance elle-même limitée dans le temps. * 419 Art. 106 al. 3 de l'AUDCG. * 420 NGUIHE KANTE P., op. cit., p. 89. * 421 Art. 115 et s. de l'AUPCAP. * 422 NGUIHE KANTE P., op. cit., p. 89. * 423 Pourvu qu'elle soit prévue dans le contrat de location-gérance. A vrai dire, une pareille clause est de nature à décourager le locataire gérant qui escomptait le rachat de l'entreprise en fin de contrat. * 424 V. NGHIHE KANTE P., op. cit., p. 89 et s. ; ALILI S. M., « La reprise des entreprises en difficultés dans l'espace OHADA, Ohadata D-06-38. * 425 V. ALILI S. M., op. cit. Selon cet auteur, cette disposition prive certaines entreprises de la faculté de conclure un contrat de location gérance, privilégiant ainsi la restructuration des grosses entreprises au détriment des autres. * 426 Le contrat de location-gérance peut durer deux ans renouvelables indéfiniment. V. art. 115 de l'AUPCAP. * 427 Art. 112 de l'AUPCAP * 428 Art. 145 de l'AUPCAP. * 429 Art. 113 de l'AUDCG. * 430 NGUIHE KANTE P., op. cit., p.93. * 431 V. art. 42 du Code de Travail Camerounais. |
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