Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
CHAPITRE 2 : LA LIQUIDATION D'UN ETABLISSEMENT DE MICROFINANCE : ULTIME TECHNIQUE DE TRAITEMENT DE DEFAILLANCES ?Le secteur de la microfinance est communément reconnu de nos jours comme un outil de lutte contre la pauvreté, un puissant levier de l'économie, un ferment essentiel du développement. Mais en réalité, la réalisation de ces nobles missions assignées à la microfinance dépend de la solidité, et surtout de la pérennité de ce secteur. Le souci d'assurer la pérennité du secteur de la microfinance doit donc être pris en compte dans le traitement des difficultés des EMF. En effet, la réglementation spécifique en la matière, après avoir règlementé l'administration provisoire entend que technique de traitement des défaillances des EMF, débouche sur la liquidation qui semble être plus une sanction qu'un remède si l'on s'en tient à la seule et unique hypothèse envisagée dans les textes395(*). Loin de cette vision restrictive des textes sur la liquidation, il faut dire que le recours à cette technique peut bien se faire dans l'hypothèse du traitement des défaillances des EMF car le développement dont l'EMF est aujourd'hui le garant passe par l'épargne publique, suivie de l'investissement dans le secteur privé. Or, à défaut d'assurer une survie végétative ou artificielle d'un EMF au risque d'empirer sa situation financière et par voie de conséquence de fragiliser la sécurité des déposants qui ne pourront plus finalement entrer en possession de leurs avoirs, il serait réaliste de procéder à une liquidation si la situation financière de l'établissement le permet. Mais penser rigoureusement à une telle mesure serait ignorer l'impact social plus que désastreux396(*) de la liquidation d'un EMF. Il est donc nécessaire d'éviter autant que faire se peut de recourir à cette technique et de ne l'envisager que quand certaines mesures ne sont plus possibles. Le droit communautaire y relatif règlemente respectivement l'administration provisoire et la liquidation. Est-ce à dire que l'administration provisoire est l'ultime solution de traitement des défaillances des EMF ? Nous ne le pensons pas. Et pour preuve, le droit commun ainsi que la pratique quotidienne offre des alternatives qui peuvent se révéler plus efficaces si elles sont bien menées (section 1). Ces mesures alternatives doivent être envisagées dans la phase de restructuration et en constituent un prolongement naturel. Bien plus, la liquidation de l'EMF en difficulté ne pourrait être inévitable et réaliste si son dénouement est moins "douloureux" (section 2). SECTION 1 : LES MESURES ALTERNATIVES A LA LIQUIDATION DES EMFLa liquidation ne doit pas être une priorité car dans la plupart des cas, elle est une expérience malheureuse pour les intérêts en présence. Il est donc nécessaire d'éviter cette technique au maximum car il est à parier que les intérêts des parties en présence ne sont jamais satisfaits totalement. Le recours à cette technique doit donc à notre sens se faire lorsque d'autres alternatives ne s'offrent pas pour le traitement des difficultés de l'EMF. Globalement, la liquidation pure et simple de l'établissement pourra être évitée par des mesures de soutien au redressement interne nécessairement envisagée par l'EMF et validé par la COBAC (paragraphe 1). Bien plus, le droit commun offre plusieurs possibilités (paragraphe 2) dont l'usage permettrait d'aboutir au même objectif de sauvetage de l'EMF en difficultés. PARAGRAPHE 1 : LES MESURES DE SOUTIEN DU PLAN DE REDRESSEMENT INTERNESi les défaillances des EMF ont très souvent une origine interne, il semble qu'un traitement interne se révèlerait plus efficace pour de telles défaillances. Il est donc important de faire confiance aux initiateurs du plan de redressement interne et de soutenir sa mise en oeuvre. Une surveillance permanente et infaillible de la COBAC est plus qu'importante, nous l'avons dit, dans cette phase. Très souvent, les difficultés des EMF proviennent des crises financières qui nécessitent un traitement conséquent. La solution étant de procéder à une recapitalisation aménagée par le plan de redressement interne, les efforts des actionnaires doivent être soutenus si l'on veut parvenir à un prompt rétablissement de l'équilibre financier de l'établissement en cause. Ainsi, il serait plus que indiqué de faire recours aux subventions (A). Le rôle de prêteur en dernier ressort de la BEAC devrait dans un tel contexte être étendu aux EMF (B), ce qui permettrait d'aboutir effectivement au redressement projeté. A. La nécessité du soutien de l'EtatLa problématique des subventions accordées aux EMF en cours de fonctionnement normal a été évoqué en supra et démêlée, nous n'y consacrerons plus d'amples développements. D'ailleurs, si cette aide est soumise à une conditionnalité stricte pour les EMF en bonne santé, cette rigueur ira grandissante pour les EMF en difficultés car la conception qui domine est que l'établissement en difficultés va mourir du jour au lendemain. A quoi bon accorder du financement à une structure moribonde, peut-on se demander. Mais il est un truisme que les défaillances ne conduisent pas toujours un EMF à la faillite si les mesures de traitement sont prises promptement. Si un établissement en crise peut donc obtenir difficilement une aide financière de ses partenaires étrangers, il est sans conteste que le dernier rempart reste l'Etat qui a aussi le devoir d'assurer la pérennité des EMF. Bien que l'aide de l'Etat à certaines entreprises privées soit préjudiciable aux autres opérateurs économiques397(*), cette conception ne prévaut pas en droit bancaire398(*). L'intervention de l'Etat est plus que nécessaire pour le sauvetage de l'établissement en difficulté. En effet, si les efforts de recapitalisation des actionnaires ou sociétaires s'avèrent insuffisants pour le rétablissement de la structure, étant donné que le recours aux partenaires externes dans un tel contexte est illusoire du fait de la perte de confiance, l'Etat se trouve être le seul soutien véritable de l'EMF en difficulté. En réalité, l'intervention de l'Etat devrait être plus préventive399(*)pour éviter la faillite des EMF. C'est pourquoi il est plus indiqué pour l'Etat d'intervenir dans la phase de restructuration de l'établissement défaillant car une aide salutaire de sa part permettrait le prompt redressement de l'établissement et la continuité de son exploitation. Il devrait en être pareil pour les partenaires étrangers et les organismes d'aide au développement. Ils doivent de ce fait cesser d'intervenir comme des « sapeurs pompiers »400(*). L'appui de l'Etat au redressement des EMF défaillants trouve son fondement dans la proximité du système de la microfinance des couches pauvres de la population. En clair, l'une des missions des EMF, nous l'avons dit, est de lutter contre la pauvreté en octroyant du crédit aux couches les plus pauvres en vue de relever leur niveau de vie. Cette mission fait partie des fonctions régaliennes de l'Etat et l'accompagnement des EMF dans ce sens mérite tout le soutien de l'Etat. C'est sans doute dans cette optique que l'état camerounais a pris l'engagement dans le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté d'accorder une large place à l'action en faveur du renforcement des capacités et de la sécurisation de l'activité du secteur de la microfinance401(*). Une autre raison et pas la moindre qui justifie le soutien de l'Etat au redressement des EMF défaillants est donné par la réglementation pertinentes en la matière. En effet, il est permis aux EMF de souscrire des bons de trésor en cours de fonctionnement normal402(*). Ce faisant, les EMF soutiennent le trésor public dans l'accomplissement de ses missions. Ce partenariat devrait bénéficier aux EMF défaillants. Il est donc normal que l'Etat manifeste sa compassion à l'établissement de microfinance défaillant en apportant son soutien pour son redressement. Il lui rendrait ainsi la bonne politesse. L'EMF en difficulté devrait bénéficier aussi de la sorte du soutien de la BEAC qui n'est pas moins un partenaire des EMF à certains égards. * 395 A ce sujet, il convient de noter que le Règlement du 13 avril 2002 en son article 64 n'envisage la liquidation que suite à un retrait d'agrément qui par ailleurs est une sanction disciplinaire. * 396 En réalité, si la liquidation d'un EMF peut permettre aux déposants de recouvrer totalement leurs dépôts `ce qui est rare en pratique), la disparition totale de la structure plonge un bon nombre d'individus dans le chômage. Ce qui ne va pas sans conséquences sur la stabilité et la sécurité sociale. * 397 Parce qu'elle fausse le libre jeu de la concurrence. V. cours de Droit de la concurrence CEMAC, MASTER 2 Droit Communautaire et Comparé CEMAC du Pr KALIEU Yvette, Université de Dschang, 2009, inédit. * 398 En effet, le traitement des crises bancaires a toujours connu l'intervention relativement énergique de l'Etat. Ceci a été le cas avec les banques dans les années 80 en zone CEMAC. De même, La récente crise des surprimes aux USA a connu une intervention remarquable de l'Etat qui a du acheter les créances douteuses et les créances difficilement recouvrables. * 399 KALIEU Y., article précité sur le contrôle bancaire..., p.462. * 400 Ibidem. * 401 MBOUOMBOUO NDAM J., op, cit., p. 60-63. * 402 Art. 14 (3°) du Règlement du 13 avril 2002 précité. |
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