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Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance

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par Grégoire TCHOMGUI KOUAM
Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000
  

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PREMIERE PARTIE : UN TRAITEMENT PREVENTIF A RENFORCER

"Prévenir vaut mieux que guérir", dit-on souvent, et une technique de prévention efficace serait de nature sinon à éluder tout risque de défaillance susceptible de mettre à mal un EMF, du moins à le réduire considérablement, ce d'autant plus que les mesures de prévention appliquées, si elles sont efficaces, permettrons même en cas de défaillance avérée de mieux cerner le mal afin de le traiter efficacement. De ce point de vue, l'importance de la phase préventive dans le traitement des défaillances bancaires des EMF n'est plus à démontrer et peut facilement être perçue dans la réglementation en vigueur applicable en la matière51(*). Cette réglementation encadre l'accès à l'exercice de l'activité de microfinance en soumettant l'ouverture d'un EMF à l'obtention de l'agrément de l'autorité monétaire après avis conforme de la COBAC qui, selon certains auteurs, doit respecter des conditions strictes52(*). De plus, les normes prudentielles ont pour but d'assurer la bonne santé ainsi qu'une gestion saine des EMF. Alors, la prudence qui ressort de la réglementation se veut être sans conteste l'âme de la prévention. L'encadrement réglementaire, faut-il le rappeler, vient rompre avec le libéralisme jadis observé dans le secteur et qui se manifestait par la liberté d'accès et de gestion des coopératives d'épargne et de crédit (COOPEC)53(*). Mais quoique bien pensée par le législateur communautaire, cette réglementation ne peut porter ses fruits qu'à travers une grande rigueur dans son application, rigueur que doivent faire montre les agents de l'EMF au préalable bien outillés. Puisque la relation bancaire met en rapport le banquier et son client, ce dernier doit être à même de bien cerner le mécanisme de la microfinance et d'agir conséquemment. C'est donc dire que la difficulté susceptible d'entacher la santé d'un EMF peut provenir de ses organes et structures internes ou des facteurs étrangers à lui. Il est donc nécessaire de renforcer la prévention des risques endogènes (Chapitre 1) et exogènes (Chapitre 2) de défaillances.

CHAPITRE 1 : LE RENFORCEMENT DE LA PREVENTION DES RISQUES ENDOGENES DE DEFAILLANCES

Les risques endogènes sont ceux inhérents à l'EMF lui-même, à ses agents et à ses techniques et sont justifiés par plusieurs faiblesses qui sont de nature à provoquer le disfonctionnement de l'établissement si elles ne sont pas maîtrisées. Ces faiblesses sont souvent liées au mode opératoire des EMF du fait de la légèreté, mieux de la souplesse souvent observée dans le traitement des demandes de crédit. L'absence de précaution dans le traitement de ces demandes peut réduire considérablement le taux de recouvrement des crédits. On peut aussi voir ces faiblesses du côté des capacités financières et managériales de l'EMF qui débouchent sur une insuffisance de capitaux masquée par l'absence de transparence dans la gestion. Ces manoeuvres entrainent la mauvaise gouvernance et les malversations de tout ordre qui poussent très souvent à maintenir certaines structures en situation désespérée ou dans un état de survie artificielle54(*). Sur ce plan, le défi est de construire des entités d'EMF solides et professionnels. Les risques de défaillances deviennent critiques dès lors que la supervision et le contrôle du secteur de la microfinance sont défaillants au regard des insuffisances qu'on peut relever dans leur mise en oeuvre. Une véritable politique de renforcement de la prévention des risques endogènes de défaillances devient nécessaire et doit intégrer trois dimensions à savoir le respect scrupuleux des normes réglementaires (section 1), le renforcement de la surveillance et du contrôle des EMF (section 2) ainsi que le renforcement des capacités financières des EMF (section 3).

SECTION 1 : LE RESPECT SCRUPULEUX DES NORMES REGLEMENTAIRES EDICTEES PAR LA COBAC.

La COBAC, dans le souci d'assurer la bonne santé des EMF a édicté un ensemble de normes dont leur respect par les EMF contribue certainement à la prévention des défaillances. La politique de prévention fondée sur des principes stricts d'octroi de l'agrément, quoiqu'elle permette à la fois « de conserver une dynamique d'innovation et d'initiatives propres à ce secteur et de réguler la multiplication dangereuse du nombre des expérimentations sans avenir »55(*) ne retiendra pas notre attention ici car s'inscrivant à notre sens plus dans une logique de protection préventive que de traitement préventif. Nous nous attarderons donc sur le respect des normes prudentielles qui sont des règles de gestion financières destinées à garantir la liquidité (paragraphe 1) et la solvabilité, ainsi que l'équilibre financière des EMF 56(*)(paragraphe 2) telles que ces normes ont été consacrées par les règlements de la COBAC.

PARAGRAPHE 1 : LE RESPECT DES NORMES QUANTITATIVES DE LIQUIDITE

La réglementation CEMAC sur les EMF astreint ces derniers, une fois l'autorisation d'exercer obtenue, au respect de certains ratios tendant à assurer leur liquidité. Il faut entendre par liquidité la capacité d'un établissement à honorer à ses engagements à vue et à court terme57(*). Ces ratios représentent le rapport entre les avoirs disponibles et les dettes exigibles58(*). Ces mesures concernent globalement la constitution des fonds, la gestion du portefeuille crédit ainsi que les prises de participation des EMF dans les autres structures. Huit Règlements COBAC consacrent la liquidité des EMF59(*). Cette réglementation tend à renforcer la capacité des EMF dans l'intermédiation financière en leur permettant de concilier leurs fonds disponibles avec les sollicitudes des clients. Elle protège aussi les déposants contre les pratiques abusives en matière de crédit et de recouvrement des prêts60(*), renforçant ainsi davantage la confiance entre l'EMF et ses clients et annihilant l'aléa moral susceptible d'animer les clients, et dont l'absence de dépôts de ces derniers limite les capacités financières de l'établissement.

L'atteinte de ces objectifs règlementaires n'est possible qu'à travers le respect des normes de liquidité (A) et le respect du régime des participations (B).

A. Le respect des ratios de liquidité par la bonne gestion du portefeuille crédit

Le règlement COBAC EMF 2002/14 du 15 avril 2002 est expressément consacré à la liquidité des EMF. Son article 1er pose que « Les EMF sont tenus de respecter un rapport minimum entre leurs disponibilités et leurs exigibilités à moins de trois mois dit "rapport de liquidité" ». Ce rapport doit comprendre au numérateur les disponibilités en caisse, les avoirs chez les correspondants locaux à moins de trois mois d'échéance, les crédits sains de la clientèle à échoir dans les trois mois à hauteur de 100%, les comptes des débiteurs sains de la clientèle n'ayant pas un caractère douteux ou contentieux à hauteur de 75%, les accords de refinancement irrévocables obtenus des institutions bancaires et financières ayant reçu l'accord préalable de la COBAC61(*). Au dénominateur de ce rapport doit figurer les dépôts des correspondants locaux, les refinancements des institutions bancaires et financières à échoir dans les trois mois, les échéances d'emprunts à moins de trois mois, les dépôts à terme de la clientèle à échoir dans les trois mois, les dépôts à vue de la clientèle à hauteur de 50%62(*).

L'échéance trimestrielle permet d'avoir une nette visibilité sur le portefeuille crédit de l'EMF dont le rapport doit être égal à 100% tel que le précise l'article 4 du règlement précité. Ce pourcentage traduit la rigueur de cette disposition qui ne donne aucune possibilité d'accommodement aux acteurs concernés et témoigne davantage du souci du législateur d'assurer la liquidité des EMF. Ceux-ci doivent donc s'abstenir d'octroyer des crédits à long terme ou d'utiliser les dépôts des clients pour l'acquisition des biens d'équipement.

Le respect du rapport de liquidité est bien une obligation pour les EMF qui doivent toujours s'assurer qu'ils disposent des fonds suffisants pour parer aux éventualités. Le respect de ce rapport est contrôlé d'ailleurs par la COBAC qui, en cas d'irrégularités, adresse des injonctions à l'effet pour les EMF de prendre des mesures qui s'imposent pour se mettre en conformité avec les normes63(*). L'importance d'un tel contrôle est perçue dans la possibilité donnée à la COBAC de sanctionner l'EMF qui n'aurait pas satisfait à ses injonctions. Ces sanctions peuvent aller jusqu'au retrait de l'agrément64(*). Ce dernier à notre sens est une sanction très rigoureuse car pouvant entrainer la liquidation de l'établissement en cause, ce qui est déplorable puisque le souci de la réglementation est d'assurer la pérennité des EMF. Heureusement qu'en pratique, de tels cas sont rares, voire inexistants65(*).

En revanche, la rigueur dans l'édiction des sanctions peut être vue positivement dans la mesure où l'édiction des sanctions ne dénote pas réellement le souci de punir, mais est plutôt un moyen de persuasion, répondant d'ailleurs à l'excellente formule du Professeur RIVERO pour qui « la crainte du juge est le commencement de la sagesse ».

Le ratio de liquidité est dès lors très important pour la prévention des risques de défaillances des EMF. Son respect met la structure à l'abri de la crise due à l'absence de liquidité. En effet, dans un contexte où le secteur de la microfinance est dominé par une âpre concurrence, les EMF seraient tentés, dans la recherche effrénée de la clientèle de fonctionner en marge du ratio de liquidité ou d'ignorer le régime des participations.

* 51 V. Règlement n°1/02/CEMAC/UMAC/COBAC du 13 avril 2002 relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de microfinance et les 21Règlements portant sur les normes prudentielles applicables aux EMF.

* 52 C'est par exemple l'avis de KENMOGNE SIMO A. qui écrit ainsi parlant de l'agrément des établissements bancaires. Pour lui, cette opinion vaut pour l'agrément des banques ainsi que pour celui des administrateurs et dirigeants de la banque. Lire dans sa thèse précitée, p. 28 et s.. MBOUOMBOUO NDAM J. pour sa part déplore plutôt les lenteurs de la procédure d'octroi de l'agrément en qualité d'EMF.

* 53 Cette libéralisation du secteur, conséquence de la libéralisation de l'économie s'est avérée préjudiciable à l'essor de la microfinance en Afrique Centrale, ce qui a sans doute poussé à l'encadrement au plan communautaire de l'activité.

* 54 V. NGUIHE KANTE P., op. cit., p. 10.

* 55 V. P. FORESTIER, « les nouveaux enjeux de la microfinance », Techniques Financières de Développement, AFD, mai 2005. Disponible sur le site http://www.google.com

* 56 V. MEDAMKAM TOCHE S. J., La sécurité du déposant dans le système bancaire de la CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2005-2006, p. 18.

* 57 V. cour de formation professionnelle, ITB, 2è année, cité par KALIEU Y., in « Le contrôle bancaire dans la zone de l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale », Penant n°841, p.452.

* 58 V. GUILLIEN R. et MONTAGNIER G. (sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13è édition, 2001, p. 459.

* 59 Il s'agit des Règlements COBAC EMF 2002/02 du 15 avril 2002 portant sur la limitation des opérations autorisées à titre accessoire ; 2002/02 du 15 avril 2002 relatif aux fonds patrimoniaux ; 2002/04 du 15 avril 2002 relatif au fonds propres nets ; 2002/05 du 15 avril 2002 relatif aux conditions de constitution des fonds de solidarité ; 2002/06 du 15 avril 2002 portant sur la constitution des réserves ; 2002/09 du 15 avril 2002 portant sur la couverture des immobilisations ; 2002/13 du 15 avril 2002 portant sur les conditions de recours aux lignes de financement et 2002/14 du 15 avril 2002 portant sur la liquidité proprement dite des EMF.

* 60 En effet, certains EMF accordent des prêts sans vérifier préalablement les capacités de remboursement des emprunteurs, ce qui peut logiquement conduire au surendettement et à un risque d'impayé accru pour l'EMF. Cet état de chose peut vider la réserve des EMF, remettant ainsi en cause le souci de liquidité recherché par les textes.

* 61 V. art. 2 du Règlement COBAC EMF 2002/14 relatif à la liquidité des EMF.

* 62 Art. 3 du règlement précité.

* 63 Art. 54 du règlement précité.

* 64 L'ensemble des sanctions est contenue dans l'article 57 du Règlement n° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC du 13 avril 2002 relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de microfinance dans la CEMAC.

* 65 Il serait étonnant de constater que l'agrément est retiré à un établissement pour si peu alors qu'une autre mesure aurait du être efficace et moins dommageable.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery