Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
SECTION 2 : L'INTERVENTION ULTIME ET JUSTIFIEE DE LA COBAC DANS SA MISSION DE RESTRUCTURATION DE L'EMFSi en droit commun l'intervention des tiers dans l'entreprise est rigoureusement encadrée, le particularisme du secteur bancaire en général a poussé à atténuer cette rigueur. Malgré tout, le principe reste et demeure la non intervention des tiers, précisément la COBAC dans la gestion et la direction des EMF, d'où la nécessité de privilégier le redressement interne. Les interventions de la COBAC sont alors règlementées. En matière de restructuration des établissements défaillants précisément, l'intervention de la COBAC doit être opportune pour ne pas être abusive ou inutile. En effet, une alerte précoce peut entretenir maladroitement une rumeur incommode qui pousse les épargnants dans une attitude frileuse. De même, une alerte tardive rend inutile la tentative de restructuration qui cède place à la liquidation pure et simple347(*), remettant ainsi en cause l'objectif de pérennité des EMF. La phase d'observation de l'exécution du plan de redressement est donc plus que nécessaire dans le traitement des défaillances des EMF car elle permet à la COBAC de juger de l'opportunité de son intervention directe par le biais de l'administration provisoire (paragraphe 1). Mais le bilan généralement mitigé de cette technique de traitement conduit à envisager la réadaptation de son régime (paragraphe 2). PARAGRAPHE 1 : LA MISE SOUS ADMINISTRATION PROVISOIRE D'UN EMF DEFAILLANT PAR LA COBAC : L'EXEMPLE DE COFINEST ET DE FIRST TRUST SAVINGS AND LOANL'administration provisoire, qu'elle soit envisagée en droit commun ou dans le cadre des EMF, est une technique efficace de traitement des difficultés des entreprises à laquelle la pratique fait le plus souvent recours. Son rôle curatif permet d'éviter que l'entreprise ne soit engluée dans une situation désastreuse348(*). Le principe de la non immixtion des tiers dans la gestion de l'entreprise, communément admis nous l'avons dit, impose que, tant en droit commun que dans le cadre des EMF, l'intervention de l'administrateur provisoire se fasse pour des cas limitativement énumérés. D'origine prétorienne, l'administration provisoire au départ était limitée aux hypothèses dans lesquelles les organes sociaux ne fonctionnaient plus correctement. Par la suite, elle a été utilisée pour protéger les actionnaires minoritaires contre les abus de majorité et pour faire prévaloir l'intérêt de l'entreprise sur les intérêts égoïstes des uns et des autres349(*). C'est ainsi qu'un auteur a pu voir en cette technique « un rouage important dans le cadre des techniques de sauvetage des entreprises en difficultés »350(*). Pour les EMF, l'administration provisoire est envisagée « notamment » si la gestion ne peut plus être assurée dans les conditions normales ou lorsque la démission d'office des dirigeants est prononcée à titre de sanction. Plus prosaïquement, la nomination d'un administrateur provisoire intervient lorsqu'il y a carence dans l'administration, la gérance et la direction de l'établissement351(*). A l'analyse, l'énumération des hypothèses de mise sous administration provisoire est simplement indicative352(*). Il revient donc à la COBAC d'apprécier objectivement la circonstance et de juger de l'opportunité de l'administration provisoire353(*). Toute décision dans ce sens doit donc être motivée354(*) et peut faire l'objet de recours. Quoi qu'il en soit, le législateur communautaire mérite toutes les félicitations pour avoir intégré la technique de l'administration provisoire dans le traitement des défaillances des EMF. Très souvent, la COBAC n'hésite pas à mettre un EMF sous administration provisoire lorsque des irrégularités sont constatées355(*) et ceci ne va pas sans conséquences (A). La situation difficultueuse de l'établissement en cause et l'urgence qu'il y a à l'y extirper justifient le cahier de charges de l'administrateur provisoire (B). Ce dernier doit être évalué à la fin de sa mission (C). La décision de mise sous administration provisoire ainsi que son issue peuvent être contestés (D). A. La nomination de l'administrateur provisoire et ses conséquencesL'article 63 du Règlement du 13 avril 2002 habilite la Commission bancaire à désigner un administrateur provisoire lorsque la situation de l'établissement l'exige. Bien souvent, cette décision est consécutive à des carences de gestion. C'est donc dire que la nomination d'un administrateur provisoire intervient à la suite du contrôle de la COBAC. Cette décision est prise en assemblée ordinaire ou extraordinaire et en cas d'urgence, le président de la COBAC décide et rend compte à la Commission à sa prochaine assemblée356(*). Au regard de la réglementation, la nomination d'un administrateur provisoire dans un EMF en difficulté ne peut se faire que par saisine d'office de la COBAC357(*), ce qui limite considérablement l'usage de cette technique. En effet, le constat des fautes de gestion se fait durant le contrôle sur place. Le déficit criard de personnel que connait la COBAC entre autres limite l'efficacité et la régularité de ce contrôle. Dans la majorité des cas, le constat des défaillances sera donc tardif ainsi que la décision de mise sous administration provisoire. Or pour qu'elle soit efficace, la décision de mise sous administration provisoire doit être prononcée assez rapidement358(*). Il est donc nécessaire d'étendre la saisine de la COBAC aux actionnaires qui ont principalement intérêt ainsi qu'aux salariés de l'établissement359(*), et même aux organes de contrôle. Mais l'ouverture de la saisine n'interviendrait que dans le cas où l'administration provisoire était nécessitée en dehors de tout contexte d'observation ou de redressement interne. La nomination de l'administrateur provisoire dans ce contexte est loin d'être une sanction, mais un remède car elle vise à endiguer les défaillances de l'établissement360(*). C'est donc dire que l'administration provisoire, loin des appréhensions qu'elle suscite, est une mesure d'assainissement de la gestion des EMF361(*). La réglementation sur les EMF ne donne aucune précision sur le profil des personnes qui peuvent être nommées administrateurs provisoires. Cependant, l'article 16 de la Convention du 16 octobre 1990 prévoit que les administrateurs sont nommés sur une liste dressée par l'autorité monétaire nationale ou, à défaut, par la propre initiative de la COBAC. Cette disposition à notre sens rassure sur la compétence de l'administrateur provisoire à être capable de tirer l'EMF en difficultés de sa situation critique. Cette compétence qui aurait manqué aux dirigeants est une nécessité en pareille situation. Il serait donc difficile d'imaginer que la COBAC désigne comme administrateur provisoire des personnes n'étant pas à la hauteur de la tâche. Tel ne semble pas être le cas en pratique362(*). La conséquence directe de la nomination d'un administrateur provisoire est le dessaisissement des dirigeants et des organes sociaux, ainsi que la suspension d'office de leurs pouvoirs qui sont transférés ipso facto à l'administrateur provisoire363(*). Ce dernier se substitue donc pour la durée de son mandat aux organes dirigeants normalement compétents et se doit d'accomplir les missions pour lesquelles il a été nommé, missions préalablement consignées dans son cahier de charges. * 347 Dans l'optique du traitement des défaillances des EMF, la liquidation doit être évitée au maximum au regard des conséquences dommageables. * 348 V. NGUIHE KANTE P., op. cit., p. 84. * 349 Art. 200 de l'AUDSCGIE. * 350 NGUIHE KANTE P., op. cit., p. 84. * 351 V. art. 14 de l'Annexe à la Convention du 16 octobre 1990, repris par l'art. 63 du Règlement du 13 avril 2002. * 352 L'adverbe « notamment » de l'article 14 précité consolide cette opinion. * 353 Mais il faut dire que cette opportunité d'appréciation offerte à la COBAC est une porte ouverte à l'arbitraire. * 354 Art. 63 récité. * 355 Ce qui a récemment été fait au Cameroun pour Cofinest et First Trust. * 356 Art. 14 al. 4 de la Convention du 16 octobre 1990. * 357 Les cas de Cofinest et de First Trust sont fort illustratifs. * 358 La décision tardive de mise sous administration provisoire de GBF au Cameroun a conduit à un bilan nul qui a débouché sur une liquidation pure et simple * 359 V. KENMOGNE SIMO A. ,op. cit., p. 214. * 360 Sur la question de savoir si l'administration provisoire est une sanction, ou un remède, les praticiens sont partagés. Les uns ou les autres penchent pour l'une ou l'autre solution en avançant des raisons plus ou moins convaincantes. M. KENMOGNE SIMO A. distingue dans sa thèse pour le cas des banques l'administration provisoire prononce à titre de sanction ou non. V. thèse précitée p.213. Même si certaines sanctions prévues par la réglementation telles que la suspension, la démission d'office des dirigeants peuvent conduire à la nomination d'un administrateur provisoire, ces mesures ne sont que curatives. Ainsi donc la nomination d'un administration provisoire dans un EMF défaillant est avant tout un remède. * 361 V. BAMBOU F. , « Cameroun : vague d'assainissement dans la microfinance », Les Afriques n°26, Banques et Assurances, 24 au 30 avril 2008, p. 6. Disponible sur http://www.lesafriques.com * 362 A titre illustratif, l'administrateur provisoire de Cofinest, en la personne de Calvin BIKOKO est un ancien fonctionnaire du ministère des finances. Il a été aussi administrateur de la Prom Mature et GBF. Quant à First Trust, son administrateur provisoire, Madame Ida DJODU ENCHEI est ancienne employée de sogelease, une filiale de la Société Générale spécialisée dans le crédit bail. Pour bon nombre de professionnels de la microfinance au Cameroun dont nous partageons l'opinion, ces administrateurs provisoires n'ont pas d'expérience incontestable dans le domaine de la microfinance. V. au sujet de la compétence contestable des administrateurs provisoires : CHENDJOU Léopold, « EMF : quels administrateurs provisoires ? », Le Messager n° 2663, Actualités Générales, 28 juillet 2008. * 363 V. art. 63 al. 5 du Règlement du 13 avril 2002 précité. |
|