Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance( Télécharger le fichier original )par Grégoire TCHOMGUI KOUAM Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000 |
PARAGRAPHE 3 : L'INSTAURATION D'UNE FISCALITE SPECIFIQUE POUR LES EMFSi la réglementation prudentielle permet de prévenir les défaillances des EMF, il faut noter qu'elle présente quelques lacunes parmi lesquelles le problème de la fiscalité des EMF. En réalité, trop d'incohérences existent dans le domaine de la fiscalité des EMF et se résument en quelques questions : quels sont les impôts à payer ? quand faut-il les payer ? quels sont les autres devoirs fiscaux des EMF ? Autant de questions qui attendent des réponses des autorités communautaires ou des pouvoirs publics nationaux. En effet, le domaine de la fiscalité n'a pas été règlementé par le législateur communautaire, ce qui est regrettable dans un contexte où l'essentiel du budget de l'Etat est financé par les impôts prélevés sur les entreprises. Ce laconisme est de nature à causer un grand préjudice au secteur de la microfinance. Le fait de laisser libre cours à chaque Etat membre de fiscaliser les EMF, de l'avis de M. David KENGNE210(*) « risque de tuer les EMF en Afrique Centrale». Cette opinion est corroborée par plusieurs professionnels du secteur qui estiment que la charge fiscale est lourdement supportée par les EMF qui sont sensés lutter contre la pauvreté211(*). C'est donc dire que le régime de la fiscalité des EMF relativement défini par les Etats membres de la CEMAC s'avère flou et inapproprié si l'on s'en tient aux inquiétudes des praticiens. Pourtant, le fait pour le législateur communautaire de laisser cette compétence aux autorités internes des Etats membres n'est pas sans intérêt. Le législateur communautaire aurait pensé qu'un régime communautaire de fiscalité des EMF pourrait ne pas prendre en compte les particularités des Etats membres, d'autant plus que ces Etats n'ont pas le même niveau de développement. De plus, cet abandon de compétences était sans doute du à la au caractère sensible du domaine de la fiscalité qui relève de la souveraineté des Etats212(*). Bien que réaliste, le législateur communautaire aurait ignoré les pratiques de corruption qui ont cours dans ce milieu. Ces pratiques sont encouragées par l'ignorance des contribuables et l'absence de service financier dans certains EMF. Il est donc de bon ton que les autorités nationales s'investissent dans ce domaine pour définir une fiscalité spécifique des EMF. L'urgence de ce cadre spécifique est perçue par l'ANEMCAM qui, lors du deuxième salon camerounais de la microfinance organisé en 2008, s'est donné pour objectif d'oeuvrer pour le réaménagement de la fiscalité des EMF afin de l'adapter aux multiples contraintes du secteur.213(*) Ce voeu a été réitéré par les acteurs du secteur de la microfinance lors de la campagne provinciale de vulgarisation et de diffusion de la réglementation en la matière214(*). Ces doléances sont adressées aux pouvoirs publics qui ont déjà mené d'importantes actions pour la microfinance215(*) et qui doivent redoubler d'ardeur dans ce sens. Dans cette optique, les Etats membres pourront prendre des mesures tendant à, exonérer les EMF des impôts pendant la phase d'implantation qui dure généralement cinq ans. Les résultats des EMF durant cette phase sont très souvent faibles. Or l'I S qui frappe généralement ces résultats pèse énormément lourd sur eux, freinant ainsi par voie de conséquence leur développement. Certes, l'Etat doit, pour faire fonctionner ses institutions, tirer avantage de toute activité menée par les personnes physiques ou morales. C'est un droit qui lui est intrinsèquement reconnu en contrepartie du cadre de sécurité qu'il offre aux acteurs de l'économie. Puisqu'il n'est pas question pour l'Etat d'abandonner son droit au risque de perdre, il lui revient aussi de prendre des mesures incitatrices pour l'investissement en adoucissant le régime de l'imposition ne serait-ce que pendant la phase d'implantation. Face à ce dualisme d'intérêts, les Etats membres de la CEMAC peuvent trouver le compromis du côté d'une imposition progressive des EMF qui à notre sens concilie les deux enjeux. En fait, si l'Etat exonère les EMF de l'impôt durant leur implantation, il aura l'occasion de se rattraper plus tard lorsque la structure sera assez solide et apte à assumer toutes charges sans que ces charges puissent influer sur l'exploitation de l'établissement. L'Etat aura ainsi une source réelle de rentrées financières. Ce qu'il aura perdu pendant la phase d'implantation lui reviendra après cette phase. Il est donc vivement souhaité que les pouvoirs publics nationaux interviennent afin que la charge fiscale ne soit plus pour les EMF une cause de défaillances. En somme, les EMF au cours de leur vie sont exposés aux risques de défaillances qui proviennent soit du non respect des normes prudentielles de la COBAC, soit de la défaillance de cette dernière dans la surveillance et le contrôle de l'application des normes prudentielles, soit de l'insuffisance des capitaux nécessaires à l'exploitation et au fonctionnement des structures de microfinance. Ces différentes causes de défaillances sont internes aux EMF, ce qui fait de la politique de gestion interne des risques de défaillances un impératif pour eux. Dans la mission de contrôle des ratios prudentiels, un accent particulier doit être mis sur le contrôle interne en raison de sa grande capacité à réduire considérablement les risques de défaillances. Il faut à ce sujet saluer à juste titre l'action de certains réseaux d'EMF ainsi que le rôle primordial de l'ANEMCAM dans leur oeuvre de renforcement du contrôle interne. Le législateur communautaire a un rôle à jouer pour le traitement préventif des risques de défaillances des EMF dans la mesure où une trop grande légèreté de sa part favoriserait la déviance chez les acteurs de l'EMF. Une réforme règlementaire est donc vivement souhaitée. L'assainissement de la politique interne de gestion des EMF réduira certainement les risques endogènes de défaillances qui, s'ils ne sont pas maîtrisés, risqueront de mettre à mal l'EMF, surtout avec l'existence d'une pléthore de risques exogènes. * 210 Expert en microfinance et directeur de Microfinance Accademy, cabinet d'expertise en microfinance basé à Douala. Il a exprimé ce sentiment dans une interview qu'il a accordé à julien CHONWANG paru dans le quotidien Mutations en 2008. * 211 V. MBOUOMBOUO NDAM J., op. cit., p. 109. * 212 En effet, les Etats membres de la communauté ont du mal à céder totalement leur souveraineté au profit de la communauté. * 213 NZOYEM G. , op. cit. * 214 KALDAOUSSA J., « La microfinance en quête de crédit, campagne provinciale de vulgarisation et de diffusion de la réglementation en matière de microfinance », Maroua, 2 septembre 2008, Le Messager n° 2692, 8 septembre 2008. * 215 Au Cameroun notamment, on peut citer entre autres la création de la sous-direction de la microfinance au ministère des finances, la création du comité consultatif national de la microfinance, la mise en place d'un programme national d'appui à la microfinance et la création récente du fonds provincial de refinancement de la microfinance dans l'Extrême- Nord. |
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