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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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Section 2. Le contrôle des actes de mise en oeuvre du droit de l'Union par les Etats membres : l'adhésion forcée de l'Union

La certitude sur cette question est que, malgré une jurisprudence ouvrant la saisine de la Cour de Strasbourg au plus grand nombre, une requête introduite à l'encontre de l'Union ne peut pas être recevable devant la Cour de Strasbourg. En effet, l'Union n'étant pas signataire de la Convention, la Cour de Strasbourg a toujours refusé de se reconnaître une compétence ratione personae en la matière146. Cette approche est conforme à la lettre de la Convention qui dispose à son article 19 que la Cour de Strasbourg est instituée pour faire respecter la Convention aux Hautes Parties contractantes.

Pourtant dans le cadre de l'Union, la question était également de savoir, alors même que des normes naissent de l'Union et non plus des Etats, si ces derniers devaient rester responsables devant la Convention de ces normes147. La question se pose d'autant plus dans le cadre de l'Union car les normes sont désormais votées à la majorité qualifiée. Dans ce cas, peut-on rendre un Etat responsable d'un acte communautaire auquel il se serait peut-être opposé ?148

Le droit de l'Union étant appliqué et transféré au sein même des Etats membres, la Cour de Strasbourg s'est reconnue compétente pour connaître de l'application du droit de l'Union en droit interne. Sur ce point, les requêtes introduites contre les Etats membres sont donc susceptibles d'être examinées. Cette position est conforme aux règles de droit international public sur les traités successifs149. Conformément à ces règles, un Etat doit respecter les obligations nées de la signature de différents traités. La signature d'un traité ne le libère en aucun

145 supra note 142, BULTRINI, p11-12

146 Commission EDH, 10 juillet 1978, CFDT c/ Communautés européennes, DR 13, p.231

147 BENOIT-ROHMER, Florence, A propos de l'arrêt Bosphorus Air Lines du 30 juin 2005 : l'adhésion contrainte de l'Union à la Convention, Revue Trimestrielle de droits de l'Homme, 2005, n°64, 64/2005, p.827-853, p.832

148 ibid

149 article 30 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969

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cas de ses obligations liées à un traité antérieur, d'autant plus lorsque ce traité est relatif à la protection des droits de l'Homme150.

Ainsi, dans la décision Tête151, la Commission européenne des droits de l'Homme indiquait que « on ne saurait [...] admettre que par le biais de transferts de compétence, les Hautes Parties contractantes puissent soustraire, du même coup, des matières normalement visées par la Convention aux garanties qui y sont édictées »152. Le système conventionnel admet donc la responsabilité des Etats membres pour les actes enduits par des organisations internationales auxquelles ils sont partis. Cependant, dans le cas d'espèce, bien que la France possédait une marge d'appréciation pour la transposition et qu'elle pouvait donc être déclarée responsable, elle n'avait pas été condamnée car il n'y avait pas eu violation de la Convention.

De même, dans l'arrêt Cantoni153, la Cour de Strasbourg a également jugé que la France pouvait être responsable, même si la loi en cause était une transposition mot pour mot d'une directive communautaire, mais qu'il n'y avait pas de violation de la Convention dans le cas d'espèce. Si la Cour de Strasbourg avait condamné la France, elle aurait alors indirectement contrôlé un acte de l'Union.

La Cour de Strasbourg a semblé ainsi beaucoup plus prudente sur la question du contrôle du droit de l'Union au vu de la Convention.

Dans l'affaire M & Co.154, la Cour de Strasbourg a reconnu en « s'appuyant notamment sur certaines déclarations de principe des institutions communautaires et sur la jurisprudence de la Cour de justice, [...] que le système communautaire reconnaissait les droits fondamentaux et assurait aussi le contrôle de leur respect »155.

La Cour de Strasbourg précise que la règle du respect des engagements antérieurs s'applique également sur les traités constitutifs et que ces derniers doivent respecter la Convention. En outre, bien que les Etats aient transmis des compétences à une organisation supranationale, ils restent responsables des actes pris dans le cadre de ces compétences devant la Cour de Strasbourg.

150 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.831

151 Commission EDH, 9 décembre 1987, Tête c/ France, req. N°11123/84, DR 54

152 supra note 151, p. 52

153 CEDH, 15 novembre 1996, Cantoni c. France, req n° 17862/91, Rec 1996, p. 1614

154 CEDH, 9 février 1990, M & Co., Req. no 13258/87, D.R. 64, p. 138

155 supra note 142, BULTRINI, p14

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L'Etat a le droit de transmettre des compétences à des organisations, mais il demeure responsable des violations de la Convention engendrées par l'application de règle issue de cette organisation. En effet, si l'Etat pouvait appliquer en droit interne des dispositions contraires à la Convention sans risque d'être condamné pour violation, il serait facile pour les Etats de contourner leur obligation. De plus, ce sont les Etats qui choisissent de devenir partie à une organisation et qui définissent les compétences de cette dernière, il est donc logique qu'ils demeurent responsables devant la Convention. Le but est d'éviter que

« une catégorie d'actes imputables à un système mis sur pied par un groupe d'Etats parties à la Convention et susceptible de toucher au respect des droits garantis par celle-ci échappe au contrôle du mécanisme qu'elle a justement instauré afin de garantir un respect uniforme de ses dispositions. Situation peu satisfaisante à bien des égards, surtout si l'on tient compte de la nature des droits en cause. »156

Il est à noter que cette décision a été vivement critiquée. En effet, il semblerait que dans le cas d'espèce, la Cour de Strasbourg se soit inspirée de la Cour constitutionnelle allemande et de son arrêt Solange. Cependant, contrairement à la Cour constitutionnelle, la Cour de Strasbourg ne met pas de limite à la confiance qu'elle accorde à la capacité de l'Union de protéger les droits de l'Homme puisque l'utilisation du terme « aussi longtemps » n'est pas effectuée157. Il semblerait que dans le cadre de la Communauté, et non de l'Union, la Cour de Strasbourg est mis en place une présomption irréfragable de protection équivalente alors même que

« les organes de la Convention ont [...J été institués pour examiner des cas individuels d'atteinte aux droits fondamentaux et non pas pour établir des équivalences de protection théoriques et de principe. Tous les Etats ayant ratifiés la Convention ont accepté l'obligation de respecter et faire respecter les droits qui y sont énoncés, et leur pratique, dans la plupart des cas, est normalement conforme à cet engagement. Cela n'empêche pas que les organes de la Convention aient été chargés de vérifier que tel est bien le cas »158.

De plus, la Cour de Strasbourg se doit de contrôler le respect de la Convention par les Etats membres et non de supposer que tel est bien le cas. En effet, « si les organes de la Convention devaient se fier uniquement aux engagements de principe des Etats parties et aux conclusions des tribunaux internes dans des cas concrets, ils ne constateraient pas souvent des violations de la Convention »159.

En outre, cette présomption de conformité des actes aux droits de l'Homme n'a pas lieu envers les Etats alors même que ces derniers ont également mis en place des procédures de

156 supra note 142, BULTRINI, p24

157 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.840

158 op.cit., BULTRINI, p16

159 ibid

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protection des droits de l'Homme160. En outre, quelle aurait été la position de la Cour de Strasbourg si l'Union n'avait jamais pris en compte les droits de l'Homme dans son système ? Les Etats dans cas seraient-ils restés tenus responsable des actes de l'Union ?161 A moins que la Cour de Strasbourg n'ait accordé cette équivalence de protection que dans le cas d'espèce, c'est-à-dire dans le cadre du respect par l'Union d'une procédure de protection des droits de l'Homme, conforme à l'article 6 de la Convention, concernant le domaine de la concurrence, permettant aux Etats d'appliquer directement un arrêt de la Cour de Luxembourg sans passer par la procédure de l'exequatur162.

La Cour de Strasbourg s'est prononcée dans un premier temps sur le seul droit primaire de l'Union avec l'affaire Matthews163. Par cet arrêt, la Cour de Strasbourg accepte de contrôler la conformité d'un acte communautaire avec la Convention. « Par la même, elle s'érige en ultime contrôleur du droit communautaire »164, place qui était jusqu'alors occupée par la Cour de Luxembourg. En effet, la Cour de Strasbourg rappelle ainsi son rôle de « Juge Suprême des droits de l'homme pour l'ensemble de l'Europe »165.

La Cour de Strasbourg ne s'oppose pas au contrôle du droit primaire de l'Union car ce dernier est issu de l'accord entre Etats et entre dans le champ classique du droit international des traités et non dans celui du droit de l'Union, l'Union n'étant pas à la base de la signature des traités mais le résultat166. En outre, dans le cas d'espèce le vote de la norme communautaire avait été effectué à l'unanimité.

En outre, par cet arrêt, la Cour de Strasbourg se procure une compétence quasi illimitée mais « mine simultanément l'uniformité et la spécificité de l'ordre juridique communautaire »167.

La Cour de Strasbourg a donc affirmé sa compétence ratione personae à l'égard des Etats membres de l'Union lorsqu'ils appliquent le droit de l'Union, conformément aux dispositions de l'article 1 de la Convention. Ainsi,

« on peut dire avant tout que les Etats sont responsables par rapport aux actes normatifs dont ils ont la maîtrise directe : les actes transposant en droit interne une réglementation communautaire, indépendamment de la marge de manoeuvre que la réglementation dont il s'agit laisse aux Etats (affaires Tête, Procola et Cantoni), et

160 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.841

161 ibid

162 ibid

163 supra note 80, GAUTRON, p.5

164 ibid, p.4

165 supra note 99, COHEN-JONATHAN et FLAUSS, p.257

166 op.cit. GAUTRON, p.6

167 ibid.

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ceux par lesquels l'Etat participe à l'élaboration du droit communautaire primaire (affaire Matthews) »168.

La Cour de Strasbourg a longtemps tardée à prendre position concernant le statut du droit de l'Union dans les cas où les Etats n'ont aucune marge de manoeuvre. « De mauvais esprits pouvaient se demander si la Cour avait vraiment l'intention de statuer sur cette question ou si elle s'efforcerait de laisser la situation dans l'incertitude dans l'attente d'une éventuelle adhésion de l'Union à la Convention »169.

En 2005, avec l'affaire Bosphorus170, la Cour de Strasbourg rompt enfin le silence. L'affaire concernait la mise en oeuvre, par un règlement communautaire d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU. La Cour de Luxembourg, par un recours préjudiciel, avait confirmé l'application du règlement au cas d'espèce. Cette affaire a été considérée comme « politiquement sensible »171, et bien que la Cour de Strasbourg avait toujours rejeté pour irrecevabilité les requêtes mettant en cause le droit de l'Union dérivé, « la Cour s'est enfin décidée à préciser les règles relatives au contrôle qu'elle exerce sur les mesures nationales d'exécution du droit communautaire »172.

Dans le cas d'espèce, l'Etat applique une norme communautaire de droit dérivé, sans bénéficier d'une marge d'appréciation. « La question est épineuse car la violation alléguée aboutit à mettre en cause un acte communautaire à travers une mesure d'application nationale et, en conséquence, de façon indirecte la responsabilité de la Communauté, alors que celle-ci n'est pas partie à la Convention »173.

L'arrêt Bosphorus distingue les situations où l'Etat membre dispose d'une marge d'appréciation pour mettre en oeuvre le droit de l'Union et les situations où les Etats n'ont pas un tel pouvoir. Mais il n'en demeure pas moins que la Cour de Strasbourg effectue un contrôle indirect du droit de l'Union vis-à-vis de la Convention. Ainsi,

« si l'acte national à l'origine de la violation des droits de l'homme n'est qu'une transcription pure et simple du droit communautaire ou plutôt, ne traduit aucune marge de manoeuvre de l'Etat, celui-ci n'est pas jugé responsable au regard de la Convention à condition que le droit communautaire offre une protection équivalente des droits fondamentaux. En revanche, si l'Etat a fait usage d'un pouvoir

168 supra note 142, BULTRINI, p24

169 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.827

170 CEDH, 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS contre Irlande, req. n° 45036/98

171 op.cit. BENOIT-ROHMER, p.829

172 ibid

173 ibid

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d'appréciation en mettant en oeuvre le droit communautaire, il reste entièrement responsable de ses actes au regard de la Convention »174.

Bien que la Cour se soit reconnue compétente, elle a également considéré que l'Union possédait un niveau de protection des droits de l'Homme équivalent à celui de la Convention. En effet, la Cour de Strasbourg est « conduite à évaluer à l'aune de la Convention EDH le système communautaire de protection des droits fondamentaux, (...) [et] considère que celui-ci protège ces droits d'une manière équivalente au système européen de protection des droits de l'homme »175, décernant ainsi un « label général de conformité à la Convention »176.

« Par protection « équivalente », la Cour entend une protection « comparable » à celle assurée par la Convention »177, c'est-à-dire une garantie matérielle et procédurale des droits de l'Homme178. L'Union ayant une jurisprudence, et désormais un instrument, de protection des droits de l'Homme, la Cour de Strasbourg en a déduit qu'elle protégeait de façon équivalente les droits de l'Homme. La notion de « protection « équivalente » permet à la Cour de ne pas se prononcer sur une vaste catégorie d'actes communautaires et d'actes nationaux qui les exécutent, tout en sauvegardant la possibilité [...] d'intervenir dans des circonstances exceptionnelles de violation « manifeste » »179.

Le recours à la notion de protection équivalente permet de prendre en compte le fait que des Hautes Parties à la Convention soient également Etats membres de l'Union. Cette doctrine devrait donc naturellement disparaître en cas d'adhésion de l'Union à la Convention. Cependant, l'on peut également envisager l'option inverse qui viserait à appliquer cette doctrine de la protection équivalente à toutes les Hautes Parties. Ceci permettrait entre autre de désengorger la Cour de Strasbourg. Mais les critiques de cette doctrine envers l'Union sont également applicables aux Etats membres. En effet, le but de la Convention n'est pas de supposer qu'un État respecte les droits de l'Homme mais de contrôler que tel est bien le cas. L'on peut également envisager le maintien de la situation actuelle où la protection équivalente ne s'applique qu'envers les dispositions de l'Union. Pourtant l'équivalence de protection a été conçue pour permettre une protection des droits de l'Homme par rapport à des normes

174 KAUFF-GAZIN, Fabienne, L'arrêt Bosphorus de la CEDH : quand le juge de Strasbourg décerne au système

communautaire un label de protection satisfaisante des droits fondamentaux (CEDH, 30 juin 2005), Les Petites Affiches, 24 novembre 2005, n°234, p.9

175 ibid

176 ibid

177 CIAMPI, Annalisa, L'Union européenne et le respect des droits de l'homme dans la mise en oeuvre des sanctions devant la Cour européenne des droits de l'Homme, Revue générale de droit international public, 2006, n°110-1, p85, p.93

178 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.844

179 op.cit. CIAMPI, p.107

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communautaires. Si l'Union adhère, cette doctrine ne devrait plus avoir d'effet car l'obstacle juridique serait levé et la Cour de Strasbourg pourrait appliquer directement la Convention à l'Union et contrôler son droit par rapport à la Convention. Une dérogation de cette envergure pour l'Union ne serait pas profitable dans un système qui se veut égalitaire pour tous ses membres. En outre, l'Union désire avoir la même place que les autres Hautes Parties. Dans ce cas, elle doit également avoir les mêmes obligations et devoirs et ne pas se baser sur des présomptions qui n'existent pas pour les Etats180.

Cette présomption d'équivalence ne pourrait être levée que si une détérioration du système de protection des droits de l'Homme au sein de l'Union avait lieu181. « Il est [donc] difficile d'imaginer des circonstances dans lesquelles la présomption de compatibilité avec la Convention pourrait être renversée »182. Mais cette possibilité permet cependant de revenir en parti sur la présomption irréfragable que l'arrêt M. & Co. avait mise en place. De plus, une protection équivalente étant effectuée et l'Etat se limitant, sans marge d'appréciation, à l'application de l'acte communautaire, la Cour de Strasbourg en déduit une présomption de conformité. « La Cour explique cette présomption de conformité par l'exigence de ne pas paralyser le fonctionnement de l'intégration européenne »183.

La Cour de Strasbourg prend ainsi en compte la particularité de l'ordre juridique communautaire en évitant que les Etats effectuent un contrôle de conventionalité sur les actes de l'Union et ne les écartent d'une application interne. Ceci remettrait en cause le fondement de l'Union184. « La présomption permet à la Cour de reprendre l'exercice de son contrôle dès qu'elle jugera dans une affaire donnée que la protection accordée par le droit communautaire n'est pas satisfaisante »185.

Mais

« pour apprécier si la présomption peut ou non jouer, elle devra déterminer si l'Etat membre disposait ou non d'une marge de liberté dans l'application de la norme communautaire. Ceci la conduira à se pencher sur des notions telles que celle d'applicabilité directe, portant ainsi atteinte au monopole de la Cour de Luxembourg. Nul doute que la coopération entre les cours sera appelée à se développer pour éviter des solutions contradictoires »186

180 Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Adhésion de l'Union européenne/Communauté européenne à la Convention européenne des Droits de l'Homme, doc.11533, 18 mars 2008, 38p, p.29

181 POTTEAU, Aymeric, A propos d'un pis-aller : la responsabilité des Etats membres pour l'incompatibilité du droit de l'Union avec la Convention européenne des droits de l'homme, Revue trimestrielle de droit européen, 2009, p.697

182 supra note 177, CIAMPI, p.100

183 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.845

184 ibid, p.846

185 ibid

186 ibid, p.852-853

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L'Etat est ainsi entièrement responsable devant la Cour de Strasbourg quand il a mis en oeuvre le droit primaire de l'Union187. Il n'en demeure pas moins que le caractère particulier de l'Union doit être pris en compte. Mais ceci peut être réalisé par le mécanisme de la marge nationale d'appréciation, que l'on pourrait appliquer également à l'Union. L'État est donc responsable également lorsqu'il met en oeuvre, avec une marge de manoeuvre, le droit dérivé de l'Union188. Si l'Etat ne possède pas de marge de manoeuvre, sa responsabilité est alors limitée, la Cour de Strasbourg se contentant de contrôler si la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union est équivalente à celle de la Convention189. « Si c'est le cas, la Cour en déduit une présomption de conventionalité des mesures nationales de pure exécution des obligations mises à la charge des Etats parties par l'organisation »190. Ainsi, l'arrêt Bosphorus ne laisse subsister que « la question de la recevabilité des requêtes formées à l'encontre d'actes communautaires de droit dérivé qui ne font pas l'objet de mesures nationales d'exécution notamment parce qu'ils ne produisent pas d'effets hors de l'ordre interne des Communautés »191.

Aujourd'hui, l'on se trouve dans une situation paradoxale où le particulier qui a attaqué un acte communautaire pour annulation devant la Cour de Luxembourg ne peut pas, par la suite, saisir la Cour de Strasbourg pour inconventionalité de la procédure de la Cour de Luxembourg alors qu'un particulier qui est irrecevable à demander l'annulation d'un acte devant la Cour de Luxembourg pourra saisir la Cour de Strasbourg192. Le « critère de l'intervention étatique apparaît donc exagérément formaliste car, dans le domaine du contentieux communautaire de la légalité, il conduit en réalité à moduler le degré de protection apportée par la Convention en fonction de la recevabilité du recours en annulation »193.

La Cour de Strasbourg semble donc, dans l'affaire Bosphorus considérer « que l'accès direct pour le moins limité à la juridiction communautaire constituait le point faible du mécanisme communautaire de protection des droits fondamentaux »194.

Mais cet arrêt est également un signe de confiance envers le système de protection des droits de l'Homme de l'Union. C'est également une incitation pour la Cour de Luxembourg à ne pas diminuer son niveau de protection des droits fondamentaux195.

187 hypothèse de l'arrêt Matthews

188 hypothèse de l'arrêt Bosphorus

189 hyptohèse de l'arrêt Bosphorus

190 supra note 181, POTTEAU

191 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.853

192 op.cit. POTTEAU

193 ibid.

194 ibid.

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Cependant le contrôle que la Cour de Strasbourg exerce désormais sur les actes étatiques exécutant le droit de l'Union a conduit certains auteurs à se demander si

« la Cour n'a-t-elle pas voulu par cet arrêt établir un régime transitoire dans l'attente de l'adhésion tout en exerçant une pression discrète sur l'Union dans la mesure où la solution retenue produit, certes d'une manière nuancée, des conséquences similaires à l'adhésion sans que l'Union puisse bénéficier des

196

avantages de celle-ci ? ».

En effet, l'Union « deviendrait responsable au travers des Etats membres. Dans ce cas, l'adhésion de l'Union à la Convention, sans être formelle, serait de facto réalisée »197. La Cour de Strasbourg avait tenté d'attendre une adhésion officielle de l'Union à la Convention par son arrêt M & Co. Cependant, après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, la Cour de Strasbourg a été plus exigeante dans son arrêt Bosphorus.

« L'inégalité de traitement entre les Communautés et ses Etats membres en matière de responsabilités du fait des conséquences dommageables d'actes communautaires, ainsi que les risques croissants de divergences jurisprudentielles entre la Cour EDH et la CJCE, sont à l'origine de l'article 6-2 TUE modifié qui prévoit l'adhésion de l'Union à la CEDH »198

Pourtant, « en étendant sa compétence aux actes de droit primaire, la Cour suggère une responsabilité collective des Etats membres »199. La responsabilité collective des Etats membres pourrait être mise en place,

« il suffit pour cela d'interpréter au sens large l'obligation de garantir les droits de la Convention « à toute personne relevant de leur juridiction » souscrite par les Parties en vertu de l'article premier de la CEDH, c'est-à-dire sans la limiter à l'exercice direct des pouvoirs de souveraineté dans le territoire national, mais en englobant l'exercice de compétences transférées à des organisations internationales ou supranationales »200.

Antonio Bultrini, référendaire à la Cour de Strasbourg, soutient que le fonctionnement de l'Union, notamment par la place omniprésente des Etats lors de l'élaboration du droit de l'Union et dans le fonctionnement de l'Union, ainsi que l'imbrication des Etats membres et de l'Union conduit indubitablement à se demander pourquoi les Etats ne pourraient pas être responsables collectivement devant la Cour de Strasbourg des actions de l'Union201.

195 Cour européenne des droits de l'Homme, Conseil de l'Europe, Dialogue entre juges - Cinquante ans de la Cour européenne des droits de l'Homme vus par les autres Cours internationales, Strasbourg, 2009, 93p, p.40

196 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.829

197 ibid., p.839

198 supra note 70, DOLLAT, point 1122

199 supra note 80, GAUTRON, p.6

200 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p1-

14, p.5

201 supra note 142, BULTRINI, p32 à 35

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En outre, la responsabilité collective des Etats permettrait de simplifier l'exécution des arrêts de violation de la Convention pris sur un acte communautaire. En effet, les Etats devraient tous modifier les actes pris sur cet acte communautaire et par conséquent l'État condamné ne sera pas contraint de violer l'un des traités, la Convention ou le droit de l'Union.

L'arrêt Matthews de la Cour de Strasbourg aborde

« l'éventualité d'une responsabilité collective des Etats membres dans l'adoption d'un acte communautaire de droit originaire. Cette idée de responsabilité collective des Etats membres est à l'évidence de nature à étendre le contrôle de la Cour européenne des droits de l'homme dans le champ du droit communautaire, et de susciter de nouvelles interférences avec le contrôle opéré par la Cour de justice des Communautés européennes »202.

Il est cependant à noter que la Cour de Strasbourg a soigneusement laissé la question de l'acceptation d'une requête dirigée contre l'ensemble des Etats membres de l'Union au débat203.

De même, qu'en est-il des actes communautaires qui ne créent des effets qu'au sein de l'Union et non au sein des Etats ? La Cour de Strasbourg n'a jamais répondu à cette question. En effet, dans le cadre de l'affaire Christiane Dufay204, la Commission avait considéré qu'elle ne pouvait examiner la requête faute d'avoir épuisé les voies de recours interne.

Durant longtemps, le paradoxe était que les Etats membres étaient adhérents à la Convention et que la Cour de Luxembourg se référait expressément à la Convention pour protéger les droits de l'Homme au sein de l'Union mais, la Convention ne pouvait examiner le droit de l'Union. La Cour de Strasbourg a donc, par le biais des Etats membres, effectué un contrôle du droit de l'Union. L'on se retrouve donc dans une situation inverse où l'Union se voit appliquer un texte auquel elle n'a pas, encore, adhéré, mais où elle ne peut se prévaloir de la protection de ce dernier, notamment pour participer au jugement. En outre,

« Dans la situation actuelle, où les systèmes juridiques des Etats membres de l'Union continuent d'être soumis au contrôle du mécanisme conventionnel, on ne voit aucune raison pour que le système institutionnel communautaire, et notamment son appareil judiciaire, jouisse, lui, d'une telle exemption. D'autant moins que le système juridictionnel communautaire, nonobstant ses remarquables progrès, présente toujours des lacunes d'une certaine gravité ; par exemple, l'accès de l'individu à la justice reste fort limité et clairement en retrait par rapport à celui offert à la fois par le mécanisme conventionnel et par les mécanismes de protection judiciaire nationaux »205.

202 supra note 141, SIMON, p40

203 CEDH, 4 juillet 2000, Société Guérin automobiles c/ les quinze Etats de l'Union européenne, req. N°5171/99

204 CommissionEDH, décision du 19 janvier 1989, Dufay c/ Communautés européennes, req. N°13539/88

205 supra note 142, BULTRINI, p26-27

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Bien que l'Union ne soit pas soumise à un contrôle externe de son action, elle a tenté par son droit interne de protéger les droits de l'Homme en instaurant la Charte. Cette instauration d'un instrument interne de protection ne remet cependant pas en cause l'utilité de l'adhésion à un instrument externe de contrôle, qui a déjà prouvé par le passé qu'il était fiable.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera