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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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Section 2. La coordination des deux juridictions européennes par le dialogue et la diplomatie

Les divergences de jurisprudence entre les deux Cours sont réelles mais ne doivent pas être accentuées. Ainsi, dans l'arrêt Hoechst641, la Cour de Luxembourg a effectué une interprétation différente de l'article 8 de la Convention.

Par contre, il est

« inexact d'affirmer que la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union accroît les risques de divergence de jurisprudence entre les deux cours. Les dispositions de la Charte relatives à la Convention témoignent au contraire de la volonté d'aménager la coexistence entre les deux instruments dans le respect de la Convention »642.

En outre, les dispositions de la Charte sont plus vastes que celles de la Convention, la Charte intégrant des droits spécifiques aux citoyens de l'Union qui n'existent pas dans le cadre de la Convention. De plus, l'existence de deux systèmes de protection des droits de l'Homme est antérieure à l'élaboration de la Charte. L'Union protégeait en effet les droits fondamentaux en se référant à la Convention643.

Par la mise en place des principes généraux du droit, la Cour de Luxembourg « a tranché en faveur d'une autonomisation du système communautaire de protection par rapport à celui de Strasbourg »644, ce qui ouvrait la voie aux conflits avec cette juridiction. La Cour de Luxembourg a cependant tenté de limiter cette conséquence en se référant directement à la Convention.

La Cour de Luxembourg, soutenue par la suite par le droit primaire de l'Union, s'est appropriée la Convention et a, dans la majorité des cas, appliqué l'interprétation qui en était faite par la Cour de Strasbourg. Mais cette appropriation de la jurisprudence de l'autre ordre juridique a également eu lieu dans le sens inverse. Ainsi, la Cour de Strasbourg s'est référée à la

641 CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst, Rec.p.2859

642 supra note 552, BENOIT-ROHMER

643 ibid.

644 supra note 525, GAUTRON, p.5

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jurisprudence communautaire, et notamment à la Charte. La Cour de Strasbourg s'efforce ainsi de prendre en considération les particularités du droit de l'Union et de l'Union. « Contrairement à certaines visions simplificatrices, la circulation des raisonnements juridiques s'est opérée dans les deux sens, et l'acculturation juridique entre Strasbourg et Luxembourg a été réciproque »645.

La question de la hiérarchie entre les deux Cours doit se poser dans le contexte de l'ordre juridique. Il existe deux types d'ordre juridique ; moniste et pluraliste. Nous suivrons ici le raisonnement de Françoise Tulkens646, juge à la Cour de Strasbourg.

Dans une conception moniste, une seule Cour se trouve au sommet de l'ordre juridique. Les deux Europes que composent l'Union et le Conseil de l'Europe ne sont pas encore prêtes à être fusionnées pour ne former qu'une et même entité où la Cour de Luxembourg pourrait prendre la tête de l'ensemble. En effet, le territoire des deux organismes est loin d'être similaire. En outre, la voie de la sécession de l'ordre juridique communautaire à celui conventionnel doit être écartée, l'Union ayant la volonté d'adhérer à la Convention. Cette adhésion devrait créer une « absorption »647 de la Cour de Luxembourg par la Cour de Strasbourg. Cet effet de l'adhésion ne semble pourtant pas être la volonté de l'Union, et encore moins de la Cour de Luxembourg.

Si on aborde la conception pluraliste de l'ordre juridique, la coexistence entre les différents ordres doit exister. « Dans le domaine de la protection des droits de l'homme, le pluralisme est un fait, une réalité »648. Il y a en premier lieu plusieurs textes de protection des droits de l'Homme, l'Europe étant un modèle de pluralisme avec des textes nationaux de protection, la Charte et la Convention. En second lieu, il existe plusieurs juridictions de protection des droits de l'Homme, les juges nationaux, la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg. Le pluralisme permet ainsi de « distinguer non seulement une multiplicité d'ordres juridiques mais aussi la diversité de leurs structures »649.

La conception pyramidale de l'ordre juridique se transforme en réseau juridique pour permettre la protection des droits de l'Homme. « Dans cette perspective du réseau, la hiérarchie est remplacée par l'alternance, la subordination par la coordination, la linéarité par

645 supra note 600, SIMON, p44

646 TULKENS, Françoise et CALLEWAERT, Johan, Le point de vue de la Cour européenne des droits de l'Homme,

in CARLIER, Jean-Yves et De SCHUTTER, Olivier, La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - son apport à la protection des droits de l'Homme en Europe - hommage à Silvio MARCUS HELMONS, Bruyant, 2002, 304p, p.219, p.238

647 ibid.

648 supra note 646, TULKENS et CALLEWAERT, p.239

649 RIGAUX, François, Conclusions, in CARLIER, Jean-Yves et De SCHUTTER, Olivier, La charte des droits

fondamentaux de l'Union européenne - son apport à la protection des droits de l'Homme en Europe - hommage à Silvio MARCUS HELMONS, Bruyant, 2002, 304p, p.253, p.258-259

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l'interaction, la confrontation par la coexistence, l'opposition par l'altérité et la réciprocité »

650.

Dans cette perspective de coordination et d'harmonisation entre les deux Cours, un dialogue s'est instauré. « Il y va d'un processus d'interaction (Wechselwirkung), aucun acteur ne pouvant prétendre exercer de suprématie sur tous les autres, l'idée même de suprématie étant, comme celle de souveraineté, incompatible avec une protection effective des droits fondamentaux »651.

Le dialogue entre les juges « correspond à une réalité complexe qui mêle rapports entre deux ordres juridictionnels autonomes et application d'un seul et même droit »652.

Les deux Cours tiennent des rencontres bilatérales depuis une décennie pour permettre une meilleure coopération entre elles. Le fait que les juges de ces deux Cours présentent des discours similaires lors de réunions et de colloques montre qu'un rapprochement certain existe déjà entre elles. « Alors qu'une grande partie de la doctrine a mis l'accent sur la rivalité des cours européennes, c'est l'esprit de coopération qui prévaut à Luxembourg comme à Strasbourg si l'on écoute le discours des juges eux-mêmes »653. En outre, un conflit entre les deux Cours ne ferait qu'affaiblir leur position face aux juridictions nationales, alors même qu'elles ont toutes deux élaboré depuis des décennies une jurisprudence audacieuse qui serait alors remise en cause654. L'évolution du droit et de la construction communautaire vers la protection des droits de l'Homme a conduit à un enchevêtrement du système communautaire et conventionnel655. La séparation entre les deux systèmes peut alors paraître illusoire, Luzius Wildhaber, ancien président de la Cour de Strasbourg, ayant ainsi indiqué que les deux systèmes étaient désormais liés et devaient se développer ensemble656. « Il y a bel et bien une « convergence » entre la Cour européenne des droits de l'homme et la CJCE ainsi qu'une complémentarité entre la Convention et la Charte »657. La faculté des deux Cours à travailler ensemble et à coopérer leur permettra de dépasser les difficultés d'une coexistence des deux systèmes juridiques. En effet, « une guerre

650 supra note 646., TULKENS et CALLEWAERT, p.239

651 supra note 649. RIGAUX, p.262

652 supra note 612, BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.416

653 SHEECK, Laurent, La diplomatie commune des cours européennes, in MBONGO, Pascal et VAUCHEZ, Antoine, Dans la fabrique du droit européen - scènes, acteurs et publics de la Cour de justice des Communautés européennes, collection droit de l'Union européenne, Bruyant, 2009, 254p, p.10, p.109

654 ibid, p.111

655 ibid, p.112

656 ibid.

657 ibid., p.113

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des cours européennes nuirait avant tout aux Cours elles-mêmes »658. La « diplomatie » des Cours européennes et le dialogue des juges qui se sont instaurés entre elles, mais également entre les juridictions nationales, devraient permettre de consolider les ordres juridiques actuels et leur complémentarité659.

L'importance de la volonté des deux Cours européennes d'instaurer un dialogue est primordiale pour une coopération effective et efficace. En effet, des passerelles entre juridictions internationales régionales ont déjà été créées avec succès au sein même de l'Europe, entre la Cour BENELUX et la Cour de Luxembourg. Les Etats membres du BENELUX étant également membres, fondateurs, de l'Union, la Cour BENELUX s'est « sans difficulté aucune considérée comme une « juridiction des Etats membres » au sens de l'article 234 T.CE »660 et utilise donc le renvoi préjudiciel devant la Cour de Luxembourg. Les relations avec la Cour de Luxembourg ont cependant été plus tendues avec la Cour AELE, « Cour morte-née »661. Une procédure d'information a été mise en place entre les deux Cours, mais l'avantage est manifestement donné à la Cour de Luxembourg qui demeure la juridiction d'interprétation du droit de l'Union et qui n'est pas liée aux décisions de l'organisation régionale662.

La Cour de Luxembourg semble jalouse de ses prérogatives, sous la bannière de la préservation de l'autonomie du droit de l'Union 663. Mais tout comme les juridictions nationales, même suprêmes, ont fini par voir dans leur relation avec les Cours européennes une coopération et non une hiérarchisation, l'on peut espérer que les deux Cours suivront le même cheminement664.

Mais, la coopération entre les deux juridictions ne doit pas faire oublier le danger du « suivisme automatique - et donc aveugle - qui perdrait de vue tant le niveau de protection des droits que les particularités propres de chaque système »665. Ainsi, certaines divergences de jurisprudence permettraient un développement des droits, comme nous avons pu le voir, chaque Cour européenne apprenant au contact de la jurisprudence de l'autre.

658 supra note 653, SHEECK, p.137

659 MBONGO, Pascal et VAUCHEZ, Antoine, Dans la fabrique du droit européen - scènes, acteurs et publics de la Cour de justice des Communautés européennes, collection droit de l'Union européenne, Bruyant, 2009, 254p, p.245

660 supra note 551, BURGORGUE-LARSEN

661 ibid

662 ibid

663 ibid

664 ibid

665 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, De l'autonomie de la protection du droit communautaire par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme ?, AJDA, 2009, p.1321

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« Plus qu'une opération juridique, l'adhésion est un état d'esprit »666.

Un ordre juridique européen, applicable aux deux systèmes, est en train de voir le jour. Les différences qui caractérisent les deux systèmes s'estompent au fil du temps. L'espace géographique, même s'il est loin d'être identique, tend à le devenir. Les objectifs et les compétences se rejoignent sur le thème des droits de l'Homme, mais pas uniquement, le Conseil de l'Europe ayant également des activités dans des domaines très variés tel que la culture ou l'environnement667. Enfin, les deux ordres juridictionnels se complètent et s'organisent de plus en plus de façon similaire.

En 2000, le Président de la Cour de Strasbourg, M. Luzius Wildhaber, indiquait, sous l'approbation du Comité des Ministres, que « l'existence de deux systèmes de protection risque d'affaiblir la protection globale offerte et d'entamer la sécurité juridique dans ce domaine »668. La multiplication des catalogues doit s'effectuer dans la maîtrise des différents systèmes et leur coexistence, au risque de ne créer que de l'insécurité juridique.

Il y a un véritable cumul de normes entre la protection conventionnelle, communautaire et nationale. La multiplication des sources de protection des droits de l'Homme est-il une marque de renforcement des droits de l'Homme ? On pourrait en douter, d'autant plus que ces sources s'accompagnent de juridictions de protection spécifique. « Cette omniprésence des libertés, si elle peut paraître rassurante, ne doit pourtant pas conduire à une « inflation » des droits fondamentaux. Une utilisation abusive de ces obligations de protection peut en effet aboutir à une dépréciation des libertés »669. Pourtant, comme nous avons pu l'indiquer, la liste des droits de l'Homme n'est pas extensible à l'infini. Ainsi, les différentes sources proclament les mêmes droits. « Certains craignent alors que cette « prolifération » des droits n'aboutisse à une « désarticulation » du système de protection »670.

666 CALLEWAERT, Johan, Paris, Luxembourg, Strasbourg : trois juges, une discrimination - L'interaction entre les ordres juridiques national, communautaire et conventionnel à l'épreuve de la pratique (en marge de l'arrêt Koua Poirrez), Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2005, n°61, p.159-169, p.169

667 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 944 et suivants

668 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.14

669 Actes du colloque de Caen, 23 février 1996 publiés sous la direction de Constance GREWE, Questions sur le droit européen, Presses Universitaires de Caen, Centre de recherche sur les droits fondamentaux, 1996, 273p, p.187

670 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.520

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Mais « à ceux qui craignent que la multiplication des sources et la pluralité des juges chargés de les appliquer soit un facteur d'insécurité juridique, nous répondrons qu'il s'agit là d'un enrichissement de l'Etat de droit, qui ne craint rien tant que le monopole »671.

L'adhésion de l'Union à la Convention ne pourra être positive pour la protection des droits de l'Homme que si elle est correctement encadrée. Certains auteurs indiquant déjà que « déclarée, la compétition l'est assurément en Europe entre Strasbourg et Luxembourg, entre deux cours dont on sait que l'activité est au Zénith »672.

Mais l'adhésion de l'Union à la Convention est également un enjeu pour la survie des deux organisations européennes. Ainsi, l'on a pu indiquer après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe que l'Union était en manque d'idée et au bout de son processus d'intégration. Mais le Conseil de l'Europe, après le semi échec du Sommet des chefs d'État et de gouvernement à Varsovie en 2005673, est lui aussi à la recherche d'un second souffle, que l'adhésion de l'Union à la Convention pourrait produire.

Le Conseil de l'Europe est conscient de la place que prend le droit de l'Union au sein des Etats membres mais également de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. Ainsi, lors du colloque organisé en 2008, il a été indiqué que

« si nous ne faisons rien, nous risquons d'être dépassés par la Cour européenne de Justice, car la protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne devient plus importante et la Cour européenne de Justice sera appelée à interpréter la Charte par exemple. Même si la Cour européenne de justice continue de renvoyer à la jurisprudence de la Cour, il demeure qu'étant davantage une cour constitutionnelle, ses recours préjudiciels concernant les droits fondamentaux pourraient au bout du compte sembler plus accessibles et plus instructifs pour les juridictions nationales que les décisions de Strasbourg, d'autant qu'ils sont traduits dans toutes les langues officielles des Etats membres »674.

La prise en compte des droits de l'Homme par la Cour de Luxembourg réduit l'influence de la Cour de Strasbourg. En outre, l'élargissement de l'Union, qui compte aujourd'hui plus de la moitié des Hautes Parties du Conseil de l'Europe, pousse le Conseil de l'Europe à renforcer son rôle de protecteur des droits de l'Homme. Hormis son rôle de protecteur des droits de

671 GUYOMAR, Mattias, Les rapports entre droit communautaire, droit de la Convention européenne et droit interne. A propos du secret professionnel des avocats, RFDA, 2008, p.575

672 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille « La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris, Pedone, 2003, 552p, p.203-264

673 COURCELLE, Thibault, Le Conseil de l'Europe et ses limites - L'organisation paneuroéenne en pleine crise identitaire, Hérodote, n°118, La Découverte, 3ème trimestre 2005, p.48-67, p.62-63

674 Direction générale des droits de l'Homme et des affaires juridiques, Conseil de l'Europe, Vers une mise en oeuvre renforcée de la Convention européenne des droits de l'Homme au niveau national, Colloque organisé sous l'égide de la présidence suédoise du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Stockholm, 9-10 juin 2008, 165p, p.78

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l'Homme et de la notoriété de la Cour de Strasbourg, le Conseil de l'Europe est méconnu des citoyens européens et se confond régulièrement à leurs yeux avec l'Union elle-même675.

Mais l'adhésion de l'Union à la Convention risque d'être difficilement gérable pour la Cour de Strasbourg. « Pour louable et estimable qu'il soit, ce projet n'en reste pas moins inutile sinon abstrus en l'état de saturation actuelle de la Cour de Strasbourg »676. Bien que le protocole n°14 soit entré en vigueur, il faudra du temps pour désengorger la Cour de Strasbourg, et l'expérience de la révision de la procédure par le protocole n°11 montre que les résultats attendus ne seront peut être qu'illusoires. Une adhésion de l'Union ne ferait qu'accentuer cette situation. Quelle serait alors l'utilité d'une adhésion si le jugement n'ait prononcé que des années après la saisine. « Si cela devait se faire, il faudrait plutôt envisager un sérieux concours de l'Union pour que celle-ci vienne plutôt en aide à la Cour européenne »677. En viendrait-on à envisager une adhésion non pas dans l'intérêt de l'Union mais dans celui de la Convention et de la Cour de Strasbourg ? Ainsi, l'adhésion ne serait qu'une « béquille, un secours ou une aide matérielle, que pourrait certainement procurer l'Union au Conseil de l'Europe, qui en éprouve indéniablement un cruel besoin, pour remédier aux dysfonctionnements d'une Cour européenne n'étant plus à même de servir les fins pour lesquelles elle a été créée »678.

Certains auteurs voient, dans l'élaboration d'un droit de l'Homme communautaire, la fin de la Convention et de son système de protection679. A moins que cette adhésion de l'Union à la Convention ne soit que le début d'une « intégration beaucoup plus complète des deux ordres qui trouve, à notre époque, ses limites dans des considérations politiques et d'organisation d'échelles »680. Guy Braibant remarque ainsi que « la prochaine étape du progrès des droits de l'homme ou des droits fondamentaux, sera peut-être constituée par la fusion de la Convention et de la Charte en un texte unique. Dans un demi-siècle ? »681. Pour reprendre les termes de Jean-Paul Costa, « l'Europe est condamnée à s'unir, à bref délai »682.

675 surpa note 673, COURCELLE

676 BOCCARA, David, Faut-il que l'Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l'homme ? Mal étreint qui trop embrasse..., Recueil Dalloz, 2006, p.1343

677 supra note 674, BOCCARA

678 ibid

679 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.8

680 op. Cit. BOCCARA

681 BRAIBANT, Guy, De la Convention européenne des droits de l'Homme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.327, p.333

682 COHEN-JONATHAN, Gérard, Les rapports entre le système de l'Union européenne et la Convention européenne des droits de l'Homme - table ronde, in COHEN-JONATHAN, Gérard, DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Constitution européenne, démocratie et droits de l'Homme, Droit et justice n°47, Bruyant-Nemesis, 2003, 307p, p.261, p.275

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Le double standard de protection pouvant se mettre en place entre la protection des droits fondamentaux au niveau du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne ne doit pas faire oublier que les Etats eux-mêmes ont une compétence accrue dans ce domaine. Nous ne sommes donc plus en présence d'un double standard mais d'un triple, comme les réactions des différentes Cours constitutionnelles des Etats membres ont pu le démontrer dans le passé. « L'efficacité supérieure de certains mécanismes de protection nationaux plaide aussi dans le sens de leur maintien pour assurer une garantie effective du respect des droits fondamentaux que n'assure pas au même degré le système de la Convention européenne des droits de l'homme »683. En outre, la Convention et la Charte sont des instruments de protection minimum des droits de l'Homme, les droits nationaux pouvant être plus protecteurs.

« Il est évident que l'existence d'un système national développé de protection des droits est de nature à réduire l'importance des systèmes extérieurs et particulièrement de celui de la Convention européenne des droits de l'homme qui ne sera amené à intervenir qu'en cas de dysfonctionnement du système national »684.

De plus, ce qui se joue en Europe pourrait avoir un impact au sein des autres juridictions internationales régionales, notamment en Afrique et en Amérique latine, « car « nulle cloison étanche » ne séparer la sphère économique [...] de la sphère de la protection des droits »685. Ceci est d'autant plus vrai que les organisations purement économiques évoluent vers la prise en compte des droits de l'Homme, le modèle de l'Union le démontre, tout comme celui de la Charte Andine de Promotion et de Protection des Droits de l'homme686 de la Communauté andine.

683 RIDEAU, Joël, La coexistence des systèmes de protection des droits fondamentaux dans la Communauté

européenne et ses Etats membres, Annuaire international de justice constitutionnelle, 1991, p11, p.33

684 ibid.

685 supra note 672, BURGORGUE-LARSEN

686 Carta Andina para la Promoción y Protección de los Derechos Humanos, adoptée le 26 juillet 2002

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King