Section 2. La coordination des deux juridictions
européennes par le dialogue et la diplomatie
Les divergences de jurisprudence entre les deux Cours sont
réelles mais ne doivent pas être accentuées. Ainsi, dans
l'arrêt Hoechst641, la Cour de Luxembourg a
effectué une interprétation différente de l'article 8 de
la Convention.
Par contre, il est
« inexact d'affirmer que la Charte européenne
des droits fondamentaux de l'Union accroît les risques de divergence de
jurisprudence entre les deux cours. Les dispositions de la Charte relatives
à la Convention témoignent au contraire de la volonté
d'aménager la coexistence entre les deux instruments dans le respect de
la Convention »642.
En outre, les dispositions de la Charte sont plus vastes que
celles de la Convention, la Charte intégrant des droits
spécifiques aux citoyens de l'Union qui n'existent pas dans le cadre de
la Convention. De plus, l'existence de deux systèmes de protection des
droits de l'Homme est antérieure à l'élaboration de la
Charte. L'Union protégeait en effet les droits fondamentaux en se
référant à la Convention643.
Par la mise en place des principes généraux du
droit, la Cour de Luxembourg « a tranché en faveur d'une
autonomisation du système communautaire de protection par rapport
à celui de Strasbourg »644, ce qui ouvrait la voie
aux conflits avec cette juridiction. La Cour de Luxembourg a cependant
tenté de limiter cette conséquence en se référant
directement à la Convention.
La Cour de Luxembourg, soutenue par la suite par le droit
primaire de l'Union, s'est appropriée la Convention et a, dans la
majorité des cas, appliqué l'interprétation qui en
était faite par la Cour de Strasbourg. Mais cette appropriation de la
jurisprudence de l'autre ordre juridique a également eu lieu dans le
sens inverse. Ainsi, la Cour de Strasbourg s'est référée
à la
641 CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst,
Rec.p.2859
642 supra note 552, BENOIT-ROHMER
643 ibid.
644 supra note 525, GAUTRON, p.5
118
jurisprudence communautaire, et notamment à la Charte.
La Cour de Strasbourg s'efforce ainsi de prendre en considération les
particularités du droit de l'Union et de l'Union. «
Contrairement à certaines visions simplificatrices, la circulation des
raisonnements juridiques s'est opérée dans les deux sens, et
l'acculturation juridique entre Strasbourg et Luxembourg a été
réciproque »645.
La question de la hiérarchie entre les deux Cours doit
se poser dans le contexte de l'ordre juridique. Il existe deux types d'ordre
juridique ; moniste et pluraliste. Nous suivrons ici le raisonnement de
Françoise Tulkens646, juge à la Cour de Strasbourg.
Dans une conception moniste, une seule Cour se trouve au
sommet de l'ordre juridique. Les deux Europes que composent l'Union et le
Conseil de l'Europe ne sont pas encore prêtes à être
fusionnées pour ne former qu'une et même entité où
la Cour de Luxembourg pourrait prendre la tête de l'ensemble. En effet,
le territoire des deux organismes est loin d'être similaire. En outre, la
voie de la sécession de l'ordre juridique communautaire à celui
conventionnel doit être écartée, l'Union ayant la
volonté d'adhérer à la Convention. Cette adhésion
devrait créer une « absorption »647 de la
Cour de Luxembourg par la Cour de Strasbourg. Cet effet de l'adhésion ne
semble pourtant pas être la volonté de l'Union, et encore moins de
la Cour de Luxembourg.
Si on aborde la conception pluraliste de l'ordre juridique, la
coexistence entre les différents ordres doit exister. « Dans le
domaine de la protection des droits de l'homme, le pluralisme est un fait, une
réalité »648. Il y a en premier lieu
plusieurs textes de protection des droits de l'Homme, l'Europe étant un
modèle de pluralisme avec des textes nationaux de protection, la Charte
et la Convention. En second lieu, il existe plusieurs juridictions de
protection des droits de l'Homme, les juges nationaux, la Cour de Strasbourg et
la Cour de Luxembourg. Le pluralisme permet ainsi de « distinguer non
seulement une multiplicité d'ordres juridiques mais aussi la
diversité de leurs structures »649.
La conception pyramidale de l'ordre juridique se transforme en
réseau juridique pour permettre la protection des droits de l'Homme.
« Dans cette perspective du réseau, la hiérarchie est
remplacée par l'alternance, la subordination par la coordination, la
linéarité par
645 supra note 600, SIMON, p44
646 TULKENS, Françoise et CALLEWAERT, Johan, Le point
de vue de la Cour européenne des droits de l'Homme,
in CARLIER, Jean-Yves et De SCHUTTER, Olivier, La
charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - son apport
à la protection des droits de l'Homme en Europe - hommage à
Silvio MARCUS HELMONS, Bruyant, 2002, 304p, p.219, p.238
647 ibid.
648 supra note 646, TULKENS et CALLEWAERT, p.239
649 RIGAUX, François, Conclusions, in
CARLIER, Jean-Yves et De SCHUTTER, Olivier, La charte des
droits
fondamentaux de l'Union européenne - son apport
à la protection des droits de l'Homme en Europe - hommage à
Silvio MARCUS HELMONS, Bruyant, 2002, 304p, p.253, p.258-259
119
l'interaction, la confrontation par la coexistence,
l'opposition par l'altérité et la réciprocité
»
650.
Dans cette perspective de coordination et d'harmonisation
entre les deux Cours, un dialogue s'est instauré. « Il y va
d'un processus d'interaction (Wechselwirkung), aucun acteur ne pouvant
prétendre exercer de suprématie sur tous les autres,
l'idée même de suprématie étant, comme celle de
souveraineté, incompatible avec une protection effective des droits
fondamentaux »651.
Le dialogue entre les juges « correspond à une
réalité complexe qui mêle rapports entre deux ordres
juridictionnels autonomes et application d'un seul et même droit
»652.
Les deux Cours tiennent des rencontres bilatérales
depuis une décennie pour permettre une meilleure coopération
entre elles. Le fait que les juges de ces deux Cours présentent des
discours similaires lors de réunions et de colloques montre qu'un
rapprochement certain existe déjà entre elles. « Alors
qu'une grande partie de la doctrine a mis l'accent sur la rivalité des
cours européennes, c'est l'esprit de coopération qui
prévaut à Luxembourg comme à Strasbourg si l'on
écoute le discours des juges eux-mêmes »653.
En outre, un conflit entre les deux Cours ne ferait qu'affaiblir leur position
face aux juridictions nationales, alors même qu'elles ont toutes deux
élaboré depuis des décennies une jurisprudence audacieuse
qui serait alors remise en cause654. L'évolution du droit et
de la construction communautaire vers la protection des droits de l'Homme a
conduit à un enchevêtrement du système communautaire et
conventionnel655. La séparation entre les deux
systèmes peut alors paraître illusoire, Luzius Wildhaber, ancien
président de la Cour de Strasbourg, ayant ainsi indiqué que les
deux systèmes étaient désormais liés et devaient se
développer ensemble656. « Il y a bel et bien une
« convergence » entre la Cour européenne des droits de l'homme
et la CJCE ainsi qu'une complémentarité entre la Convention et la
Charte »657. La faculté des deux Cours à
travailler ensemble et à coopérer leur permettra de
dépasser les difficultés d'une coexistence des deux
systèmes juridiques. En effet, « une guerre
650 supra note 646., TULKENS et CALLEWAERT, p.239
651 supra note 649. RIGAUX, p.262
652 supra note 612, BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.416
653 SHEECK, Laurent, La diplomatie commune des cours
européennes, in MBONGO, Pascal et VAUCHEZ, Antoine, Dans la
fabrique du droit européen - scènes, acteurs et publics de la
Cour de justice des Communautés européennes, collection droit de
l'Union européenne, Bruyant, 2009, 254p, p.10, p.109
654 ibid, p.111
655 ibid, p.112
656 ibid.
657 ibid., p.113
120
des cours européennes nuirait avant tout aux Cours
elles-mêmes »658. La « diplomatie » des
Cours européennes et le dialogue des juges qui se sont instaurés
entre elles, mais également entre les juridictions nationales, devraient
permettre de consolider les ordres juridiques actuels et leur
complémentarité659.
L'importance de la volonté des deux Cours
européennes d'instaurer un dialogue est primordiale pour une
coopération effective et efficace. En effet, des passerelles entre
juridictions internationales régionales ont déjà
été créées avec succès au sein même de
l'Europe, entre la Cour BENELUX et la Cour de Luxembourg. Les Etats membres du
BENELUX étant également membres, fondateurs, de l'Union, la Cour
BENELUX s'est « sans difficulté aucune considérée
comme une « juridiction des Etats membres » au sens de l'article 234
T.CE »660 et utilise donc le renvoi préjudiciel
devant la Cour de Luxembourg. Les relations avec la Cour de Luxembourg ont
cependant été plus tendues avec la Cour AELE, « Cour
morte-née »661. Une procédure d'information
a été mise en place entre les deux Cours, mais l'avantage est
manifestement donné à la Cour de Luxembourg qui demeure la
juridiction d'interprétation du droit de l'Union et qui n'est pas
liée aux décisions de l'organisation
régionale662.
La Cour de Luxembourg semble jalouse de ses
prérogatives, sous la bannière de la préservation de
l'autonomie du droit de l'Union 663. Mais tout comme les
juridictions nationales, même suprêmes, ont fini par voir dans leur
relation avec les Cours européennes une coopération et non une
hiérarchisation, l'on peut espérer que les deux Cours suivront le
même cheminement664.
Mais, la coopération entre les deux juridictions ne
doit pas faire oublier le danger du « suivisme automatique - et donc
aveugle - qui perdrait de vue tant le niveau de protection des droits que les
particularités propres de chaque système
»665. Ainsi, certaines divergences de jurisprudence
permettraient un développement des droits, comme nous avons pu le voir,
chaque Cour européenne apprenant au contact de la jurisprudence de
l'autre.
658 supra note 653, SHEECK, p.137
659 MBONGO, Pascal et VAUCHEZ, Antoine, Dans la fabrique
du droit européen - scènes, acteurs et publics de la Cour de
justice des Communautés européennes, collection droit de
l'Union européenne, Bruyant, 2009, 254p, p.245
660 supra note 551, BURGORGUE-LARSEN
661 ibid
662 ibid
663 ibid
664 ibid
665 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, De l'autonomie de la
protection du droit communautaire par rapport à la Convention
européenne des droits de l'homme ?, AJDA, 2009, p.1321
121
« Plus qu'une opération juridique,
l'adhésion est un état d'esprit »666.
Un ordre juridique européen, applicable aux deux
systèmes, est en train de voir le jour. Les différences qui
caractérisent les deux systèmes s'estompent au fil du temps.
L'espace géographique, même s'il est loin d'être identique,
tend à le devenir. Les objectifs et les compétences se rejoignent
sur le thème des droits de l'Homme, mais pas uniquement, le Conseil de
l'Europe ayant également des activités dans des domaines
très variés tel que la culture ou l'environnement667.
Enfin, les deux ordres juridictionnels se complètent et s'organisent de
plus en plus de façon similaire.
En 2000, le Président de la Cour de Strasbourg, M.
Luzius Wildhaber, indiquait, sous l'approbation du Comité des Ministres,
que « l'existence de deux systèmes de protection risque
d'affaiblir la protection globale offerte et d'entamer la
sécurité juridique dans ce domaine »668. La
multiplication des catalogues doit s'effectuer dans la maîtrise des
différents systèmes et leur coexistence, au risque de ne
créer que de l'insécurité juridique.
Il y a un véritable cumul de normes entre la protection
conventionnelle, communautaire et nationale. La multiplication des sources de
protection des droits de l'Homme est-il une marque de renforcement des droits
de l'Homme ? On pourrait en douter, d'autant plus que ces sources
s'accompagnent de juridictions de protection spécifique. «
Cette omniprésence des libertés, si elle peut paraître
rassurante, ne doit pourtant pas conduire à une « inflation »
des droits fondamentaux. Une utilisation abusive de ces obligations de
protection peut en effet aboutir à une dépréciation des
libertés »669. Pourtant, comme nous avons pu
l'indiquer, la liste des droits de l'Homme n'est pas extensible à
l'infini. Ainsi, les différentes sources proclament les mêmes
droits. « Certains craignent alors que cette «
prolifération » des droits n'aboutisse à une «
désarticulation » du système de protection
»670.
666 CALLEWAERT, Johan, Paris, Luxembourg, Strasbourg : trois
juges, une discrimination - L'interaction entre les ordres juridiques national,
communautaire et conventionnel à l'épreuve de la pratique (en
marge de l'arrêt Koua Poirrez), Revue trimestrielle de droits de
l'Homme, 2005, n°61, p.159-169, p.169
667 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de
l'Union européenne, 2ème édition, 2007,
Sirey, édition Dalloz, 475p, point 944 et suivants
668 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition
pour la création d'un système cohérent de protection des
droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme,
30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.14
669 Actes du colloque de Caen, 23 février 1996
publiés sous la direction de Constance GREWE, Questions sur le droit
européen, Presses Universitaires de Caen, Centre de recherche sur
les droits fondamentaux, 1996, 273p, p.187
670 CORREARD, Valérie, Constitution européenne
et protection des droits fondamentaux : vers une complexité
annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006,
n°2, p501, p.520
122
Mais « à ceux qui craignent que la
multiplication des sources et la pluralité des juges chargés de
les appliquer soit un facteur d'insécurité juridique, nous
répondrons qu'il s'agit là d'un enrichissement de l'Etat de
droit, qui ne craint rien tant que le monopole »671.
L'adhésion de l'Union à la Convention ne pourra
être positive pour la protection des droits de l'Homme que si elle est
correctement encadrée. Certains auteurs indiquant déjà que
« déclarée, la compétition l'est
assurément en Europe entre Strasbourg et Luxembourg, entre deux cours
dont on sait que l'activité est au Zénith
»672.
Mais l'adhésion de l'Union à la Convention est
également un enjeu pour la survie des deux organisations
européennes. Ainsi, l'on a pu indiquer après l'échec du
Traité établissant une Constitution pour l'Europe que l'Union
était en manque d'idée et au bout de son processus
d'intégration. Mais le Conseil de l'Europe, après le semi
échec du Sommet des chefs d'État et de gouvernement à
Varsovie en 2005673, est lui aussi à la recherche d'un second
souffle, que l'adhésion de l'Union à la Convention pourrait
produire.
Le Conseil de l'Europe est conscient de la place que prend le
droit de l'Union au sein des Etats membres mais également de la
jurisprudence de la Cour de Luxembourg. Ainsi, lors du colloque organisé
en 2008, il a été indiqué que
« si nous ne faisons rien, nous risquons d'être
dépassés par la Cour européenne de Justice, car la
protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne devient
plus importante et la Cour européenne de Justice sera appelée
à interpréter la Charte par exemple. Même si la Cour
européenne de justice continue de renvoyer à la jurisprudence de
la Cour, il demeure qu'étant davantage une cour constitutionnelle, ses
recours préjudiciels concernant les droits fondamentaux pourraient au
bout du compte sembler plus accessibles et plus instructifs pour les
juridictions nationales que les décisions de Strasbourg, d'autant qu'ils
sont traduits dans toutes les langues officielles des Etats membres
»674.
La prise en compte des droits de l'Homme par la Cour de
Luxembourg réduit l'influence de la Cour de Strasbourg. En outre,
l'élargissement de l'Union, qui compte aujourd'hui plus de la
moitié des Hautes Parties du Conseil de l'Europe, pousse le Conseil de
l'Europe à renforcer son rôle de protecteur des droits de l'Homme.
Hormis son rôle de protecteur des droits de
671 GUYOMAR, Mattias, Les rapports entre droit communautaire,
droit de la Convention européenne et droit interne. A propos du secret
professionnel des avocats, RFDA, 2008, p.575
672 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional
dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille
« La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris,
Pedone, 2003, 552p, p.203-264
673 COURCELLE, Thibault, Le Conseil de l'Europe et ses limites
- L'organisation paneuroéenne en pleine crise identitaire,
Hérodote, n°118, La Découverte,
3ème trimestre 2005, p.48-67, p.62-63
674 Direction générale des droits de l'Homme et
des affaires juridiques, Conseil de l'Europe, Vers une mise en oeuvre
renforcée de la Convention européenne des droits de l'Homme au
niveau national, Colloque organisé sous l'égide de la
présidence suédoise du Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe, Stockholm, 9-10 juin 2008, 165p, p.78
123
l'Homme et de la notoriété de la Cour de
Strasbourg, le Conseil de l'Europe est méconnu des citoyens
européens et se confond régulièrement à leurs yeux
avec l'Union elle-même675.
Mais l'adhésion de l'Union à la Convention
risque d'être difficilement gérable pour la Cour de Strasbourg.
« Pour louable et estimable qu'il soit, ce projet n'en reste pas moins
inutile sinon abstrus en l'état de saturation actuelle de la Cour de
Strasbourg »676. Bien que le protocole n°14 soit
entré en vigueur, il faudra du temps pour désengorger la Cour de
Strasbourg, et l'expérience de la révision de la procédure
par le protocole n°11 montre que les résultats attendus ne seront
peut être qu'illusoires. Une adhésion de l'Union ne ferait
qu'accentuer cette situation. Quelle serait alors l'utilité d'une
adhésion si le jugement n'ait prononcé que des années
après la saisine. « Si cela devait se faire, il faudrait
plutôt envisager un sérieux concours de l'Union pour que celle-ci
vienne plutôt en aide à la Cour européenne
»677. En viendrait-on à envisager une
adhésion non pas dans l'intérêt de l'Union mais dans celui
de la Convention et de la Cour de Strasbourg ? Ainsi, l'adhésion ne
serait qu'une « béquille, un secours ou une aide
matérielle, que pourrait certainement procurer l'Union au Conseil de
l'Europe, qui en éprouve indéniablement un cruel besoin, pour
remédier aux dysfonctionnements d'une Cour européenne
n'étant plus à même de servir les fins pour lesquelles elle
a été créée »678.
Certains auteurs voient, dans l'élaboration d'un droit
de l'Homme communautaire, la fin de la Convention et de son système de
protection679. A moins que cette adhésion de l'Union à
la Convention ne soit que le début d'une « intégration
beaucoup plus complète des deux ordres qui trouve, à notre
époque, ses limites dans des considérations politiques et
d'organisation d'échelles »680. Guy Braibant
remarque ainsi que « la prochaine étape du progrès des
droits de l'homme ou des droits fondamentaux, sera peut-être
constituée par la fusion de la Convention et de la Charte en un texte
unique. Dans un demi-siècle ? »681. Pour reprendre
les termes de Jean-Paul Costa, « l'Europe est condamnée
à s'unir, à bref délai »682.
675 surpa note 673, COURCELLE
676 BOCCARA, David, Faut-il que l'Union européenne
adhère à la Convention européenne des droits de l'homme ?
Mal étreint qui trop embrasse..., Recueil Dalloz, 2006,
p.1343
677 supra note 674, BOCCARA
678 ibid
679 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos
Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.8
680 op. Cit. BOCCARA
681 BRAIBANT, Guy, De la Convention européenne des
droits de l'Homme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne, in « Mélange en hommage au Doyen
Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance
», volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.327, p.333
682 COHEN-JONATHAN, Gérard, Les rapports entre le
système de l'Union européenne et la Convention européenne
des droits de l'Homme - table ronde, in COHEN-JONATHAN, Gérard,
DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Constitution européenne,
démocratie et droits de l'Homme, Droit et justice n°47,
Bruyant-Nemesis, 2003, 307p, p.261, p.275
124
Le double standard de protection pouvant se mettre en place
entre la protection des droits fondamentaux au niveau du Conseil de l'Europe et
de l'Union européenne ne doit pas faire oublier que les Etats
eux-mêmes ont une compétence accrue dans ce domaine. Nous ne
sommes donc plus en présence d'un double standard mais d'un triple,
comme les réactions des différentes Cours constitutionnelles des
Etats membres ont pu le démontrer dans le passé. «
L'efficacité supérieure de certains mécanismes de
protection nationaux plaide aussi dans le sens de leur maintien pour assurer
une garantie effective du respect des droits fondamentaux que n'assure pas au
même degré le système de la Convention européenne
des droits de l'homme »683. En outre, la Convention et la
Charte sont des instruments de protection minimum des droits de l'Homme, les
droits nationaux pouvant être plus protecteurs.
« Il est évident que l'existence d'un
système national développé de protection des droits est de
nature à réduire l'importance des systèmes
extérieurs et particulièrement de celui de la Convention
européenne des droits de l'homme qui ne sera amené à
intervenir qu'en cas de dysfonctionnement du système national
»684.
De plus, ce qui se joue en Europe pourrait avoir un impact au
sein des autres juridictions internationales régionales, notamment en
Afrique et en Amérique latine, « car « nulle cloison
étanche » ne séparer la sphère économique
[...] de la sphère de la protection des droits
»685. Ceci est d'autant plus vrai que les organisations
purement économiques évoluent vers la prise en compte des droits
de l'Homme, le modèle de l'Union le démontre, tout comme celui de
la Charte Andine de Promotion et de Protection des Droits de
l'homme686 de la Communauté andine.
683 RIDEAU, Joël, La coexistence des systèmes de
protection des droits fondamentaux dans la Communauté
européenne et ses Etats membres, Annuaire
international de justice constitutionnelle, 1991, p11, p.33
684 ibid.
685 supra note 672, BURGORGUE-LARSEN
686 Carta Andina para la Promoción y Protección de
los Derechos Humanos, adoptée le 26 juillet 2002
125
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