Titre 2. Une dualité de systèmes
juridiques européens préjudicielle aux citoyens ?
La construction communautaire a conduit progressivement
l'Union à prendre en compte également les droits de l'Homme. La
Cour de Luxembourg a donc progressivement élaboré un catalogue de
principes généraux du droit de l'Union et s'est reconnue
compétente dans ce domaine. Une interaction des deux juridictions est
donc apparue [Chapitre 1], s'accentuant au fil du temps et risquant de se
développer avec l'entrée en vigueur de la Charte521.
Au contraire, pour d'autres auteurs, les interférences entres les deux
systèmes ont souvent été accentuées à tord,
et l'adhésion permettra de renforcer la liaison entre les deux
juridictions [Chapitre 2].
Chapitre 1. Deux juridictions supranationales reconnues
compétentes pour protéger les droits de l'Homme
La Cour de Strasbourg est un modèle pour la protection
des droits de l'Homme, tant en Europe que dans le monde522. Elle a
été spécialement conçue pour faire respecter la
Convention, et sa jurisprudence évolutive a permis à ce texte
d'évoluer et de s'adapter aux évolutions de la
société. Son rôle pour la protection des droits de l'Homme
en Europe n'est donc plus à démontrer. En effet, « si le
droit européen des droits de l'homme a pris l'importance
considérable qu'on lui reconnaît aujourd'hui, c'est très
certainement en raison de l'existence de la Cour EDH, chargée d'assurer
le respect de la Convention EDH»523.
Pour sa part, bien que la Cour de Luxembourg n'ait pas
été créée spécifiquement pour
protéger les droits de l'Homme, contrairement à la Cour de
Strasbourg, les affaires portées devant sa juridiction l'ont conduite
à mettre en place un système de protection des droits de l'Homme.
Ainsi, les deux juridictions européennes se retrouvent en partie en
concurrence sur ce domaine [Section 1]. L'évolution de leurs
procédures respectives a notamment permis de prendre
521 COHEN-JONATHAN, Gérard, Les rapports entre le
système de l'Union européenne et la Convention européenne
des droits de l'Homme - table ronde, in COHEN-JONATHAN, Gérard,
DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Constitution européenne,
démocratie et droits de l'Homme, Droit et justice n°47,
Bruyant-Nemesis, 2003, 307p, p.261, p.262
522 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition
pour la création d'un système cohérent de protection des
droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme,
30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.9 ; FLAUSS, Jean-François,
Le droit international général dans la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'Homme, in COHEN-JONATHAN,
Gérard et FLAUSS, Jean-François, Droit international, droits
de l'Homme et juridictions internationales, collection droit et justice
55, Bruyant et Nemesis, 2004, 152p, p.73, p.73
523 BONFILS, Philippe, L'absence d'effet direct des
arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en
matière civile, La Semaine Juridique Edition Générale
n° 51, 21 Décembre 2005, II 10180
97
en compte plus spécifiquement la protection des
individus en leur permettant d'accéder aux prétoires
européens [Section 2].
Section 1. L'accentuation des compétences de la
Cour de Luxembourg dans le domaine de la protection des droits fondamentaux
La Cour de Luxembourg, tout comme toutes les institutions de
l'Union, est soumise au principe de l'attribution des compétences par le
Traité, l'article 4 §1 TUE le réaffirmant. «
L'ajout de cette disposition reflète bien la méfiance de
certains Etats membres d'une Cour trop « activiste »
»524.
Le Traité d'Amsterdam avait permis d'étendre les
compétences de la Cour de Luxembourg, une adhésion à la
Convention ayant été exclue. La Cour devenait ainsi
compétente pour des domaines sensibles, susceptibles d'avoir un impact
sur le droit des personnes. Ainsi, le domaine de l'asile, des visas et de la
libre circulation des personnes entraient dans le champ d'action de la Cour de
Luxembourg. « Or il s'agit de questions susceptibles de donner lieu
à des recours devant la Cour européenne des droits de l'homme
»525. Une disposition était ajoutée au
Traité d'Amsterdam pour éviter tout risque de concurrence entre
les deux Cours, en limitant l'action de la Cour de Luxembourg ;
« la Cour de justice n'est pas compétente pour
vérifier la validité ou la proportionnalité
d'opérations menées par la police ou d'autres services
répressifs dans un État membre, ni pour statuer sur l'exercice
des responsabilités qui incombent aux États membres pour le
maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité
intérieure. »526
Le Traité de Lisbonne a permis de continuer ce
processus d'extension des compétences de la Cour de Luxembourg. La
suppression de l'organisation de l'Union en trois piliers donne
compétence à la Cour de Luxembourg pour traiter de tous les
domaines de compétence de l'Union527.
L'article 19 TUE étend la compétence de la Cour
de Luxembourg à tous les domaines de l'Union, et donc à l'ancien
troisième pilier. Cependant, l'article 24§1 alinéa 2 dispose
que
« la Cour de justice de l'Union européenne
n'est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à
l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de
l'article
524 VAN DER JEUGHT, Stefaan, Le Traité de Lisbonne et
la Cour de justice de l'Union européenne, Journal de droit
européen, 1 décembre 2009, n°164, p.297-303, p.300
525 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos
Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.49
526 Article 35 §5 Traité d'Amsterdam
527 Article 263 TFUE
98
40 du présent traité et pour contrôler
la légalité de certaines décisions visées à
l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne ».
Désormais, la Cour de Luxembourg est compétente
pour répondre aux domaines du Titre IV TUE relatif aux visas, asile et
immigration. Mais elle se voit cependant limitée dans son action. Ainsi,
l'article 275 TUE permet aux « personnes ou entités objet de
sanctions intelligentes d'invoquer leurs droits fondamentaux devant le juge
européen »528. Il n'en demeure pas moins que dans
le cadre délicat des opérations de police, la Cour de Luxembourg
n'est pas compétente pour contrôler la proportionnalité des
opérations accomplies. « Cette disposition exprime clairement
le souhait des Etats membres que l'Union européenne respecte les
fonctions essentielles de l'État, à savoir l'ordre public et la
sécurité nationale »529. Ainsi, dans ce
domaine précis, l'adhésion de l'Union à la Convention
semble être pour certains auteurs « le seul moyen d'assurer une
protection juridique exhaustive des citoyens, jusque dans le domaine
particulièrement sensible au regard des droits de l'homme que constitue
la coopération policière et judiciaire »530.
Cette adhésion, si elle s'effectue rapidement, sera d'autant plus
profitable qu'une période de transition de cinq ans a été
prévue par le protocole n°36. Ainsi, la Cour de Luxembourg, en
matière de coopération policière et judiciaire en
matière pénale, demeure limitée dans ses
compétences antérieures lorsque les actes ont été
pris avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. La
Commission ne pourra pas, durant cette période de transition, effectuer
de recours devant la Cour de Luxembourg dans ce domaine. Mais les actes pris,
ou modifiés, après l'entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne pourront être portés à la Cour de Luxembourg.
De plus, la Cour de Luxembourg est compétente pour
« vérifier si la mise en oeuvre de la PESC n'affecte pas les
autres compétences de l'Union ou inversement »531
et pour « « contrôle[r] la légalité
» des décisions adoptées dans ce cadre quand celles-ci
comportent des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques
ou morales (article 275 TFUE) »532. Elle obtient ainsi une
compétence, certes limitée, dans ce domaine.
528 RIDEAU, Joël, La protection des droits
fondamentaux dans l'Union européenne - perspectives ouvertes par le
traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes,
2007/2008, n°2, p185-207, p.201
529 supra note 524, Van Der JEUGHT, p.302
530 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition
pour la création d'un système cohérent de protection des
droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme,
30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.11
531 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Jurisprudence
européenne comparée (2005), Revue du Droit Public, 1
juillet 2006, n°4, p.1106-1142, p.516
532 Le Traité de Lisbonne, Courrier hebdomadaire
2007/1976-1977, n°1976-1977, p.5-83, p.62
99
Aujourd'hui, la Cour de Luxembourg peut également
connaître de la conformité des actes du Conseil européen
vis-à-vis des Traités, conformément à l'article 269
TFUE, celui-ci étant devenu une institution. De plus, elle pourra
contrôler la validité des actes des agences de l'Union. Enfin, la
Cour de Luxembourg peut désormais être saisie par le Comité
des Régions533.
L'Union a instauré également un système
de saisine de la Cour de Luxembourg par les institutions contre d'autres
institutions. La frilosité des Etats à mettre en cause un autre
État pour des questions diplomatiques est ici totalement effacée,
les institutions n'hésitant pas à saisir la Cour de
Luxembourg.
Dès 1984, au sein du projet
Spinelli534, le Parlement européen demandait la mise
en place d'un recours spécifique pour la protection des droits de
l'Homme. Cette voie a été soutenue par la Cour de Luxembourg en
1995, permettant de renforcer la protection des droits de l'Homme alors
même que l'Union n'avait pas pour compétence ni objectif direct
les droits de l'Homme. Pourtant, si un tel recours était aujourd'hui mis
en place, il est certain qu'une réelle concurrence aurait lieu entre les
deux juridictions européennes.
Cette option a finalement été
écartée. Ceci s'explique notamment par le fait que les droits
fondamentaux au sein de l'Union sont étroitement liés aux autres
domaines d'action de l'Union. Il serait donc difficile de distinguer un moyen
tiré de la violation d'un droit fondamental de celui tiré d'une
liberté économique. Pourtant, une solution serait « de
limiter ce recours spécifique aux dispositions de la Charte. Ainsi,
seuls les droits et libertés garantis par la Charte seraient
acceptés comme moyen utile ouvrant droit à ce recours
spécial »535.
Mais, la mise en place d'un recours spécifique devant
la Cour de Luxembourg ne semble pas adéquate « car cela
pourrait perturber de nombreux équilibres qui ont été mis
en place au fil du temps. Au sein même de l'ordre communautaire,
l'organisation même de la justice pourrait pâtir d'une telle
réforme »536. Ceci conduirait également
à une autonomie de la protection des droits de l'Homme au sein de
l'Union. Or, un contrôle externe est toujours
préférable537. « A l'évidence, la
garantie des droits de l'Homme doit se réaliser, pour être
crédible, sous le contrôle d'une instance internationale assumant
le rôle du tiers objectif et indépendant
»538, ce que représente la Cour de Strasbourg.
533 Article 263 §3 TFUE
534 Projet Spinelli du Parlement européen, 12
avril 1984, JOCE C 77
535 CORREARD, Valérie, Constitution européenne
et protection des droits fondamentaux : vers une complexité
annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006,
n°2, p501, p.516
536 RENUCCI, Jean-François, Traité de droit
européen des droits de l'Homme, LGDJ, 2007, 1135p, p.962
537 ibid, p.962
538 ibid, p.951
100
« La non-adhésion aboutit en outre à
des situations pour le moins curieuses, les citoyens européens
étant désormais démunis devant des actes communautaires
violant leurs droits fondamentaux, alors que lorsque ces compétences
appartenaient aux Etats, ils avaient un recours devant la Cour
européenne »539.
Mais y aurait-il encore utilité à adhérer
à la Convention dans le cas de la création d'un recours
spécifique pour la protection des droits fondamentaux ? Oui, car
l'adhésion n'a pas pour unique but de mettre en place un recours
spécifique pour la protection des droits de l'Homme, mais bien de
soumettre le système communautaire à un juge externe et de
favoriser la cohérence entre les deux Cours. De plus la Charte
consacrant le droit à un recours effectif, l'Union doit permettre un tel
recours au sein même de son système. Il faut rappeler
également que « la Convention européenne des droits de
l'homme est en effet un mécanisme subsidiaire qui a uniquement vocation
à compléter les garanties mises en place par les systèmes
juridiques internes »540.
« L'absence de recours spécifique pourrait
inciter à l'externalisation des recours en matière de droits et
libertés fondamentaux notamment dirigés vers la Convention de
sauvegarde. Dans ce cas, l'autonomie du système juridictionnel
communautaire serait partiellement remise en cause »541.
Mais comme nous l'avons vu, l'externalisation des recours est une pratique
positive en matière de protection des droits de l'Homme et
l'adhésion de l'Union à la Convention ne devrait pas remettre en
cause l'autonomie du droit de l'Union.
Il est à noter qu'au niveau national la majorité
des Etats membres n'ont pas mis en place de recours spécifiques pour la
protection des droits de l'Homme. La mise en place de tel recours dans certains
Etats, notamment l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne et le Portugal, a permis
cependant une diminution de la saisine de la Cour de Strasbourg à leur
égard542.
La « stature de juge des droits fondamentaux dans
l'ordre juridique communautaire »543 était déjà
avancée en 1999 lors de l'extension des compétences de la Cour de
Luxembourg. La question se pose d'autant plus aujourd'hui avec la
révision du Traité de Lisbonne. Cependant, son champ d'action se
limite toujours à celui du droit de l'Union, ce qui restreint fortement
sa
539 supra note 536, RENUCCI, p.956
540 DUBOS, Olivier, Les juridictions nationales, juge
communautaire - contribution à l'étude des transformations de la
fonction juridictionnelle dans les Etats membres de l'Union
européenne, Paris, Dalloz, 2001, 1015p, p.870
541 supra note 535, CORREARD, p.518
542 RIDEAU, Joël, Les garanties juridictionnelles des
droits fondamentaux dans l'Union européenne, in LECLERC,
Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR,
Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits
fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.75,
p.78
543 ZAMPINI, Florence, La Cour de justice des
Communautés européennes, gardienne des droits fondamentaux «
dans le cadre du droit communautaire », Revue trimestrielle de droit
européen, 1999, p.659
101
capacité à être une concurrente de la Cour
de Strasbourg qui peut contrôler tout acte des Hautes Parties, et
notamment ceux pris en application du droit de l'Union.
Pourtant, les juridictions nationales ont par le passé
saisi la Cour de Luxembourg, via le recours préjudiciel, pour
connaître l'interprétation de la Convention. Erreur manifeste
d'interlocuteur ou volonté de recourir à une voie n'existant pas
au niveau de la Cour de Strasbourg ? La Convention faisant partie
intégrante du droit de l'Union, le juge de la Cour de Luxembourg devait
être compétent, à leurs yeux, pour effectuer son
interprétation544. Conformément à son domaine
de compétences, la Cour de Luxembourg, lorsque l'interprétation
est liée directement au droit de l'Union ou à un acte
communautaire, accepte d'interpréter la Convention545.
La Cour de Luxembourg a su s'imposer comme juridiction de
droit de l'Union mais elle a su également imposer le droit de l'Union
aux Etats membres, en n'hésitant pas notamment à écarter
l'application de normes constitutionnelles contraires au droit de l'Union
546. En outre, cette autorité a été
acceptée par les juridictions nationales qui n'hésitent plus
à adresser à la Cour des questions préjudicielles. Mais la
Cour de Luxembourg a également montré qu'elle était une
juridiction forte en matière de protection des droits de l'Homme.
« Le juge de Luxembourg est devenu au fil des
années un véritable juge des droits de l'homme,
développant une jurisprudence dynamique en matière de droits
fondamentaux à partir des dispositions des traités communautaires
ainsi que des principes généraux du droit communautaire, issus de
la CEDH et des traditions
547
constitutionnelles communes aux Etats membres ».
Dans un recours en annulation formé contre une
décision du Tribunal de Première Instance, la Cour de Luxembourg
a jugé548 que « les juridictions communautaires
doivent assurer un contrôle complet de la légalité de
l'ensemble des actes communautaires au regard des droits fondamentaux lesquels
font partie intégrante des principes généraux du droit
communautaire »549. Le juge se doit notamment de
contrôler la légalité des actes communautaires mettant en
oeuvre une résolution du Conseil de Sécurité des Nations
Unies.
544 supra note 543, ZAMPINI
545 ibid
546 PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La
Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p,
p.42
547 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux
à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de
l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard
COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et
II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143, p.143
548 CJCE, Grande ch., 3 sept. 2008, Yassin Abdullah Kadi,
Al Barakaat International Foundation c/ Conseil de l'Union
européenne, aff. C-402/05 P et C-415/05 P
549 NEFRAMI, Elestheria, Fascicule 192 : Accords
internationaux, JurisClasseur Europe Traité, mise à jour
29 mars 2007, point 115
102
Cependant, les risques de divergences entres les deux
systèmes, communautaire et conventionnel, se sont accrus lorsque la Cour
de Luxembourg a accepté de contrôler la conformité d'un
acte étatique de transposition du droit de l'Union avec les droits
fondamentaux550. Bien que ce contrôle entre dans la
sphère communautaire, il concerne un acte étatique et non plus le
droit de l'Union direct.
De plus, lors de l'application de la Convention, « la
CJCE a toujours pris garde de se ménager une marge d'autonomie par
rapport au texte conventionnel, qui risque fort aujourd'hui de s'accentuer avec
la promulgation de la Charte »551. Ainsi, concernant la
compatibilité des systèmes nationaux de protection des droits
fondamentaux avec le système communautaire, la Cour de Luxembourg a
toujours considéré que ces droits devaient être mis en
balance.
Par son arrêt Schmidberger552, la
Cour de Luxembourg a concilié la libre circulation des marchandises,
fondamental en droit de l'Union, avec le droit de manifestation, principe
général du droit. La Cour de Luxembourg s'est abstenue
d'effectuer une hiérarchisation entre ces deux droits mais a admis que
des restrictions à une liberté fondamentale étaient
possibles pour permettre la réalisation d'un autre droit fondamental,
laissant ainsi une marge d'appréciation aux Etats membres.
La Cour de Luxembourg a permis, de la même
manière, une restriction à la libre prestation de service et
à la libre circulation des marchandises, en se basant sur la protection
de la dignité humaine553.
Ainsi, « le respect des droits fondamentaux est une
condition de la légalité des actes communautaires, mais cela
n'exclut pas que le droit communautaire puisse porter atteinte aux droits des
particuliers »554.
De plus, par son arrêt du 11 juillet 1985555,
la Cour de Luxembourg a précisé les limites de sa juridiction en
matière de protection des droits de l'Homme. Ainsi,
« s'il est vrai qu'il incombe à la Cour
d'assurer le respect des droits fondamentaux dans le domaine propre du droit
communautaire, il ne lui appartient pas, pour autant, d'examiner la
compatibilité, avec la Convention européenne, d'une loi nationale
qui
550 CJCE, 13 juillet 1989, Wachauf, aff. 5/88, Rec.
p.2609
551 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional
dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille
« La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris,
Pedone, 2003, 552p, p.203-264
552 BENOIT-ROHMER, Florence, Valeurs et droits fondamentaux
dans la Constitution, Revue trimestrielle de droit européen,
2005, p.261
553 CJCE, 14 octobre 2004, société Omega c/
Bonn, aff. C-36/02, Rec. 2004, I-9609
554 CIAMPI, Annalisa, L'Union européenne et le respect
des droits de l'homme dans la mise en oeuvre des sanctions devant la Cour
européenne des droits de l'Homme, Revue générale de
droit international public, 2006, n°110-1, p85, p.97
555 CJCE, 11 juillet 1985, Cinémathèque c/
Fédéraiton nationale des cinémas français,
aff. 60/84, Rec. 1985 p. 2605
103
se situe, comme en l'occurrence, dans un domaine qui
relève de l'appréciation du législateur national
»556.
En effet, la Cour de Luxembourg n'a pas pour «
mission de s'occuper de la défense des droits de l'homme dans la
sphère de la souveraineté législative des Etats membres
»557.
La Cour de Luxembourg est donc au sommet de l'ordre judiciaire
de l'Union, seuls les traités pourraient limiter ses pouvoirs, mais il
est évident que dans une Union de droit, la question de la limitation
des pouvoirs du juge ne se pose pas. Au contraire, les pouvoirs de la Cour de
Luxembourg ont été renforcés par le Traité de
Lisbonne et par l'entrée en vigueur de la Charte. Ces nouvelles
compétences seront « de nature à conférer
définitivement une valeur de niveau constitutionnel à l'essentiel
des décisions de la Cour de Justice »558.
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