§3. Le droit de vote de l'Union au Comité des
Ministres
La place de l'Union au sein du Comité des ministres
relève également une certaine difficulté. Il est à
noter que le Comité des Ministres est chargé de contrôler
l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg. Quelle sera la
place de l'Union au sein de ce Comité ? A ce jour, des membres de la
Commission européenne ont le statut d'observateur, ceci leur permettant
d'être présents mais ne leur donnant pas le droit de vote. «
Dans la mesure où l'Union serait signataire de la CEDH, il serait
logique qu'elle bénéficie du droit de vote et participe de la
surveillance de l'exécution des arrêts au même titre que les
autres Parties contractantes »425.
Mais, la responsabilité de l'Union devant la Convention
se limite à des compétences plus restrictives que celles des
Etats. Dans ce cas, « le droit de vote de l'UE devrait être
limité aux affaires impliquant le droit communautaire
»426. « Pourtant, un droit de vote
général pour toutes les affaires semble être
préférable au regard du principe de la garantie collective des
droits contenus dans la Convention et pour éviter une situation
asymétrique vis-à-vis des autres Parties contractantes
»427.
Mais cette modification ne fait intervenir non pas uniquement
la Convention et le règlement de la Cour de Strasbourg mais
également celui du Conseil de l'Europe. Dans ce cas, l'Union doit-elle
également adhérer pleinement au Conseil de l'Europe pour pouvoir
adhérer à la Convention ? L'article 14 du Statut du Conseil de
l'Europe indique que seuls les Etats peuvent être membres du
Comité des ministres.
424 supra note 411, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.13
425 supra note 345, DOLLAT, point 1133
426 supra note 382, IMBERT, p13
427 ibid.
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« Pour éviter la lourde procédure
d'amendement du Statut, la solution la plus facile semble être un
amendement à l'article 46 de la Convention prévoyant le droit de
vote pour l'UE quand il s'agit de la supervision de l'exécution des
arrêts de la Cour. Un tel amendement aurait
préséance
sur les règles du Statut au titre de lex specialis et
posterior »428
De plus, cette vision n'est pas sans critique. Une
résolution statutaire pourrait permettre de contourner cette
difficulté. Le but est bien d'éviter la procédure
d'amendement au Statut du Conseil de l'Europe qui est plus complexe.
Cependant, le droit de vote accordé à l'Union
pourrait être refusé pour des questions de compétence. En
effet, les Etats possèdent un droit de vote en vertu de leur
souveraineté. L'Union ayant une souveraineté limitée, ceci
l'empêcherait d'avoir un droit de vote. Il a été
également envisagé de n'accorder le droit de vote à
l'Union que dans les affaires portant sur elle. Mais une limitation des droits
de l'Union constituerait une asymétrie dans le système
conventionnel, ce qui reviendrait sur le système même de la
Convention qui se base sur une garantie collective des droits.
« La nature collective du système
établi par la Convention, soulignée dans le préambule de
celle-ci, signifie qu'il incombe à l'ensemble des Etats, et pas
seulement à l'État défendeur, de veiller à ce que
les affaires connaissent une issue satisfaisante »429.
L'Union ne semble pas envisager d'adhérer à la
Convention sans avoir une emprise également sur les décisions du
Comité des Ministres. Ainsi, la Commission des Affaires
étrangères a indiqué que le Statut du Conseil de l'Europe,
ou tout du moins une résolution statutaire, devrait prévoir le
droit de vote de l'Union430.
Il demeure également la question de la place de l'Union
au sein même du Conseil de l'Europe. En effet, la Cour de Strasbourg,
conformément à l'article 50 de la Convention, est directement
financée par le Conseil de l'Europe. L'Union doit-elle alors
également adhérer au Conseil de l'Europe ? L'adhésion de
l'Union à la Convention n'implique pas l'adhésion au Conseil de
l'Europe. En effet, l'article 220 TFUE indique que « l'Union
établit toute coopération utile avec [...] le Conseil de
l'Europe » ce qui démontre qu'une adhésion au
Conseil
428 supra note 382, IMBERT, p13
429 ibid. p.16
430 Commission des affaires étrangères,
Parlement européen, Avis à l'intention de la Commission des
affaires constitutionnelles sur les aspects institutionnels de
l'adhésion de l'Union européenne à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales, 13 mars 2010, 2009/2241(INI), p.4
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de l'Europe ne semble pas être envisagée. De
plus, il faut posséder un titre de compétence pour pouvoir
adhérer à une organisation internationale. Pourtant, l'Union est
déjà liée au Conseil de l'Europe, une coopération
accrue et une adhésion aux différents organes de protection des
droits de l'Homme du Conseil de l'Europe devraient être
envisagées431. Mais, la coopération de l'Union avec
une organisation internationale, telle que le Conseil de l'Europe « ne
soulève aucune difficulté quand [...] la Communauté
n'aspire pas à acquérir la qualité de membre
»432.
« Une disposition contenant une base juridique
générale pour cette contribution [aux frais de
fonctionnement du système de contrôle de la Convention], sans
qu'il soit nécessaire d'amender formellement l'article 50 de la
Convention »433 pourrait être adoptée. Ceci
permettrait notamment d'écarter la question de l'adhésion de
l'Union au Conseil de l'Europe.
Francesco Capotorti, ancien avocat général
à la Cour de Luxembourg, a indiqué, lors de sa critique du
mémorandum de la Commission de 1979, que la négociation d'un
protocole d'adhésion de la Communauté à la Convention
soulèverait des « difficultés inextricables
»434 concernant la gestion économique de la Convention qui
« se trouverait altérée à un point tel qu'on peut
douter qu'un projet de ce genre puisse être acceptable pour les autres
Etats européens, non membres de la Communauté
»435.
Le Parlement européen semble cependant exclure
l'adhésion de l'Union au Conseil de l'Europe, mais souligne le fait que
certains droits devraient être conférés à
l'Union436.
Les modalités de l'adhésion de l'Union à
la Convention représentent un enjeu majeur pour la
pérennité du système qui sera mis en place. Des compromis
devront être trouvés sur des questions délicates, pour
permettre aux deux systèmes de fonctionner en harmonie tout en
évitant « une hiérarchisation des relations entre les
Cours de Luxembourg et de Strasbourg et [en permettant] de
préserver l'autonomie du droit de l'Union »437.
431 supra note 372 ; document de séance du
Parlement européen, p.10 ; Comité pour la prévention de la
torture, Commission européenne contre le racisme et
l'intolérance, Commission européenne pour l'efficacité de
la justice, Comité européen des droits sociaux, Commissaire aux
droits de l'homme etc.
432 MICHEL Valérie, Recherches sur les
compétences de la Communauté européenne, L'Harmattan,
2003, 704p, p.127
433 supra note 382, IMBERT, p13
434 supra note 403, PESCATORE, p.744
435 ibid.
436 surpa note 372, document de séance du
Parlement européen, p.6
437 supra note 345, DOLLAT, point 175
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