Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud Université de Dschang Cameroun - Master 2012 |
B- Les effets sur les situations devenues définitivesUne norme ne peut constituer un obstacle aux situations juridiques devenues définitives, car cela est une entrave à la stabilité juridique, et dans une certaine mesure à la sécurité juridique. Le principe des droits acquis trouve son fondement ici, car tout sujet de droit ne saurait voir ses droits lui être imputés. Par droits acquis, il faut entendre les droits reconnus à un sujet de droit et qui font partie de son « patrimoine ». Les lois expressément rétroactives ont des effets sur les situations devenues définitives en ce qu'elles constituent une atteinte à l'autorité de la chose jugée (1), et une modification défavorable dans le passé des situations légales (2). 1- Une atteinte à l'autorité de la chose jugée Cette exigence découle du principe de la séparation des pouvoirs. Dans sa décision de 1980400(*), le juge constitutionnel français rappelle qu'il « n'appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ». Cela est d'autant plus valable pour les lois expressément rétroactives : le législateur ne peut modifier l'issue d'un litige qui a été jugé et qui a acquis autorité de la chose jugée. Selon une jurisprudence constante401(*), une loi rétroactive ne peut rétroagir sur les effets d'un jugement ayant acquis autorité de la chose jugée. Bien que l'autorité de la chose jugée n'exclut pas l'exercice des voies de recours, la règle est la même lorsqu'une décision du juge est passée en force de chose jugée, c'est-à-dire que toutes les voies de recours ont été épuisées. Ainsi, les décisions de justice devenues définitives ou passées en force de chose jugée bénéficient d'une protection absolue. Cela ne pourrait en être autrement, puisque le souci de respect du principe de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la justice, de sécurité et de stabilité juridiques oblige le législateur à respecter l'autorité de la chose jugée. En édictant des lois rétroactives, le législateur remet en cause, même de façon implicite, les faits déjà définitivement jugées, car elle fait remonter ses effets dans le passé, tout en modifiant des droits qui étaient déjà acquis. Cela peut amener un justiciable qui s'est vu débouter sur un droit de saisir une fois de plus le juge pour être entendu sur la base d'une loi nouvelle rétroactive qui a modifié l'état du droit préexistant. 2- La modification défavorable dans le passé d'une situation juridique légale Comme nous l'avons dit en comparant une loi expressément rétroactive à une loi de validation, à l'inverse d'une loi de validation qui conduit à déclarer valables des actes qui auraient été nuls par application de la loi ancienne, la loi nouvelle rétroactive va entraîner, sinon la nullité, du moins la révision d'actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque. Cette modification est défavorable dans le passé, puisque les situations que la loi nouvelle régie n'étaient pas contestables, voire illégales. On peut se poser la question de savoir ce qui peut motiver le législateur à édicter des lois qui auront pour effet de déroger aux situations valables, non pas dans un souci de l'adapter, mais de les modifier rétroactivement. Au regard de ce qui précède, les lois expressément rétroactives sont nocives pour l'Etat de droit. C'est dans le souci de pallier aux effets néfastes des ces lois qu'il convient de strictement les encadrer afin de protéger l'Etat de droit. * 400 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 sur les lois de validation. * 401 Jurisprudence du juge constitutionnel et des juges ordinaires. |
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