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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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Paragraphe 2 : Les effets pervers des lois expressément rétroactives

Le législateur peut-il expressément remettre en cause rétroactivement les actes et les situations antérieurs? Les lois expressément rétroactives ont des conséquences néfastes sur l'Etat de droit. A l'inverse d'une loi de validation qui conduit à déclarer valables des actes qui auraient été nuls par application de la loi ancienne, la loi nouvelle rétroactive va entraîner, sinon la nullité, du moins la révision d'actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque392(*). Cette solution est particulièrement troublante en termes de prévisibilité et de sécurité juridique en ce qu'elle conduit à faire considérer comme irrégulière une situation qui s'est réalisée précédemment de manière tout à fait régulière393(*). Bien que les juges français (Conseil d'Etat, Cour de cassation) retiennent que « les motifs d'intérêt général que le législateur a pris en compte (...) justifient, (...), qu' (...) il ait décidé d'appliquer les dispositions nouvelles aux situations apparues antérieurement et aux instances en cours, tout en réservant comme il le devait, les décisions juridictionnelles passées en force de choses jugées »394(*), il n'empêche pas que cette rétroactivité produit des effets pervers. Ainsi, dans certaines affaires en cours (A), des demandeurs seront déboutés du fait de l'application immédiate de la loi395(*) ; la situation des personnes qui ont acquis des droits sous l'égide de la loi ancienne sera elle aussi influencée du fait de la rétroactivité (B).

A- Les effets sur les affaires en cours

Du moment où le législateur décide qu'une loi est expressément rétroactive, elle commence à produire des effets d'abord sur les situations en cours, c'est-à-dire qui ne sont pas encore définitivement conclues ou jugées par une juridiction. Cette intervention dans les procès en cours affecte considérablement non seulement les parties au litige, mais également le juge. L'application immédiate de la loi risque ainsi d'affecter rétroactivement tous actes qui, lors de leur confection, étaient conformes à l'ordre public de l'époque396(*). La loi expressément rétroactive constitue une entrave aux situations juridiques valables sous l'emprise de la loi ancienne (1), mais exerce aussi une influence sur la décision à venir du juge (2), lorsque les faits sur lesquels il statue ont été radicalement remis en cause par le législateur.

1- Une entrave aux situations juridiques passées valablement sous l'égide d'une loi ancienne

La loi nouvelle entraîne la révision des actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque. Cela constitue une entrave à la stabilité juridique des normes. La question qu'on peut se poser dans une pareille situation est celle de savoir quel est le statut de la loi ancienne dans ce cas. La situation est telle que la loi ancienne ayant régis certains actes est considérée comme n'avoir jamais existée.

Par exemple, une loi ayant règlementé la passation des contrats entre l'Administration et des personnes privées selon un régime d'indemnisation au profit de la personne privée en cas de rupture abusive du contrat de la part de l'Administration justifiée par les prérogatives exorbitantes de droit commun. Cette dernière se pourvoit devant le juge aux fins d'être indemnisée, lorsqu'une situation similaire s'est produite. Pendant que le procès est en cours, le législateur vote une loi rétroactive qui prévoit expressément que dorénavant, en cas de rupture abusive d'un contrat du fait de l'Administration, aucune indemnisation n'est plus accordée, et cela est valable pour les situations en cours et même passées. Cette situation est particulièrement choquante pour les personnes concernées. Aucun motif d'intérêt général ne peut justifier une telle attitude du législateur, car la loi qui est censée exclure l'indemnisation ne peut être d'ordre public puisqu'elle constitue une atteinte à la sécurité juridique en ce qu'elle conduit à considérer comme irrégulière une situation qui s'est réalisée de manière tout à fait régulière397(*). Deux choses sont particulièrement regrettables dans cet exemple : l'entrave au principe de la non-rétroactivité et l'exclusion d'un régime d'indemnisation au profit des cocontractants de l'Administration lésée, alors que ceux-ci étaient auparavant protégés de tout abus de la part de l'Administration qui l'exonère totalement. Cette insécurité juridique occasionnée par une telle loi aura des répercussions sur la décision du juge du moment où celui-ci sera appelé à statuer sur ce cas.

2- Une influence exercée sur la décision du juge

La principale critique apportée à une loi expressément rétroactive est qu'elle s'ingère dans les affaires en cours pour en influencer l'issue. Le juge se trouve ainsi influencer dans son domaine, car ce dernier ne peut pas passer outre l'application d'une loi. En vertu des articles 4 et 5 du Code civil398(*), le juge est tenu d'appliquer la loi sous peine de déni de justice399(*). Cette obligation qui pèse sur celui-ci l'empêche de se passer d'une loi qu'il juge « critiquable », puisqu'il ne peut émettre des jugements de règlements. Cela est d'autant plus inconcevable dans la mesure où le juge ne peut pas apporter des objections à l'application d'une loi, même si celle-ci entrave le cours d'un litige à lui soumis. Le juge est tenu de se soumettre à la loi, et de l'appliquer dans le sens voulu par le législateur. Cet état de chose montre une atteinte à l'indépendance du juge.

* 392 MALINVAUD (Ph.), article précité, p.690.

* 393 Ibidem.

* 394 Avis du Conseil d'Etat du 6 décembre 2002, RFDA 2003, note PETIT.

* 395 Alors qu'il pouvait en être autrement si la loi initiale n'avait pas été modifiée.

* 396 MALINVAUD (Ph.), article précité, p.689.

* 397 Ibidem.

* 398 L'article 4 prévoit que « « le juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi de déni de justice ». L'article 5 ajoute qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par voie générale et règlementaire sur les causes qui lui sont soumises ».

* 399 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit. p.28.

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