II) Le phénomène de progression croissante de
l'absence de limitation du
nombre de mandats
Les Constitutions africaines actuelles qui ne connaissent pas
la limitation de mandat sont très largement minoritaires.
Néanmoins, leur nombre a connu une inflation importante depuis les
années 2000. On peut distinguer deux types de Constitutions ne
connaissant pas la limitation de mandat. En effet, il y a, d'une part, les
Constitutions qui n'ont jamais connu cette dernière, puis on trouve,
d'autre part, les Constitutions qui
78 Constitution du 25 décembre 1993.
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contenaient bien une clause de limitation de mandat, mais dont
celle-ci a été supprimée à l'occasion d'une
modification constitutionnelle.
La première catégorie est celle qui regroupe un
nombre infime de Constitutions sur le continent. Cela montre bien l'ampleur du
phénomène de la limitation de mandat, qui n'a
épargné que très peu de Constitutions. Parmi ces
Constitutions, on trouve la toute jeune Constitution de transition du Soudan du
Sud, datée du 7 juillet 2011. La Guinée Équatoriale a
très récemment, en 2011, quitté le groupe très
fermé des Constitutions n'ayant jamais connu la limitation de mandat,
puisque la limitation a été introduite par voie
référendaire.
A contrario, la catégorie des Constitutions
prévoyant une limitation de mandat et ayant été
modifiées dans le sens d'une absence de limitation est beaucoup plus
importante que les précédentes. En effet, comme il a
déjà été dit depuis 2000, se sont
succédé une série de modifications constitutionnelles
à la veille de l'activation des dispositions empêchant les
dirigeants en place de se représenter. Ces modifications ont souvent
été opérées par la voie parlementaire, comme ce fut
le cas notamment en 2008 en Algérie et au Cameroun. Cependant, la
consultation référendaire a également permis de
réaliser ce type de modification constitutionnelle ; ainsi, les
référendums tchadien et tunisien l'ont permis respectivement en
2005 et 2002.
Malgré l'existence de ces Constitutions ne limitant pas
le mandat du président de la République en Afrique, on peut
néanmoins estimer qu'il s'agit d'une position toujours marginale. Et
même s'il est possible que de nouvelles modifications constitutionnelles
interviennent dans ce sens, on constate aujourd'hui l'augmentation des
déclarations de bonne volonté, émanant de dirigeants
promettant de ne pas modifier la Constitution afin de briguer un nouveau
mandat, ces comportements ayant pour avantage de permettre d'ancrer dans la
pratique constitutionnelle le respect de la disposition limitative de mandat.
Ainsi, on peut faire référence à l'ancien président
malien Amadou Toumani Touré, qui, en cette année 2012, n'a pas eu
l'occasion de terminer son second mandat sur les déclarations qu'il
avait faites en faveur de la non-modification de la Constitution, puisqu'il a
été renversé récemment par un putsch militaire
à quelques mois seulement de la fin de son mandat.
Il semblerait que, sur le plan constitutionnel, il existe un
consensus sur le continent africain en faveur de la limitation du mandat.
Cependant, le recours trop fréquent à la révision
constitutionnelle vient remettre en cause ce consensus. Il s'agit là
d'un exemple de limites posées à la mission de garantie du
respect de la démocratie qui a été
conférée
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aux conditions d'éligibilité par le constituant
africain. On peut regrouper l'ensemble de ces limites dans la
problématique de l'instrumentalisation des conditions
d'éligibilité.
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