Section 2 : La tendance minoritaire de l'exercice de
plus de deux mandats, une volonté de limiter le pouvoir sous
contrôle
La clause de limitation de mandat précédemment
citée enferme l'exercice du pouvoir dans un nombre très
limité de mandats par individu. Il existe des configurations
différentes dans le constitutionalisme des États africains. En
effet, s'il y est généralement admis que l'exercice de deux
mandats successifs est une limite de bon sens qui fournit des garanties
démocratiques à l'État dans lequel elle est
instituée, rien n'empêche certains États de trancher en
faveur de la possibilité, pour un individu, de briguer plus de deux
mandats, sans pouvoir pour autant enchaîner trois mandats
75 Cet ancien président s'est d'ailleurs vu
remettre, en 2011, le prix Mo Ibrahim, qui récompense les chefs
d'État respectant les règles de la bonne gouvernance.
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successifs. C'est donc ici le caractère successif du
mandat qui est limité (I). À l'opposé de ce schéma
de limitation, on trouve, en nette progression, les Constitutions africaines
qui ouvrent le champ à une possibilité de
rééligibilité infinie (II).
I) La recherche du compromis par la clause limitant
uniquement les seuls mandats successifs
À mi-chemin entre le principe de limitation absolu du
mandat et l'absence de limitation de celui-ci, on trouve la limitation à
deux mandats d'application immédiate. Il s'agit d'une clause de
limitation de mandat qui ne vise à réglementer en
réalité que le caractère successif du mandat. En effet,
c'est le nombre de renouvellement successif qui est limité à un.
Ainsi, le président de la République ayant réalisé
deux mandats successifs ne pourra immédiatement se représenter,
mais pourra cependant laisser la place à un successeur pour, par la
suite, une fois le mandat de celui-ci passé, revenir au pouvoir.
On ne recense pas beaucoup d'États ayant opté
pour ce type de clause. On peut néanmoins citer le cas du Cap-Vert,
où la Constitution actuelle76 prévoit à son
article 146 alinéa 1 que « le président de la
République ne peut se porter candidat à un troisième
mandat dans les cinq ans suivant immédiatement le terme de son second
mandat consécutif ». On retrouve également ce type de
clause de limitation de mandat au Mozambique. En effet, l'article 147
prévoit à son alinéa 4 que « le Président
de la République n'est rééligible qu'une fois »,
puis ajoute à l'alinéa 5 : « le Président de la
République qui a été élu deux fois
consécutives peut se représenter à l'élection
présidentielle seulement cinq ans après son dernier
mandat77 », les cinq ans mentionnés correspondant
à la durée d'un mandat présidentiel.
L'avantage que confère ce type de clause réside
dans le compromis qu'elle permet de réaliser entre la limitation stricte
du mandat, qui, on le verra plus tard, n'est pas exempte de toute critique, et
la possibilité donnée par une Constitution de renouveler des
mandats indéfiniment. De plus, cette clause, par la souplesse qu'elle
apporte, permet d'inciter à la patience les chefs d'État qui
seraient tentés de se maintenir au pouvoir, en
76 Constitution du 14 février 1981
(révisée en 1992).
77 Nous traduisons les alinéas 4 et 5 :
« O Presidente da República só pode ser reeleito uma vez
», « O Presidente da República que tenha sido eleito duas
vezes consecutivas só pode candidatar-se a eleições
presidenciais cinco anos após o último mandato ».
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leur offrant la possibilité de briguer à nouveau
les fonctions présidentielles en cas d'échec aux
élections.
Néanmoins, on peut nuancer les avantages
conférés par une telle disposition lorsque l'on prend le temps
d'observer un exemple contemporain en la matière. Cet exemple ne nous
vient pas d'un État situé sur le continent africain, mais de la
Fédération de Russie. En effet, Vladimir Poutine vient
d'être reconduit aux fonctions présidentielles aux
élections de 2012, après avoir précédemment
laissé le pouvoir à Dmitri Medvedev en 2008, faute de pouvoir se
présenter à l'époque. En effet, l'article 81 alinéa
3 de la Constitution russe78 empêchait ce dernier de
renouveler son mandat alors qu'il avait déjà effectué deux
mandats précédemment. Malgré l'apparente
légalité du processus, l'analyse politique vient mettre en
lumière un processus de détournement des dispositions
constitutionnelles. Vladimir Poutine a, en effet, en 2008, en plus d'avoir
obtenu le poste de Premier ministre et de chef du parti Russie unie,
été considéré comme détenant effectivement
le pouvoir, et Dmitri Medvedev ne constituait qu'un moyen pour lui de respecter
en apparence les règles constitutionnelles, tout en restant aux
commandes. Si l'on estime que l'esprit d'une telle disposition est de permettre
un renouvellement régulier des élites au pouvoir, afin
d'éviter le phénomène de la personnalisation du pouvoir et
de sa concentration, en l'espèce, la disposition ne remplit pas la
fonction qui lui est assignée. C'est cette faiblesse que l'on peut
craindre dans le cas des États africains ayant adopté une telle
disposition.
À l'opposé des mesures de limitation du nombre
de mandats, on trouve des Constitutions qui, bien plus que de permettre la
réalisation de plus de deux mandats pour une seule et même
personne, ignorent le principe de limitation.
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