II) Le difficile processus de maintien de la limitation
à deux mandats dans
le constitutionnalisme africain
70 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir
exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique,
op. cit., p. 170.
71 Ibid., p. 170.
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La clause de limitation à deux mandats existant
aujourd'hui dans les Constitutions africaines coïncide avec
l'arrivée de deux périodes majeures pour les États
africains. Il s'agit de la période succédant aux
indépendances, et de celle des conférences nationales.
Dans un premier temps, les États africains
fraîchement sortis de la colonisation se sont dotés de leurs
premières Constitutions et ont fait, pour beaucoup dans les
années soixante et soixante-dix, le choix de limiter le nombre de
mandats. Cependant, on peut dire que les États n'étaient pas
encore nécessairement attachés à une limitation
portée au nombre de deux mandats. Il existait une diversité dans
le choix du nombre de mandats admis. Ainsi, en 1963, le Togo et le Congo
(Brazzaville) prévoyaient la limitation à un seul mandat. C'est
la position qui sera également adoptée par le
Sénégal en 1970. Néanmoins, le Mali, quant à lui,
optera en 1974 pour la limitation à deux mandats. Et, enfin, on peut
citer le Rwanda qui, en 1963, était allé jusqu'à une
limitation à trois mandats72. Charles Cadoux, s'il a
estimé que ces dispositions traduisaient « la
préoccupation certaine de limiter le «pouvoir personnel»
», ne manqua pas de rappeler également « la
fragilité de cette expérience, qui risque toujours d'être
remise en cause par une révision constitutionnelle à la veille du
renouvellement du mandat présidentiel73 ». La
méfiance est fondée puisqu'il est vite arrivé, dans les
États où le mandat était limité, une série
de modifications permettant au chef du parti unique de se présenter
indéfiniment. Ainsi, au Sénégal, par exemple, la
réforme intervint en 1976.
Dans un second temps, une fois les régimes
antérieurs contestés par les conférences nationales, la
limitation de mandat a fait sa réapparition et est venue
compléter le cortège de dispositions tendant à limiter le
pouvoir se trouvant entre les mains du président de la
République. Un choix massif a été fait en faveur de la
limitation à deux mandats, certainement par référence
à ce qui était déjà mis en place aux
États-Unis, pays où la limitation à deux mandats a d'abord
été le fait de la pratique avant d'être
institutionnalisée74. Ainsi, en Algérie, la
réforme de 1996 prévoit la limitation de mandat à
l'article 74 al. 2. Malheureusement, une nouvelle vague de retour en
arrière est intervenue dans les années 2000, encore une fois peu
de temps avant la fin des mandats des présidents en Place, lesquels,
selon leur Constitution, ne pouvaient plus se
72 Charles Cadoux, « Le statut et les pouvoirs
des Chefs d'État et des gouvernements », in Gérard
Conac (dir.), Les institutions constitutionnelles des États
d'Afrique francophone et de la République malgache, Paris,
Economica, 1979, p. 87.
73 Ibid., p. 71.
74 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir
exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique,
op. cit., p. 166.
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représenter. Ainsi, l'actuel président
algérien Abdelaziz Bouteflika a usé de la révision
constitutionnelle, en 2008, afin de supprimer la clause limitative de mandat.
Ce fut également le cas au Togo en 2002 et au Gabon en 2003.
On observe en Afrique un schéma cyclique dans lequel se
succèdent des périodes d'avancée démocratique,
marquées par la recherche de la limitation de l'exercice du pouvoir,
puis des périodes de recul démocratique, durant lesquelles les
efforts réalisés précédemment se trouvent
anéantis, au profit du maintien au pouvoir des présidents en
place. Cependant, tout espoir de sortir de ce cercle vicieux n'est pas à
bannir. En effet, on peut saluer la décision de l'ancien
président de la République du Cap-Vert, Pedro Pires, de ne pas
modifier la Constitution, en dépit de l'avis de ses proches, et de
quitter le pouvoir après avoir réalisé deux
mandats75. Ce type de comportement doit constituer un exemple et un
espoir en faveur du respect du constitutionnalisme en Afrique.
Bien que la limitation de mandat soit devenue une norme dans
le constitutionnalisme africain et qu'elle soit considérée comme
une garantie du renouvellement politique, on observe l'existence, à
titre exceptionnel, de l'admission d'un renouvellement de mandat allant
au-delà des deux mandats pour un même individu.
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