ambigu
Comme il a été précédemment dit,
le choix de recourir à une limitation de mandat et de retenir le nombre
de deux mandats comme limite a été effectué par la grande
majorité des États du continent, et cela, que ce soit en Afriques
de l'Ouest, centrale, de l'Est ou du Sud. C'est la clause qui limite les
mandats à deux qui est la plus présente.
27
On observe, pour chaque zone, quelques exceptions seulement.
Ainsi, par exemple, en Afrique de l'Ouest, le Togo et le Gabon font partie des
rares exceptions qui ne prévoient pas de limitation du mandat
présidentiel. En revanche, les pays arabes du continent ne connaissent
pas actuellement une limitation de mandat
généralisée63. Cependant, depuis la vague de
« la révolution arabe », le constitutionnalisme de ces
États est en phase de mutation et l'avenir dira s'ils optent finalement
pour ce choix64.
Si l'on observe la clause en question, on peut faire plusieurs
observations. Tout d'abord, l'énoncé de celle-ci diffère
généralement très légèrement d'un
État à un autre. Ainsi, les États francophones optent plus
généralement pour deux types de formule, selon lesquels le
président de la République « est
rééligible une fois65 », ou le mandat
présidentiel « est renouvelable une fois66
». Or, chez les États non francophones, on retrouve souvent la
formule qui veut que « Nul ne peut occuper le poste de
Président de la République pendant plus de deux
mandats67 ». Il n'y a pas d'observation
particulière à faire sur le fait que les États ayant un
colonisateur commun aient fait un choix similaire dans la rédaction,
puisqu'en la matière, on ne peut pas dire pour les États
francophones, par exemple, qu'ils se soient inspirés de la Constitution
française, puisque la disposition n'est apparue en droit français
qu'au moment de la réforme de 200868. Or, la disposition
existait déjà dans les premières Constitutions africaines,
avant d'être supprimée sous le monopartisme, puis
réintroduite dans les années quatre-vingt-dix69.
On peut cependant observer le fait que la formule «
Nul ne peut occuper le poste de Président de la République
pendant plus de deux mandats » a l'avantage d'empêcher toute
équivoque sur le fait qu'une personne ne peut exercer que deux mandats
en tout. Or, dans les formules touchant à l'absence de renouvellement du
mandat ou prévoyant la rééligibilité plus d'une
fois, des précisions manquent souvent. En effet, lorsque l'on
63 En effet, de nombreux chefs d'État ont
fait supprimer la clause de la Constitution. C'est le cas, par exemple, en
Algérie.
64 Une nouvelle Constitution est, par exemple,
à l'étude en Tunisie.
65 Il en est ainsi à l'article 37 de la
Constitution du Burkina Faso.
66 Il en est ainsi dans l'article 42 de la
Constitution du Bénin.
67 Il en est ainsi à l'article 46 de la
Constitution de Sierra Leone, et l'article 41 de la Constitution
érythréenne.
68 La réforme est issue de la loi
constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation
des institutions de la Ve République.
69 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir
exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique,
op. cit., p. 169. Selon l'auteur, la clause se trouvait dans les
Constitutions sénégalaise et malienne, respectivement en 1970 et
1974. Le Bénin sera le premier État francophone à
réintroduire la clause après le monopartisme, le 11
décembre 1990.
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se cantonne à ces affirmations, la disposition peut
être interprétée dans le sens d'une impossibilité de
faire plus de deux mandats successifs, mais n'empêchant pas un cumul
supérieur à ce nombre pour les mandats non successifs.
D'où cette interrogation : « la clause de
rééligibilité limitée à une seule fois
est-elle immédiate ou définitive ? Son champ d'application
temporel s'inscrit-il dans la continuité ou dans la discontinuité
? Autrement dit encore, celui qui a exercé deux mandats, une fois qu'il
quitte le pouvoir, peut-il revenir plus tard après l'expiration du
mandat de son successeur ou de ses successeurs pour briguer un troisième
mandat voire un quatrième mandat70 ? »
Certaines Constitutions, pour empêcher des erreurs
d'interprétation, ajoutent une précision à la formule. La
Constitution béninoise du 11 décembre 1990, à
l'alinéa 2 de son article 42, après avoir dit que le mandat
n'était renouvelable qu'une fois, ajoute qu'« En aucun cas, nul
ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels71
». Cette précision a le mérite de clarifier les choses et
d'éviter toute interprétation divergente.
Néanmoins, même en l'absence de cette
précision, une interprétation de la disposition tendant à
dire qu'elle ne s'applique qu'aux mandats successifs, et donc qu'elle
n'empêche pas l'exercice de plus de deux mandats non successifs, nous
semble erronée. En effet, cela tout d'abord au vu du contexte
d'élaboration de ces dispositions, qui correspond, pour la plupart des
États, au moment des conférences nationales, lesquelles visaient
clairement la stricte limitation du pouvoir du président de la
République. Ainsi, on peut percevoir les précisions en la
matière comme des redondances.
Si l'on peut faire une interprétation globale de ce
type de clause sans précision, le passage d'une période sans
limitation de mandat à une période de limitation à deux
mandats est le fruit également le fruit d'un processus
généralisé sur le continent africain.
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