Chapitre 2 : La limitation du nombre de mandats,
instrument de la
volonté de limitation du pouvoir
Lorsque l'on parle de mandat, on parle d'une période
durant laquelle une personne va exercer une fonction. Cette fonction est
nécessairement enfermée dans le temps. Néanmoins, la
limitation du nombre de mandats n'est pas une idée qui va de soi et,
surtout en matière de mandat électif, il y a une idée
selon laquelle la limite que devrait trouver l'exercice du pouvoir est la
volonté des électeurs. Néanmoins, la limitation de mandat
instituée au moment des conférences nationales marque la sortie
d'un long cycle de monopartisme, marqué fortement par la concentration
du pouvoir et la pérennisation de celui-ci dans les mains d'un groupe,
voire d'un seul homme.
La limitation de mandat possède, selon nous, trois
caractéristiques essentielles la distinguant des conditions
d'éligibilité précédemment évoquées.
Pour commencer, elle a la particularité de ne s'appliquer qu'aux
personnes ayant déjà accédé au pouvoir à
travers le mandat présidentiel. De plus, la limitation de mandat
présente également une particularité dans sa localisation
dans le corps des Constitutions africaines. En effet, cette disposition se
trouve généralement dans un article distinct et antérieur
à celui des conditions d'éligibilité61, un
article dans lequel elle est accolée aux dispositions indiquant le mode
d'élection du président de la République62.
Peut-être cela donne-t-il une idée de l'importance de la
disposition pour le constituant africain. Enfin, la limitation de mandat fait
souvent l'objet d'une protection plus importante que les autres conditions
d'éligibilité, et est donc plus souvent accompagnée de
dispositions de supraconstitutionnalité. Nous inclurons les États
du Maghreb à notre analyse afin d'avoir une perspective plus large,
englobant ainsi des États dans lesquels les variations
constitutionnelles, en matière de limitation de mandat, sont
importantes.
Il semblerait que le principe de limitation du pouvoir,
à travers la disposition de limitation de mandat, s'impose sur le
continent comme principe incontournable dans le cadre de la lutte pour le
maintien d'un régime démocratique. Néanmoins, cette norme
est confrontée à de nombreux obstacles quant à son
application dans les États où elle a été
originairement adoptée (Section 1). À l'opposé il faut
également étudier la
61 L'antériorité par rapport aux
autres conditions d'éligibilité concerne surtout les
Constitutions francophones.
62 Le mode d'élection étant
généralement le suffrage universel direct dans les pays
francophones, et le suffrage indirect dans les pays anglophones.
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possibilité pour un Président de la
République de faire plus de deux mandats, bien que cette option soit
plus marginale, elle fait l'objet d'une progression croissante ces
dernières années. (Section 2).
Section 1 : La tendance majoritaire de la limitation du
nombre de mandats à deux, une volonté d'encadrement du pouvoir
difficile d'application
L'objet de notre étude porte ici sur la limitation de
mandat prévoyant qu'une même personne ne pourra pas exercer plus
de deux mandats. Il s'agit du type de clause limitative de mandat le plus
restrictif que l'on trouve dans les Constitutions africaines contemporaines. Il
semblerait qu'au vu du contexte d'élaboration de la limitation à
deux mandats, un contexte de méfiance à l'égard du pouvoir
en place, cette disposition vise à verrouiller à l'avance, par
une disposition inscrite dans la Constitution, le nombre de mandats que pourra
exercer n'importe quel individu. Et cela, peu importe qu'il jouisse d'une
légitimité incontestée au sein de la population
chargée de l'élire. En effet, la vague de démocratisation
qui a touché l'Afrique dans les années quatre-vingt-dix a
amené un rejet total des régimes de présidence à
vie, institutionnalisés ou de fait, qu'avaient pu connaître de
nombreux États. C'est ce passé lourd qui explique cette
volonté radicale de rompre avec la possibilité, pour un candidat
à l'élection présidentielle, d'excéder l'exercice
de deux mandats. Néanmoins, la rédaction de cette clause dans
chaque État n'est pas toujours sans soulever quelques interrogations,
notamment sur l'interprétation exacte à donner à celle-ci.
Ainsi, la clause de limitation à deux mandats contenue dans le
constitutionnalisme africain paraît parfois sujette à diverses
interprétations quant à son sens (I), ainsi qu'au processus qui
l'a amenée à être présente aujourd'hui dans la
grande majorité des constitutions africaines (II).
I) Un droit positif laissant subsister une limitation
à deux mandats au sens
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