Section 2 : La recherche de sanctions
extérieures
Lorsque les sanctions internes s'avèrent inefficaces
à empêcher la manipulation des dispositions constitutionnelles
déterminant les conditions d'éligibilité, il est naturel
de se tourner vers d'autres voies susceptibles de régler les
problèmes internes. De plus, que l'on s'en réjouisse ou non,
l'intervention extérieure est fréquente en Afrique, qu'il
s'agisse de l'intervention d'autres États africains ou d'institutions
internationales.
Le principe de souveraineté des États ne permet
pas, normalement, de se voir interférer dans les affaires internes.
Néanmoins, il existe des accords signés par les États
africains et qui prévoient l'établissement de sanctions.
Certaines organisations internationales se donnent également
compétence pour agir dans les affaires internes de l'État. Il est
donc intéressant de rechercher les sanctions internationales à
l'échelle du continent africain (I), puis en dehors du continent
(II).
I) Les sanctions à l'échelle du continent
africain
Dans la lutte contre le détournement des conditions
d'éligibilité, et plus largement contre la fraude à la
Constitution, des mesures ont été prises par l'organisation
régionale du continent qu'est l'Union africaine, ainsi que par les
organisations sous-régionales du continent.
Pour ce qui est de l'Union africaine, l'acte
démonstratif de la volonté de l'organisation de lutter contre les
manquements constitutionnels et, plus largement, démocratiques se
traduit dans la Charte africaine de la démocratie, des élections
et de la gouvernance du 30 janvier 2007. L'article 10 alinéa 2 de la
charte vise précisément la question des révisions abusives
de la Constitution aboutissant à remettre en cause la démocratie,
celui-ci disposant que : « Les États parties doivent s'assurer
que le processus d'amendement ou de révision de leur Constitution repose
sur un consensus
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national comportant, le cas échéant, le
recours au référendum ». Les principes
énoncés par la charte sont supposés être
protégés par le recours à des sanctions en cas de
manquement. Le chapitre VIII, « Des sanctions en cas de changement
anticonstitutionnel de gouvernement », prévoit une
énumération d'actes susceptibles de tomber sous le coup des
sanctions de l'Union. Ainsi, parmi l'énumération des actes
proscrits par la charte, on trouve, à l'alinéa 5 de l'article 23
: « Tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des
instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l'alternance
démocratique ». Les sanctions ne sont pas
énumérées de façon claire ni exhaustive. L'article
24 dispose ainsi qu'« Au cas où il survient, dans un
État partie, une situation susceptible de compromettre
l'évolution de son processus politique et institutionnel
démocratique ou l'exercice légitime du pouvoir, le Conseil de
paix et de sécurité exerce ses responsabilités pour
maintenir l'ordre constitutionnel conformément aux dispositions
pertinentes du Protocole relatif à la création du Conseil de paix
et de sécurité de l'Union africaine, ci-après
dénommé le Protocole ». D'autre part, l'article 25
alinéa premier évoque la possibilité de suspension de
l'État concerné aux activités de l'Union. Enfin, l'article
25 alinéa premier établit que « les auteurs de
changement anticonstitutionnel de gouvernement peuvent être traduits
devant la juridiction compétente de l'Union ». En
réalité, on constate que la mise en pratique des sanctions, dans
le cadre de la fraude à la Constitution, est très faible, l'Union
africaine privilégiant la voie diplomatique en la matière.
L'action des organisations sous-régionales n'est pas
négligeable non plus dans le cadre de la lutte contre
l'instrumentalisation des dispositions électorales et plus
précisément de celles qui touchent à
l'éligibilité. L'action de la Communauté économique
des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), par exemple, est
significative en la matière. Les États membres de la CEDEAO ont
signé le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne
gouvernance du 21 décembre 2001. Ce dernier fait, dans son article
premier, une énumération des principes constitutionnels communs
à tous les États membres de l'organisation, parmi lesquels figure
le principe selon lequel « Tout changement anticonstitutionnel est
interdit de même que tout mode non démocratique d'accession ou de
maintien au pouvoir ». L'article 2, issu de la section II
intitulée « Les élections », pose une obligation
à la charge des États, stipulant qu'« aucune
réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir
dans les six mois précédent les élections, sans le
consentement d'une large majorité des acteurs politiques ». Le
volet des sanctions est prévu par le protocole et se trouve à
l'alinéa 2 de
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l'article 45. Cet article établit que les sanctions
sont prises par la conférence des chefs d'État et que celles-ci
peuvent être prises par graduation. Ces sanctions sont de l'ordre de
trois : refus de soutenir les candidatures présentées par
l'État membre concerné à des postes électifs de
l'organisation, puis refus de la tenue de toute réunion de
l'organisation dans l'État concerné et, enfin, suspension de
l'État dans toutes les instances de la CEDEAO. Le moins que l'on puisse
dire, c'est que ces sanctions strictement politiques sont bien insuffisantes et
peu dissuasives pour les chefs d'État agissant en marge du respect de la
Constitution. Les sanctions susceptibles de venir de l'extérieur du
continent africain ne sont pas à négliger non plus dans leurs
actions en faveur de la lutte pour le respect des valeurs
démocratiques.
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