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Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

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par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

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II) La pratique de l'interprétation biaisée des conditions d'éligibilité

Cette pratique vise à faire dire au texte constitutionnel ce que l'on souhaite qu'il dise, sans s'attacher à le lire au regard de l'objectif attribué à telle ou telle disposition. Cette pratique constitue donc une violation de l'esprit de la Constitution, lorsque la lettre de celle-ci permet que soit entretenue une certaine ambiguïté sur le contenu de l'énoncé normatif. En réalité, l'interprétation juridique de la norme ne vise ici qu'à servir un intérêt personnel, encore une fois, et est donc, de ce fait, non conforme aux principes démocratiques.

On connaît en Afrique de nombreux cas d'interprétation du texte constitutionnel déviante de l'esprit de la norme suprême. À titre d'exemple, au Sénégal, on a pu suspecter à deux reprises l'ancien président Abdoulaye Wade d'avoir eu recours à cette pratique.

En effet, tout d'abord en 2001, à l'occasion de la réforme constitutionnelle donnant naissance à la Constitution du 22 janvier 2001, le président Wade, qui se trouvait en présence d'un Parlement hostile, ne pouvait avoir recours à la procédure normale de révision constitutionnelle prévue à l'article 89 de la Constitution du 7 mars 1963, puisque celle-ci impliquait l'adoption du texte par le vote des députés. Ce dernier eut donc recours à l'utilisation de l'article 46 de la Constitution afin de réviser celle-ci par voie référendaire. Le texte en question permettait au président de la République, sur proposition du Premier ministre, de soumettre au référendum « tout projet de loi », une disposition qui n'était pas contenue dans le chapitre sur la révision constitutionnelle et

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qui, de l'avis de nombreux spécialistes, ne visait en réalité que la loi ordinaire101. Une interprétation très extensive de l'article 46 a donc servi la volonté présidentielle de réformation du droit.

Par la suite, récemment, à l'approche des élections présidentielles de février 2012, le président sénégalais sortant a fait connaître son intention de briguer un troisième mandat, alors même que la Constitution du 22 janvier 2001 limite, à son article 27, la possibilité de réélection à une seule. Le président Wade a alors fait valoir le fait que l'article posant la restriction n'ayant été ajouté au texte constitutionnel qu'en 2008, celui-ci ne s'appliquait pas à son premier mandat, qui allait de 2000 à 2007. Une telle interprétation est éloignée de l'esprit de la révision constitutionnelle, qui consistait à limiter l'exercice du pouvoir dans le temps ; néanmoins, elle pouvait trouver une justification juridique. Il s'agit là du point essentiel qui fait que ces interprétations biaisées sont difficilement combattues, puisqu'elles trouvent, en effet, toujours une justification juridique minimale.

Il semblerait que les pratiques d'instrumentalisation dont souffrent les Constitutions africaines reposent sur la négation du « principe de la généralité et de l'impersonnalité de la règle de droit102 ». On peut penser que si de telles manipulations du texte constitutionnel sont possibles, c'est parce que le système institutionnel et normatif le permet. Il faut donc rechercher, au sein du constitutionnalisme africain, les éléments favorisant l'instrumentalisation de la norme constitutionnelle.

101 Voir Ismaïla Madior Fall, Évolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Dakar, CREDILA-CREPOS, 2009, p. 96.

102 Karim Dosso, « Les pratiques constitutionnelles dans les pays d'Afrique noire francophone : cohérences et incohérences », art. cité, p. 29.

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