II) Neutralisation des conditions
d'éligibilité sous le monopartisme de droit
À la différence du monopartisme de fait, le
monopartisme de droit présente une fermeture à la concurrence
électorale affichée. En effet, le texte fondamental va instituer
le parti unique comme seule instance dirigeante de l'État, et c'est
l'instance de laquelle doit émaner le président de la
République.
Il semble que durant cette période, les dispositions
d'éligibilité aient été complètement
neutralisées. Ainsi, Gérard Conac dira par exemple qu'au
Bénin, « la règle de l'élection du
Président au suffrage universel direct (Constitution 1970, art. 3 et 4)
est en fait « retenue » par le parti unique qui détient
l'exclusivité de la représentation nationale : le Chef
d'État, qui est d'abord et aussi Président du parti, étant
élu directement par le congrès du Parti (Constitution de 1970,
art. 37)90 ». On retrouve la même situation au Congo
(Brazzaville), où le chef du Parti congolais du travail est
automatiquement investi comme président de la
République91. On voit bien ici que la confiscation au peuple
de son pouvoir de choix coïncide avec l'extinction de la
nécessité des conditions d'éligibilité.
Les conditions d'éligibilité deviennent
inexistantes, ou du moins elles se résument à exprimer la
volonté du parti unique. Ainsi, par exemple, la naissance du Parti
démocratique gabonais, en 1968, va marquer le passage d'un monopartisme
de fait à un monopartisme de droit, dans lequel le parti unique sera
érigé en institution d'État92. La
révision constitutionnelle intervenue le 29 juillet 1972 a
modifié l'article 4 de la Constitution du 17 février 1961,
établissant que « nul ne peut se voir confier un mandat public
électif, s'il n'est pas investi par le parti ». L'affirmation
du seul choix laissé au parti unique est ici claire.
L'intérêt que suscite l'analyse de ces
régimes passés réside dans l'enseignement qu'ils peuvent
nous fournir quant aux risques liés à une mauvaise utilisation
des conditions d'éligibilité. On constate qu'il est aisé
d'utiliser les conditions d'éligibilité comme outil
antidémocratique, pouvant aboutir à fausser
considérablement le jeu
90 Gérard Conac, « Les
procédures de révision constitutionnelle », in
Gérard Conac (dir.), Les institutions constitutionnelles des
États d'Afrique francophone et de la République malgache,
Paris, Economica, 1979, p. 71.
91 Selon l'article 36 de la Constitution du 12
juillet 1973 : « Le Président du Parti congolais du travail est
Président de la République et Chef de l'État ». Voir
Dimitri-Georges Lavroff, Les systèmes constitutionnels en Afrique
noire : les États francophones, Paris, Pedone, 1976, 438 p.
92 Frédéric Joël Aivo, Le
président de la République en Afrique noire francophone :
genèse, mutation et avenir de la fonction, Paris, L'Harmattan,
2007, p. 244.
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politique et, donc, à les écarter du but moderne
qui leur a été assigné depuis la vague de
démocratisation des années quatre-vingt-dix. Ce
détournement des conditions d'éligibilité a pris, ces
dernières années, une forme moins aisément contestable car
ayant l'apparence de la légalité.
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