Section 2. La protection de la santé : un
concept évolutif
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« Ce droit [à la protection de la
santé] est reconnu depuis la Seconde guerre mondiale de façon
quasi unanime par l'ensemble des instruments de protection des droits de
l'homme, aussi bien au niveau international et régional que
national84, voire même sous la forme d'une valeur à
défendre dans les traités établissant les organisations
économiques que sont notamment l'Organisation mondiale du commerce ou
l'Union européenne. L'ensemble de ces normes n'oblige cependant pas dans
les mêmes termes les débiteurs du droit consacré.
»85
Ces considérations nous amènent à
étudier, afin de cerner la notion de protection de la santé, sa
portée et son contenu (II), ses aspects en droits de
l'Union européenne (III) et avant tout,
l'évolution du concept de santé (I).
I - Evolution du concept de santé (conception
large)
Alors que la conception traditionnelle voyait dans la
santé un bien individuel à préserver, la conception
contemporaine y voit une richesse collective indispensable à la
puissance d'une nation ; ce qui justifie l'intervention des Etats dans ce
domaine.
Droit à la santé. Il a
été proclamé dès 1948 par les Nations-Unies dans la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont l'article 25 dispose
que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour
assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment
pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux
ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à
la sécurité en cas de chômage, de maladie,
d'invalidité, de
84 « Sur le plan international, (...) art. 25 § 1 de
la Déclaration universelle des droits de l'homme, art. 12 du Pacte
international des droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (...)
Charte de l'Organisation mondiale de la santé de 1946, art. 5 §e-IV
de la Convention relative à la lutte contre les discriminations
raciales, art. 24 § 1 de la Convention sur les droits de l'enfant.
Au niveau régional, (...) art. 16 de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, art. 10 du Protocole
additionnel à la Convention interaméricaine des droits de l'homme
traitant des droits économiques sociaux et culturels, art. 11 de la
Charte sociale européenne, dans sa version révisée de
1996, art. 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne.
Enfin, la plupart des constitutions nationales contenant une
référence aux droits sociaux reconnaissent ce droit à la
protection de la santé. », GRÜNDLER T., op. cit. note
91, p. 835
85 GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835
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veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses
moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa
volonté. » Pour autant, rares sont les Etats où ce droit est
effectif pour tous car il exige des moyens considérables et une
réelle volonté politique.
Politique de santé. En France, le
principe d'une véritable politique de santé est désormais
acquis. Cette volonté s'inscrit dans la loi du 9 août 2004
relative à la politique de santé publique, qui est la
première loi de promotion de la santé publique depuis celle de
190286. Désormais, l'existence et la nécessité
d'une telle politique sont clairement affirmées au niveau
législatif. L'article L. 1411-1 du CSP souligne que « La nation
définit sa politique de santé selon des propriétés
pluriannuelles ». Ainsi, cette politique est de surcroit
institutionnalisée, elle doit faire l'objet d'un débat
parlementaire annuel et doit définir les objectifs et les
priorités du système de santé. Cette loi met en relief le
rôle central de l'État, maitre d'oeuvre de toutes ces politiques,
et donne à l'échelon régional le soin de décliner
les objectifs et les programmes fixés au niveau national.
A travers le droit à la santé des individus et
la politique de santé des Etats, que recouvre la notion de santé
? Son évolution a permis un élargissement de son champ
d'application (A) et a transformé les rapports qu'elle
entretient avec les individus. (B).
A - Evolution de la notion de santé : vers un
élargissement de son champ d'application
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, « La
santé est un état de complet bien-être physique, mental et
social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou
d'infirmité. »87 Cette définition large de la
notion de santé appelle deux remarques.
Acte de santé. Aujourd'hui, la
santé ne vise plus simplement l'acte thérapeutique (acte de soin
stricto sensu). Ainsi, le patient attend que la médecine apaise sa
souffrance et les demandes de prise en charge de la douleur physique et morale
sont de plus en plus fréquentes. De même, de nombreux actes
demandés par les patients ont pour objet d'atteindre un autre
résultat que le soin (par exemple : les IVG, procréation
médicalement assistée,...).
86 Loi du 15 février 1902 relative à la
protection de la santé publique
87 Préambule à la Constitution de
l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la
Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin
1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats.
1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°.
2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948.
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Enfin, est apparue une médecine du bienêtre et du
confort et la médecine moderne concerne de plus en plus des sujets biens
portants. Elle est sollicité pour répondre à des
désirs divers comme avoir un enfant, changer de sexe, modifier son
apparence physique, etc.
Prévention et prédiction. La
santé ne peut plus être abordée sous le seul aspect
curatif. En effet, la prévention est devenue essentielle, ce qui suppose
une véritable organisation de la gestion du risque ainsi que des actions
en faveur de l'éducation à la santé (exemple :
prévention contre les risques liés au tabac et à
l'alcool).
De même, on a une nouvelle forme de médecine, en
particulier grâce aux tests génétiques : la médecine
prédictive. Ceci conduit à transformer la place de la
médecine dans la société.
L'évolution de la notion de santé s'est aussi
accompagnée d'une reconsidération de la place du patient.
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