B - La place de la liberté d'entreprendre au
sein du marché intérieur
« S'agissant de la liberté d'entreprendre, le
professeur L. IDOT écrit : "Etroitement liée au principe de libre
circulation dans ses diverses composantes, la liberté d'entreprendre a
néanmoins une portée encore plus large que celui-ci. La Cour de
justice y rattache en particulier les deux piliers du droit privé que
sont la propriété et la liberté contractuelle."
»79
Concernant la propriété et la liberté
contractuelle, nous ne nous y attarderons pas ici car le raisonnement est
similaire à ce que nous avons dit précédemment concernant
les liens entre la liberté d'entreprendre et la propriété
ou la liberté contractuelle en droit français.
Libre circulation des marchandises. Avec
l'instauration de l'union douanière80, qui s'étend
à ensemble des échanges de marchandises, le droit de l'UE
interdit entre les Etats membres les droits de douane à l'importation et
à l'exportation ainsi que toutes taxes d'effet équivalant. Plus
largement, le droit de l'UE tend à éliminer les entraves à
la libre circulation des marchandises, qu'elles soient de nature
pécuniaires (interdiction des taxes d'effet équivalent à
des droits de douane81) ou non pécuniaires (interdiction des
mesures d'effet équivalent à des restrictions
quantitatives82). Ainsi le droit de l'UE permet collectivement une
mise en oeuvre effective de la liberté d'entreprendre au sein du
marché intérieur.
Libre circulation des personnes et des services.
La liberté d'entreprendre s'applique aux entreprises et aux
travailleurs indépendants que l'on distingue des travailleurs
salariés. Le critère de distinction est la subordination des
salariés. On peut ainsi se référer à la
liberté d'établissement (articles 49 et s. TFUE) des
personnes exerçant une activité indépendante ainsi que des
entreprises. L'établissement peut consister d'une part dans
l'accès aux activités indépendantes et leur exercice, ce
qui suppose un déplacement de la personne dans un autre Etat. D'autre
part, il vise la constitution et la gestion d'entreprise, ce qui ne
nécessite pas de
79 Cité par GUYOMAR M., « Le
contrôle de constitutionnalité d'un règlement transposant
une directive communautaire », RFDA 2007 p. 384
80 Articles 28, 30 et 32 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE
») ; article 33 TFUE relatif à la coopération
douanière)
81 Article 28 TFUE. Elles sont définies par
la jurisprudence : CJCE, 14 décembre 1962, Commission c/
Grand-Duché de Luxembourg et Royaume de Belgique ; CJCE, 1er
juillet 1969, Commission c/ Italie
82 Fondement : article 34 et 35 TFUE ;
définition : CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville, CJCE, 9 décembre
1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »], CJCE, 24
novembre 1993, Keck et Mithouard
déplacement et consiste en pratique en un
établissement économique et financier. La notion
d'établissement a été précisée par la
jurisprudence « Gebhard » rendue par la CJCE le 30 novembre 1995 :
elle consiste pour un résident communautaire en la possibilité de
participer de façon stable et continue à la vie économique
d'un autre Etat que son Etat d'origine.
Enfin, on peut se référer à la
libre prestation de service.83 Elle consiste pour
le prestataire à se livrer sur un autre Etat membre à
l'exécution d'une prestation de service de façon temporaire.
Cette activité temporaire peut être occasionnelle ou même
régulière mais dans ce cas sans implantation permanente parce que
sinon il s'agirait de l'exercice du droit d'établissement.
Toutefois, des limites peuvent être apportées aux
libertés de circulation, notamment au nom de la protection de la
santé, nous y reviendrons.
Après cet aperçu général de la
notion de liberté d'entreprendre en droit interne et en droit de l'Union
européenne, nous allons dès à présent nous
interroger sur la notion de protection de la santé.
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83 Articles 56 et 57 du TFUE.
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