II - Les principales institutions de
sécurité sanitaire
Forme préventive par excellence de la protection de
santé publique, la sécurité sanitaire repose en partie sur
la capacité des autorités publiques à prévenir le
risque, le surveiller, l'évaluer lorsqu'il se présente et agir en
fonction des circonstances. Ainsi les autorités publiques ont mis
progressivement en place un dispositif de veille et d'évaluation des
risques sanitaires. Ces dispositifs ont été renforcés avec
le constat de disfonctionnements dans le système de prévention et
en réponse à de graves crises sanitaires survenues dans les
années 90 comme celles du sang contaminé, de la vache folle ou
encore de l'amiante. C'est dans ce cadre que la loi no 98-535 du 1er
juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du
contrôle de la sécurité sanitaire des produits
destinés à l'homme est intervenue, transformant ainsi
l'édifice institutionnel antérieur.
Souvent mises en place en réaction à de graves
crises sanitaires, les institutions nationales de sécurité
sanitaires prennent la forme d'agences incarnant l'action étatique et
dotées d'une forte capacité d'expertise ainsi que d'un pouvoir de
police sanitaire exercé au nom de l'État et
178 Principe n°15, Déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement des 3-14 juin 1992.
179 TPICE, 26 nov. 2002, Artegodan E.A. c/ Commission, aff.
jointes T-74/00 et autres, Rec. II. 4945 ; TPICE, 28 janv. 2003, Laboratoires
Servier c/ Commission, aff. T-147/00, Rec. II. 85
100
qui doit leur garantir une certaine autonomie. Nous nous
bornerons ici à dresser le paysage institutionnel français global
en matière de sécurité sanitaire afin de montrer dans quel
contexte interviennent les politiques de sécurité sanitaires.
L'Institut de Veille Sanitaire. Etablissement
Public Administratif, il est l'organe de la veille
épidémiologique. Ses missions sont réparties
autour de quatre pôles :
- La surveillance et l'observation permanente de l'état de
santé de la population (ex : progression
de l'épidémie de grippe etc.)
- Veille et vigilance sanitaire
- L'alerte sanitaire
- Gestion des situations de crises sanitaires.
L'Agence Nationale de Sécurité du
Médicament. Anciennement, Agence Française de
Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), elle
détient de larges compétences recouvrant notamment les essais, la
fabrication, le conditionnement, la mise sur le marché, l'exploitation
et l'exportation de l'ensemble des produits sanitaires destinés à
l'homme (médicament, organes ou tissus, lentilles, produits
cosmétiques, aliments diététiques, etc.). Pour remplir ses
missions elle dispose de différents pouvoirs comme l'évaluation,
l'inspection, le contrôle et la police sanitaire exercé au nom de
l'État (qui sera d'ailleurs toujours responsable). A ce titre, elle
assure la délivrance des autorisations de mise sur le marché et
elle a également un pouvoir de suspension ou d'interdiction des produits
ou activités en cas de danger. Enfin, pouvoir d'injonction afin que les
industriels retirent un produit voir à sa destruction.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de
l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES). Elle est
présentée comme mettant en oeuvre une « expertise
scientifique indépendante et pluraliste ». Son objectif premier est
la sécurité humaine dans les trois domaines qu'elle couvre
(alimentation, environnement et travail). Elle est en charge de : - Evaluation
des risques et de fournir une information aux pouvoirs publics.
- Contribution par son expertise à l'élaboration
des textes.
- La mise en oeuvre des mesures de gestion des risques (ex :
vache folle). Elle assure des missions de veille, d'alerte et de vigilance. En
cas de risque grave pour la santé, elle va pouvoir faire des
recommandations aux pouvoirs publics.
101
L'autorité de sureté nucléaire.
C'est une Autorité Administrative Indépendante qui
assure au nom de l'État le contrôle de la sécurité
nucléaire et de la radioprotection.
- Information des citoyens.
- Elle a pour se faire un champ de contrôle
étendu et diversifié : elle couvre toutes les activités
comportant un risque d'exposition aux rayonnements ionisants émanant
d'une source naturelle ou artificielle (installations nucléaires,
médicales, activités de recherche, industrielles et les
transports de déchet, de matières nucléaires).
- Veille permanente en matière de radioprotection sur
le territoire. Associée à la gestion de situations d'urgence.
L'État reste donc maitre des institutions de santé,
il est partout.
Agence européenne des
médicaments. Dans l'Union européenne, nous nous
restreindrons à évoquer l'Agence européenne des
médicaments car elle tiendra une place importante dans nos prochains
développements.
Créée en 1995 et organe de l'Union
européenne l'Agence a pour mission « la protection et la promotion
de la santé publique et animale à travers l'évaluation et
la supervision des médicaments à usage humain et
vétérinaire. »180 La principale mise en oeuvre de
sa mission est l'évaluation des demandes d'autorisation de mise sur le
marché de médicaments ainsi que le suivi de ces derniers
après obtention de ladite autorisation via notamment un réseau de
pharmacovigilance. Elle est dotée d'un Comité des
médicaments à usage humain qui est chargé de
préparer les avis de celle-ci sur toute question relative à
l'évaluation desdits médicaments.
Suite à ces avants propos, il est temps d'entrer dans le
vif de notre sujet.
180 Union européenne. Le site web officiel de
l'Union européenne. http://www.europa.eu/ (page
consultée le 16 avril 2013)
PREMIER CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À
LA COMMERCIALISATION DE BIENS DU FAIT DE LEUR NATURE
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102
On peut analyser les limitations à la liberté
d'entreprendre dans le commerce de biens et au-delà en allant des
procédés les plus dirigistes vers les plus libéraux. Nous
dresserons ici un paysage général de ce dégradé de
limitations en matière de santé publique. La plupart des points
évoquées ci-dessous seront approfondis dans nos
développements futurs.
Interdictions. C'est le régime le plus
contraignant, les interdictions sont généralement absolues.
Ainsi, par exemple, est interdit le commerce et la fabrication d'agents
microbiologiques ou autres agents biologiques et toxines biologiques s'ils ne
sont pas destinés à des fins pacifiques (article L2341-1 du Code
de la défense), d'absinthe (article 347 du Code général
des impôts, repris par l'article L3322-4 CSP) et de jouets ou amusettes
dangereux (article L5231-1 CSP). Enfin, l'interdiction peut être relative
par exemple quand elle désigne une catégorie de personnes. Ainsi,
la vente de produits du tabac est interdite aux mineurs de moins de dix-huit
ans (article L3511-2-1 CSP).
Autorisation administrative, licence ou
agrément préalables. C'est le régime de
contrainte intermédiaire, l'administration peut refuser une
autorisation, une licence ou un agrément. Sont par exemple soumises
à autorisation administratives préalables l'exploitation des eaux
minérales naturelles (article L1322-1 CSP), l'ouverture des
établissements de préparation et de vente en gros de produits
pharmaceutiques (article L5124-1 et s. CSP) et la mise sur le marché de
certains médicaments (article L5121-8 CSP). Enfin, est par exemple
soumise à une licence préalable la vente de boissons
alcoolisées (article L3331-1 CSP).
Déclaration préalable d'activité.
C'est le régime le moins contraignant, il suffit simplement
pour l'entrepreneur d'informer l'autorité administrative
compétente. Ainsi, doivent faire par exemple l'objet d'une
déclaration préalable l'ouverture et l'exploitation d'une
entreprise de cosmétiques (article L5131-2 CSP) et l'ouverture d'un
café, cabaret ou débit de boissons à consommer sur place
et y vendre de l'alcool (article L3332-3 CSP).
Note bene. Nous mettrons à disposition
en annexe un tableau des principales activités réglementés
(annexe n°1).
103
Ainsi, des procédés les plus dirigistes vers les
plus libéraux, nous traiterons dans une section 1 des
interdictions de commercialisation résultant de la dangerosité
des biens ou de leur provenance d'un corps humain ; puis nous analyserons dans
une section 2 les contrôles de commercialisation
fondés sur les dépendances que peuvent créer certains
biens.
Nota bene. Faute de pouvoir réaliser
une étude exhaustive, nous regrettons de ne pas traiter des
contrôles de commercialisation des eaux minérales et des
aliments.
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