CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
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La liberté d'entreprendre, comme toute liberté,
n'est définitivement pas absolue. C'est ainsi qu'une personne souhaitant
exercer certaines activités susceptibles dans leur exercice de porter
atteinte à la santé doit répondre de certaines
qualités et adopter un bon comportement. D'autant plus que ces
exigences seront renforcées lorsque la personne souhaite exercer une
activité directement en lien avec la santé.
Ces qualités sont de surcroit inhérentes
à la personne qui souhaite exercer l'activité. C'est ainsi par
exemple que les diplômes sont totalement hors commerce. De même, la
nationalité ou encore la capacité ne se marchandent pas. Il en va
de même si la personne a été condamnée à une
interdiction d'exercice : cette condamnation est indétachable de la
personne.
En outre, dans certaines situations il arrive que la personne
réponde aux qualités exigées pour accéder à
une profession dans l'Etat de sa nationalité. Dans un contexte de
mondialisation et de circulation massive des personnes, notamment pour des
motifs économiques, familiaux, politiques, etc., il n'est pas rare que
les personnes souhaitent exercer leurs activités dans un Etat tiers.
Toutefois, chaque Etat a sa conception de la santé et ses
mécanismes de protection. Il arrive ainsi que la personne se voit
opposer par son Etat d'accueil de nouvelles restrictions à
l'accès à une profession qu'elle exerçait pourtant dans
son Etat d'origine. Fondées sur la qualité professionnelle de la
personne, ces restrictions prennent aussi en compte sa qualité
d'étranger à l'Etat d'accueil. C'est ainsi que le droit de
l'Union européenne a créé des mécanismes visant
à conférer à la liberté économique de
circulation des personnes une application réelle et non que formelle.
Par ailleurs, dans d'autres situations, il arrive qu'une
personne soit indispensable à une activité économique dans
laquelle elle ne tire aucun bénéfice pécuniaire. C'est le
cas de la recherche biomédicale : elle ne pourrait avoir lieu sans la
personne qui s'y prête. Sa qualité de personne humaine, son
état de santé, son statut juridique sont tant de qualités
sur lesquelles la protection de la santé fonde des interdictions
à la liberté des promoteurs qui entreprennent la recherche.
Pourtant, dans certains cas, la qualité des personnes
est insuffisante pour comprendre comment la protection de la santé vient
limiter la liberté d'entreprendre. Il est donc temps d'aborder notre
seconde partie.
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SECONDE PARTIE LA PROTECTION DE LA SANTÉ ET
LES BIENS UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA NATURE ET LA DESTINATION DES
BIENS DANS LE CADRE DE LEUR COMMERCIALISATION
Dans le contexte des activités économiques des
personnes privées, la protection de la santé justifie de
nombreuses restrictions en touchant directement les biens. Cette variable
« biens » se matérialise à travers l'étude de la
nature et de la destination de ces dernières. Il pourra s'agir notamment
de produits substantiellement dangereux, d'éléments et produits
du corps humain, de biens de nature à créer des
dépendances, ou encore de produits destinés à la
santé des hommes. Le régime de commercialisation appliqué
à ces biens variera en fonction de leur nature ou de leur destination et
pourra justifier divers procédés des plus dirigistes au plus
libéraux (autorisation de mise sur le marché, mise hors du
commerce, etc.).
Ainsi, nous verrons en premier lieu que la protection de la
santé est un fondement des limites à la commercialisation de
biens du fait de leur nature (Chapitre 1er). En
second lieu nous verrons que la protection de la sante est un fondement des
limites à la libre circulation des produits destinés à la
santé des personnes (Chapitre 2nd). Mais
avant cela, nous présenterons en avants propos des
concepts fondamentaux nécessaires à l'appréhension de
notre démonstration (sécurité sanitaire, prévention
et précaution) ainsi que les principales institutions de
sécurité sanitaire.
AVANTS PROPOS
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Avant d'entrer dans le vif du sujet nous définirions
sommairement les concepts de sécurité sanitaire, de
prévention et de précaution qui aideront à la
compréhension de notre seconde partie (I). Ensuite,
dans le cadre de la sécurité sanitaire et notamment de la
surveillance, veille ou vigilance, nous dresserons un paysage des principales
institutions en la matière (II).
I - Les concepts de sécurité sanitaire,
de prévention et de précaution
Concept de sécurité sanitaire.
Notion récente datant du début des années 90,
elle est fondée sur le précepte primum non nocere (avant
soigner, il ne faut pas nuire). Selon la définition donnée par M.
TABUTEAU, la sécurité sanitaire est « la
sécurité des personnes contre les risques thérapeutiques
de toute nature, risques liés aux choix thérapeutiques, aux actes
de prévention, de diagnostic ou de soins, à l'usage de biens et
produits de santé comme aux interventions et décisions des
autorités sanitaires, »175 Cette définition a par
la suite été élargie par le même auteur qui
considère que « la notion s'est progressivement
détachée du risque sanitaire « induit » et s'est
imposée pour l'ensemble des risques sanitaires, auxquels l'homme est
confronté dans le système de santé mais également
en matière d'alimentation ou d'environnement. »176
Concepts de précaution et de prévention.
Les principes de précaution et de prévention concernent
respectivement la gestion des risques potentiels et des risques
avérés et s'adressent à tous ceux qui dans l'incertitude
doivent prendre des décisions : les autorités publiques. Ainsi,
en l'absence même de toute certitude, les autorités publiques
doivent pouvoir prendre des mesures provisoires et proportionnées visant
à prévenir un risque de dommage aux conséquences graves et
irréversibles. Elles doivent prendre une solution qui présente le
meilleur rapport bénéfices/risques.177
Le principe de précaution est issu du droit de
l'environnement et a pu être défini ainsi dans la
Déclaration de Rio de 1992 : « En cas de risque de dommages graves
ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit
pas servir de prétexte pour remettre à plus
175 TABUTEAU D., « La sécurité sanitaire
», Ed. Berger-Levrault, 1994, p. 11
176 TABUTEAU D., « Sécurité sanitaire et droit
de la santé », Revue de droit sanitaire et social, 2007 p.
823
177 Articles L.1110-5, L.1211-6 et L.1333-1 CSP
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tard l'adoption de mesures effectives visant à
prévenir la dégradation de l'environnement. »178 Ce principe
sera par la suite consacré dans le traité de Maastricht en 1992
et dans la législation française avec la loi Barnier du 2
février 1995. Par ailleurs, on notera que le principe de
précaution est un principe général du droit de
l'UE.179
Enfin, dans son article 191, le TFUE donne un fondement aux
principes de prévention et de précaution. On peut
différencier ces deux principes en affirmant que l'action de
prévention implique que l'on ait connaissance de l'existence, des
conséquences et de la survenance d'un risque, alors que l'action en
précaution se réfère à l'existence d'un risque dont
on présume l'étendue des conséquences, et dont on ignore
la réalité de la survenance.
Après cette présentation sommaire de ces trois
concepts, nous allons dresser le paysage des principales institutions de
sécurité sanitaire en France en évoquant aussi l'Agence
européenne des médicaments.
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