III - Contenu polysémique de la liberté
d'entreprendre
Nous l'avons dit, nous considérons dorénavant la
liberté du commerce et de l'industrie comme composante de la
liberté d'entreprendre. Ainsi nous nous permettront de confondre
à certains moments ces deux termes. Avant d'évoquer le contenu de
la liberté d'entreprendre et ainsi la définir
(B), nous devons déterminer quels en sont les
bénéficiaires (A).
A - Les bénéficiaires de la
liberté d'entreprendre (conception restrictive)
Nous allons tenter de donner une définition des
bénéficiaires de la liberté d'entreprendre. Notre
définition n'a pas pour ambition d'être absolue mais de tenter de
dégager la logique globale qui se trouve derrière la
reconnaissance de cette liberté afin de la cerner. Nous pouvons dire,
qu'en principe, cette liberté appartient aux personnes physiques
et morales de droit privé exerçant une activité
économique en leur nom et pour leur compte.
Premièrement, il s'agira donc des entreprises
privées et des travailleurs indépendants. Concernant les
entreprises, cette liberté s'exercera à travers leurs dirigeants
de droit ou de fait. Par ailleurs, on doit exclure en principe les
salariés des bénéficiaires de cette liberté
à cause de leur lien de subordination vis-à-vis de leurs
employeurs. Les salariés n'entreprennent pas une activité
économique mais participent à son exercice.
Toutefois, au nom du « principe fondamental de libre
exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du
Code du travail43 »44, la Cour de cassation a pu
déclarer illicite une clause de non-concurrence au motif qu'elle ne
comportait aucune contrepartie financière au bénéfice de
l'employé. On peut donner deux interprétations à cette
décision. Premièrement, on peut rattacher le libre exercice d'une
activité professionnelle des salariés à la liberté
d'entreprendre et ainsi conclure qu'elle peut dans certains cas
bénéficier à ces derniers. Deuxièmement, on peut
distinguer le libre exercice d'une activité professionnelle des
salariés du libre exercice d'une activité professionnelle des
entreprises ou travailleurs indépendant. Le premier serait une notion
autonome du droit du travail et le second serait une composante de la
liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini. Sans
exclure la première interprétation, nous penchons plutôt
vers la seconde. Enfin, s'il fallait retenir la première
interprétation, il faudrait envisager que le principe fondamental de
libre exercice d'une activité professionnelle
43 « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux
libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient
pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnées au but recherché. »
44 Cass. soc. 10 juill. 2002, N° 00-45.135
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tel qu'évoqué par la Cour de cassation puisse
avoir un double contenu. Après la rupture d'un contrat de travail, il
s'agirait d'une part, de la liberté d'être embauché dans
nouvelle entreprise et d'autre part, de pouvoir créer une nouvelle
activité économique. Dans le premier cas, on est dans une notion
autonome du droit du travail et dans le second, on entre dans le cadre de la
liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini.
Deuxièmement, notre définition exclut les
personnes publiques (et probablement les personnes privées agissant au
nom et pour le compte des personnes publiques) et les activités
d'intérêt général et donc, en principe, les services
publics (service public hospitalier par exemple). M. GUIBAL précisera en
ce sens qu' « Ici, la liberté des personnes privées ne
semble pas s'arrêter là où commence la liberté des
personnes publiques. En revanche, la liberté des personnes
privées semble être un obstacle à la liberté des
personnes publiques. Bref, la liberté du commerce et de l'industrie,
individuelle ou collective, est bien une liberté publique,
c'est-à-dire des droits et prérogatives accordés aux
personnes privées. »45
Enfin, il faut noter que certains auteurs excluent les
activités libérales de la liberté du commerce et de
l'industrie. Par exemple, M. GENEVOIS considère qu'elles relèvent
du libre exercice, par les membres des professions libérales, de leur
activité : « Les professions libérales sont censées
ne pas s'exercer comme un commerce. »46 On peut se
référer en ce sens par exemple au principe de
l'indépendance professionnelle et morale des
médecins.47 Toutefois, outre le fait que nous nous
référons à la notion de liberté d'entreprendre,
cette exclusion semble avant tout relever d'une question terminologique. Nous
préfèrerons donc nous référer à l'analyse de
M. GUIBAL selon qui « Lorsqu'il s'agit de liberté du commerce et de
l'industrie (...), les termes « commerce » et « industrie »
ne doivent pas être pris au pied de la lettre, car cette liberté a
un champ d'application beaucoup plus vaste et concerne la quasi-totalité
des activités économiques. » En l'espèce, les
professions d'avocat et de médecin libéral sont des
activités économiques.
Evoquons dès à présent le contenu de cette
liberté et tentons par la même de la définir.
45 GUIBAL M., op. cit., note 5
46 GENEVOIS B., op. cit. Note 12
47 CE, 20 avril 1988, Conseil national de l'ordre
des Médecins ; article L. 257 du code de la sécurité
sociale, dans sa rédaction résultant de la loi no 71-525 du 3
juillet 1971
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