II - Portée juridique de la liberté
d'entreprendre : une place importante dans la hiérarchie des normes
Comprendre la portée juridique de la liberté
d'entreprendre ne peut se faire en ignorant son quasi alter égo.
Il nous faudra pour cela étudier la valeur juridique de ces
principes (A) avant de les confronter (B).
A - La valeur juridique des libertés
d'entreprendre et du commerce et de l'industrie Valeur
juridique de la liberté du commerce et de l'industrie
Principe général du droit. Tout
d'abord, notons que la liberté du commerce et de l'industrie connait
plusieurs apparitions expresses dans la loi10 et dans des
arrêts du Conseil d'Etat11, qui se réfère plus
souvent à ce principe qu'à celui de la liberté
d'entreprendre (le Conseil Constitutionnel se référant quant
à lui à la liberté d'entreprendre). Par ailleurs, la
liberté du commerce et de l'industrie a été reconnue comme
un principe général du droit12 (règle
jurisprudentielle applicables sans texte), ce qui explique notamment que le
Conseil d'Etat ne se réfère pas nécessairement au
décret d'Allarde quand il évoque cette liberté.
Quelles sont les conséquences de cette qualification de
principe général du droit ? La doctrine est partagée sur
la valeur juridique des principes généraux du droit et donc sur
leur place dans la hiérarchie des normes. Selon M. CHAPUS, ils ont une
valeur infra-législative et supra-décrétale. Mais selon M.
GENEVOIS, cette approche parait trop réductrice « alors que le
droit comparé nous montre qu'il peut y avoir des principes
constitutionnels non-écrits. »13 Ainsi l'auteur
défend la thèse selon laquelle on peut aussi bien « faire
dépendre la valeur juridique
10 Voir par exemple les articles 5 et 48 de la loi
n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions.
11 Voir par exemple, CE, 4 mars 1910, 29373,
publié au recueil Lebon
12 CE Ass., 20 décembre 1935, Éts
Vezia (Lebon T. 1212, RD publ. 1936. 119, concl. R. Latournerie) : « Le
Conseil d'Etat admet que le principe de la liberté du commerce et de
l'industrie est applicable dans les colonies soumises à une
législation autonome et dans lesquelles la loi de 1791 n'avait pas
été promulguée » (V. LATOURNERIE, concl. RD publ.
1936. 127. - F. DREYFUS, op. cit., p. 227)) ;
CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac (à propos de la
décision du maire d'une commune de soumettre à autorisation
préalable l'activité de photographie dans les rues) ;
CE Ass., 13 mai 1983, Sté René Moline ;
CE, 13 mai 1994, Présid.de l'assemblée territoriale
de la Polynésie française
13 GENEVOIS B., « Principes
généraux du droit », Répertoire de contentieux
administratif, Dalloz
10
d'un principe général du droit du point de
savoir s'il est le fruit de l'interprétation d'un texte ou
procède d'une reconnaissance par le juge à partir de l'esprit
général de la législation. Dans le premier cas, la valeur
du principe est fonction du niveau dans la hiérarchie des normes du
texte interprété. [...] Lorsqu'un principe ne peut, prima
facie14, être rattaché à un texte
constitutionnel ou conventionnel [...] il paraît logique de s'en tenir
à l'affirmation de sa valeur infra-législative et
supra-décrétale. Mais de tels principes sont toujours
susceptibles de faire l'objet d'une promotion ultérieure, pour autant
qu'ils viendraient à être pris en considération par le juge
constitutionnel ou trouveraient un équivalent dans
l'interprétation que reçoit le droit conventionnel. »15
Il semblerait ainsi que le principe de la liberté du
commerce et de l'industrie étant issu de la loi des 2-17 mars 1791 ait,
en tant que principe général du droit, une valeur
législative.
Liberté publique. Ensuite, la
liberté du commerce et de l'industrie est une liberté publique
placée par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 sous la
sauvegarde du législateur.16
Quelles sont les conséquences de cette qualification ?
Cela signifie, en théorie, que le législateur est exclusivement
compétent pour réglementer les garanties fondamentales de
l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie, à savoir,
étendre ou restreindre le domaine dans lequel elle s'exerce. Mais, comme
le souligne M. GUIBAL, cela « n'implique évidemment pas une
compétence exclusive du législateur pour réglementer
directement toutes les formes de son exercice. Elle implique une
exclusivité du législateur soit pour réglementer
intégralement - si cela est techniquement possible - telle ou telle
modalité d'exercice de la liberté, soit - ce qui est beaucoup
plus fréquent pour des raisons techniques - pour fixer aux
autorités administratives les limites à l'intérieur
desquelles ces autorités auront compétence pour encadrer
l'exercice de la liberté. »17 Ainsi, à titre
d'illustration, on peut noter qu'en l'absence de loi, la subordination par le
maire d'une commune de l'exercice d'une activité économique
à la délivrance d'une autorisation préalable est contraire
à la liberté du commerce
14 Expression latine signifiant « Au premier
regard »
15 GENEVOIS B., op. cit. Note 12
16 CE Sect., 18 octobre 1960, Martial de Laboulaye
; CE Ass., 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe, Rec.
CE, p. 386 (le gouvernement ne peut porter atteinte au « libre
accès à l'exercice par les citoyens de toute activité
professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale
»)
17 GUIBAL M., op. cit., note 5
11
et de l'industrie.18 Il existe de nombreuses
limitations réglementaires à la liberté du commerce et de
l'industrie, mais elles ne sont possibles que par habilitation
législative, la loi étant garante de cette
liberté.19
Enfin, le Conseil Constitutionnel n'a pas reconnu de valeur
constitutionnelle à la liberté du commerce et de l'industrie, ce
qui n'est pas le cas de la liberté d'entreprendre.
Valeur juridique de la liberté
d'entreprendre
Valeur constitutionnelle. Par une
décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 dite «
Nationalisation », le Conseil Constitutionnel a reconnu comme principe
à valeur constitutionnelle la liberté d'entreprendre. Le Conseil
précisera dans cette même décision que « la
liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration,
consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne
saurait elle-même être préservée si des restrictions
arbitraires ou abusives étaient apportées à la
liberté d'entreprendre. »
Le Conseil a toutefois précisé la même
année, concernant la liberté de communiquer et la liberté
d'entreprendre, que « ces libertés qui ne sont ni
générales ni absolues ne peuvent exister que dans le cadre d'une
réglementation instituée par la loi (...).20
Ainsi, « il est loisible au législateur d'y
apporter [au principe de la liberté d'entreprendre] des limitations
exigées par l'intérêt général à la
condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en
dénaturer la portée. »21
De même, le législateur peut apporter à
cette liberté des limitations « liées à des exigences
constitutionnelles »22 comme par exemple l'objectif
constitutionnel du pluralisme23. Ainsi, cette liberté doit
être conciliée avec les autres principes à valeur
constitutionnelle, notamment
18 CE, 22 juin 1951, Daudignac
19 Outre la jurisprudence Laboulaye
précitée ; CE, 22 mars 1991, Association Fédérale
des Nouveaux Consommateurs et Société Tousalon
20 CC, 82-141 DC, 27 juillet 1982
21 CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant
la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités
d'application des privatisations
22 CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000
23 CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000
12
issus du Préambule de 1946, à condition qu'il
n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de
l'objectif poursuivit.24
En résumé, le législateur peut apporter
des limites à la liberté d'entreprendre si elles sont
justifiées par des exigences constitutionnelles ou par
l'intérêt général et à la condition de
respecter le principe de proportionnalité au regard de l'objectif
poursuivi.25 Ainsi on peut dire que la loi ne peut remettre en cause
substantiellement la liberté d'entreprendre mais elle peut et doit la
mettre en oeuvre.
Outre le contrôle de conformité des lois à
la liberté d'entreprendre opéré par le Conseil
Constitutionnel, le Conseil d'Etat a pu examiner la conformité d'actes
administratifs à la liberté d'entreprendre26 ou
à la protection de la santé.27 En effet, «
lorsqu'il ne fait pas application de la théorie de l'écran
législatif28 (...), le juge administratif opère un
contrôle de constitutionnalité direct de l'acte administratif dans
deux hypothèses : quand l'acte
24 CC, 2004-509 DC, 13 janvier 2005, Loi de
programmation pour la cohésion sociale : « pour poser des
règles propres à assurer au mieux, conformément au
cinquième alinéa du Préambule de 1946, le droit pour
chacun d'obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté
d'entreprendre des limitations liées à cette exigence
constitutionnelle, à la condition qu'il n'en résulte pas
d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi»
25 CC, 2010-55 QPC, 18 octobre 2010 : « Il est
loisible au législateur d'apporter à la liberté
d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à
des exigences constitutionnelles ou justifiées par
l'intérêt général, à la condition qu'il n'en
résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif
poursuivi. »
26 CE, 9 nov. 2007, req. no 257252 ; CE, 10 juin 2009,
req. no 318066
27 CE, 2 juill. 2007, req. no 295685
28 « Le juge administratif français s'est
traditionnellement refusé à opérer un contrôle de
constitutionnalité des lois, qu'il s'agisse d'un contrôle direct
ou dans le cadre de l'examen de la légalité d'un acte
administratif. », « Dans le cadre du contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs, le juge ordinaire distingue
deux hypothèses : soit aucune loi ne s'interpose entre la Constitution
et l'acte administratif à analyser, soit cet acte administratif est
fondé sur une loi qui fait écran entre cet acte et la
Constitution. Contrôler la constitutionnalité de cet acte
administratif reviendrait alors à contrôler indirectement la
constitutionnalité de la loi, car l'acte administratif serait toujours
conforme à la loi, même s'il n'est pas conforme à la
Constitution. », VERPEAUX M., « Contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs »,
Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, janvier 2011
(mise à jour : janvier 2012).
En résumé, le juge administratif, refuse
d'effectuer un contrôle de constitutionnalité d'un acte
administratif qui résulte directement de l'application d'une loi (l'acte
est ici vu comme contenant des dispositions d'application de la loi se bornant
à la réitérer) car cela reviendrait, selon la
théorie de la loi-écran, à contrôler la
constitutionnalité d'une loi, examen réservé au Conseil
Constitutionnel.
13
administratif relève du pouvoir réglementaire
autonome (Const., art. 37)29 ou quand l'acte ne constitue pas une
stricte application de la loi. »30
Par ailleurs, il faut noter que les actes de gouvernement non
détachables de la conduite des relations internationales de la France
échappent à tout contrôle juridictionnel et peuvent donc
faire échec à la liberté d'entreprendre.31
Liberté fondamentale. Enfin, il faut
noter que la liberté d'entreprendre est une liberté fondamentale
au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative32
relatif au référé liberté33. Ainsi, les
justiciables disposent d'un recours juridictionnel célère pour
contester toute atteinte à la liberté fondamentale
d'entreprendre.
Nous venons de la voir, la liberté d'entreprendre et la
liberté du commerce et de l'industrie n'ont pas la même valeur
juridique mais coexistent. Il est temps de confronter ces principes et d'en
dégager les similitudes et les différences. De même, nous
pouvons légitimement nous demander quel est l'intérêt de
leur coexistence.
29 « Les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire. »
30 VERPEAUX M., op. cit. note 27
31 CE, 29 décembre 1997, Sté
Héli-Union, req. no138310 : En l'espèce, un décret pris
par le gouvernement et faisant appliquer une résolution de l'ONU
interdisait aux citoyens la fourniture de tout avion ou tout composant d'avion
à la Libye.
32 Article L. 521-2 du Code de justice
administrative: "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence,
le juge des référés peut ordonner toutes mesures
nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale
à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait
porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et
manifestement illégale..."
33 CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay,
requête numéro 239840
14
B - Les rapports entre la liberté d'entreprendre
et la liberté du commerce et de l'industrie
Généralement, la doctrine considère que
la liberté du commerce et de l'industrie est un principe englobant la
liberté d'entreprendre et la libre concurrence.34 Selon cette
conception, la liberté d'entreprendre serait identique à la
liberté du commerce et de l'industrie sans son versant concurrentiel.
Ensuite, une partie de la doctrine considère que la
liberté d'entreprendre est l'appellation moderne de la liberté du
commerce et de l'industrie.35 On peut se demander si cette
conception ne relève pas, entre autres, d'une analyse liant la
terminologie de ces principes (« commerce », « industrie »,
« entreprendre ») et le contexte historique, économique et
politique dans lequel ils interviennent ou sont intervenus (abolition des
corporations, industrialisation, libéralisme, valorisation de
l'entreprenariat, etc.). Pour illustrer ces contextualisations, on peut
souligner que ces principes sont parfois utilisés à des fins
politiques. On peut par exemple évoquer la récente volonté
de Mme PARISOT de « demander au gouvernement d'inscrire la "liberté
d'entreprendre dans la Constitution" et de mettre "la
compétitivité" au centre des débats, lors de l'ouverture
de la conférence sociale avec les partenaires sociaux [du] lundi 9
juillet [2012]. »36
Par ailleurs, on peut se demander si ces deux principes
n'auraient pas au final comme différence que leur valeur juridique.
Affirmer cela ne signifie pas qu'il est inopportun de faire coexister
juridiquement ces deux principes et qu'il faudrait ainsi abandonner l'un des
deux. En effet, au-delà des problèmes d'intelligibilité du
droit que peut poser cette coexistence, elle
34 « V. par exemple, Jean-Yves Chérot, Droit
public économique, Economica, 2002, p. 44 ; Hubert-Gérald
Hubrecht, Droit public économique, Dalloz, 1997, p. 86 ; Jean-Philippe
Colson, Droit public économique, LGDJ, 1995, p. 48 ; Pierre Bon, La
liberté d'entreprendre, in Dictionnaire constitutionnel, sous la dir. de
Olivier Duhamel et Yves Meny, 1992, p. 582 ; contra Pierre Delvolvé,
Droit public de l'économie, Dalloz, 1998, p. 105 et s. »
Cité par JACQUINOT N. dans « La liberté d'entreprendre dans
le cadre du référé-liberté : un cas à part ?
», AJDA 2003 p. 658
35 RUET L., « Du principe de rivalité
», Recueil Dalloz, 2002 p. 3086 : « Le décret d'Allarde des 2
et 17 mars 1791, qui pose le principe de la liberté du commerce et de
l'industrie, rebaptisé aujourd'hui liberté d'entreprendre »
; CARCASSONNE G., op. cit. note 2 : « Ce n'est qu'à partir
de la Révolution que, véritablement, ce qui s'appellera longtemps
la liberté du commerce et de l'industrie (avant que de s'appeler la
liberté d'entreprendre), sera proclamé de manière
définitive. »
36 Le Monde.fr avec AFP. « Parisot veut
inscrire la "liberté d'entreprendre" dans la Constitution ».
http://www.lemonde.fr/ (page consultée le 16 mars 2013)
15
peut présenter un intérêt contentieux.
Nous disions précédemment que le Conseil d'Etat a pu examiner la
conformité d'actes administratifs à la liberté
d'entreprendre ; pourtant, « l'invocation par les parties et leurs
conseillers de normes à valeur constitutionnelle et le recours à
celles-ci par le juge administratif restent, malgré tout, exceptionnel
»37. En effet, l'invocation de normes à valeur
constitutionnelles est un moyen pouvant entrainer l'application par le juge
administratif de la théorie de l'écran législatif. Pour
éviter cela, deux alternatives s'ouvrent aux justiciables.
Premièrement, ils peuvent invoquer les instruments internationaux, dont
le contenu est souvent semblable aux normes constitutionnelles (notamment
concernant les droits et libertés), pour demander au juge ordinaire
d'effectuer un contrôle de conventionalité38 pour
contrôler la conformité de la loi nationale avec les
traités internationaux et le droit communautaire
dérivé.39 Notons que « la mise en cause de la loi
peut seulement être invoquée quand celle-ci est la base de l'acte
administratif objet du recours. »40 Deuxièmement, et c'est
là que se trouve l'intérêt de la coexistence de nos deux
principes, les justiciables peuvent invoquer devant le juge administratif la
liberté du commerce et de l'industrie issue de la loi des 2 et 17 mars
1791 pour contester un acte administratif et ainsi faire échec à
la théorie de la loi-écran. En effet, si un justiciable invoque
le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre pour contester
un acte administratif qui résulte directement de l'application d'une
loi, le juge administratif pourra leur opposer la théorie de la
loi-écran dans la mesure où contrôler la
constitutionnalité de cet acte reviendrait à contrôler
celle de la loi qu'il se borne à réitérer. Cette analyse
demeure toutefois très théorique.
Enfin, et c'est la conception que nous retiendrons, le Conseil
d'Etat a récemment affirmé que la liberté du commerce et
de l'industrie est une composante de la liberté fondamentale
d'entreprendre41 (le terme « fondamentale » étant
utilisé pour répondre au contexte de l'arrêt rendu qui
était relatif au référé liberté de l'article
L. 521-2 du Code de justice administrative).
37 VERPEAUX M., op. cit. note 27
38 Contrôle rendu possible devant le juge
judiciaire depuis Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre et devant le
juge administratif depuis CE Ass., 20 oct. 1989, req. no 108243, Nicolo
39 Concernant les règlements, CE 24 sept.
1990, req. no 58657 ; concernant les objectifs d'une directive restés
non transposés, une fois expiré son délai de
transposition, CE Ass., 28 févr. 1992, SA Rothmans International France
et SA Philip Morris France, req. no 56776
40 VERPEAUX M., op. cit. note 27
41 CE, 12 novembre 2001, Commune de
Montreuil-Bellay, requête numéro 239840 : « (...) la
délibération litigieuse ne saurait être regardée
comme portant une atteinte grave à la liberté du commerce et de
l'industrie qui est une composante de la liberté fondamentale
d'entreprendre »
16
A ce titre, le fait que cette affirmation émane du
Conseil d'Etat, qui se réfère généralement à
la liberté du commerce et de l'industrie (alors que le Conseil
Constitutionnel se réfère quant à lui à la
liberté d'entreprendre) ne peut que renforcer son autorité. En
somme, si on voyait là (notamment) une « guerre terminologique
» entre ces deux juridictions, le fait que le Conseil d'Etat vienne
donner force supérieure à la liberté d'entreprendre sur la
liberté du commerce et de l'industrie a, au minimum, une portée
symbolique remarquable.
Au-delà de cette remarque, ce que nous avons
expliqué précédemment sur l'utilité d'invoquer la
liberté du commerce et de l'industrie devant les juridictions
administratives plutôt que la liberté d'entreprendre au regard de
la théorie de l'écran législatif peut aussi expliquer le
choix par les juridictions (ou les justiciables) d'utiliser l'un ou l'autre de
ces deux principes.
Par ailleurs, Mme JACQUINOT nous livre une analyse
intéressante et pertinente de cet arrêt : « En effet, le
Conseil d'Etat, en choisissant de faire de la liberté du commerce et de
l'industrie une composante de la liberté d'entreprendre (...) et non
l'inverse, a pris le contre-pied de la position généralement
retenue. Il retient donc délibérément une conception de la
liberté d'entreprendre qui laisse planer un doute sur ses composantes
exactes mais qui ne peut être que très large, sauf à
exclure la liberté de concurrence, puisque, traditionnellement, la
liberté du commerce et de l'industrie était
considérée comme incluant cette dernière. Pour l'instant,
étant donné que la liberté du commerce et de l'industrie
implique d'accéder librement aux activités économiques et
donc aux professions qui en découlent, il est logique, dans cette
perspective large, que la liberté d'entreprendre englobe plus
généralement le libre exercice de toute activité
professionnelle (...), reconnue plus récemment (...), et sans que le
Conseil d'Etat ait besoin de faire explicitement mention de ce rattachement.
»42
Ce dernier commentaire nous amène à nous
interroger sur le contenu de la liberté d'entreprendre et de la
liberté du commerce et de l'industrie, composante de cette
première.
42 JACQUINOT N., « La liberté
d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un
cas à part ? », AJDA 2003, p. 658
17
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