B - L'opposabilité du principe de
gratuité de l'implication du sujet dans la recherche
Afin d'éviter tout enrichissement du sujet ou que sa
participation à des recherches biomédicales « devienne une
"profession" »169, diverses mesures contenues dans le CSP
tendent à limiter ce type de dérives à la fois pour des
motifs de moralité (la santé n'est pas vouée à
être un commerce) et de protection de la santé. Nous n'irons pas
pousser le vice jusqu'à nous demander s'il s'agirait là d'une
limite à la liberté d'entreprendre des sujets souhaitant faire de
leur implication dans la recherche une profession mais il s'agira de montrer
que le législateur a pris conscience des dérives que pourrait
engendrer la contrepartie financière d'une participation à la
recherche.
Toutefois, pour que la recherche puisse avoir lieu, encore
faut-il trouver des personnes volontaires, c'est ainsi que le
législateur a tenté de trouver un équilibre entre la
protection de la moralité publique et de la santé publique et
l'intérêt scientifique pouvant résulter des recherches
biomédicales. Ainsi ces dispositions vont dans une certaine mesure
rendre plus difficile le recrutement de volontaires dans la recherche et ainsi
restreindre l'exercice de cette activité pour les promoteurs.
Nous étudierons pour éluder ces questions le
principe de gratuité de la participation à une recherche
biomédicale et ses aménagements (1) ainsi que
l'éventualité d'une interdiction de se prêter à
plusieurs recherches simultanément (2).
1 - Le principe gratuité de la
participation à une recherche biomédicale et ses
aménagements
L'article L. 1121-11 du CSP oppose le principe de
gratuité de la participation à une recherche biomédicale
aux acteurs de la recherche en disposant qu'elle ne donne lieu à aucune
contrepartie financière directe ou indirecte pour les personnes qui s'y
prêtent.
Ce principe est absolu si le sujet impliqué dans la
recherche est un mineur ou un majeur protégé ou plus largement
hors d'état d'exprimer son consentement. Il en va de même
concernant les personnes privées de liberté ou faisant l'objet de
soins psychiatriques ou admises dans un établissement sanitaire et
social à d'autres fins que la recherche.
169 CRISTOL D., « La révision de la loi «
Huriet » par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de
santé publique », Revue de droit sanitaire et social, 2004
p. 885
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Outre le cas des personnes que nous venons d'évoquer,
le principe de gratuité a fait l'objet de certains aménagements.
Ainsi est admis le remboursement des frais exposés par le sujet et,
« le cas échéant », l'indemnité en compensation
des contraintes subies par ce dernier (immobilisation prolongée, etc.)
et versée par le promoteur. La précision « le cas
échéant » semble suffisamment imprécise pour faire
courir le risque d'une dérive tenant à ce que l'indemnité
compensatoire soit versée systématiquement de telle sorte
à ce qu'elle puisse être assimilée à une «
rémunération déguisée ».170
Toutefois, afin de minimiser les risques tendant à ce que « la
participation à des recherches devienne une "profession" et que des
personnes ne disposant pas d'une protection sociale ne "se vendent"
»171, le montant total des indemnités qu'une personne
peut percevoir au cours d'une même année est limité
à un maximum fixé par le ministre chargé de la
santé.
Par ailleurs, afin d'assurer leur protection, le CSP interdit
aux sujets qui ne sont pas affiliés ou bénéficiaires d'un
régime de sécurité sociale de participer à une
recherche biomédicale. Il s'agit en pratique d'éviter qu'en cas
de dommage, le sujet ait à supporter les frais de soin en attendant que
l'assurance du promoteur intervienne (ou, le cas échant, l'Office
national d'indemnisation des accidents médicaux lorsque la
responsabilité du promoteur n'est pas engagée).172 En
effet, les charges liées à un dommage sont supportées
« en fin de chaine » par le promoteur. A ce titre, l'organisme de
sécurité sociale dispose contre le promoteur d'une action en
paiement des prestations versées ou fournies.
Il s'agit donc, comme ce fut le cas dans la jurisprudence
administrative relative à l'interdiction du lancer de
nain173, de protéger les personnes contre elles-mêmes,
mais dans ce cas, afin de protéger leur santé.
L'éventail des mesures prises pour assurer le principe
de gratuité, et ainsi à ne pas faire de la participation à
la recherche une cause d'enrichissement des sujets qui s'y prêtent,
comprend aussi la possibilité de leur interdire la participation
à plusieurs recherches simultanément.
170 Ididem.
171 Ibid.
172 Ibid.
173 CE, 27 octobre 1995, (deux espèces) Ville
d'Aix-en-Provence et Commune de Morsang-sur-Orge
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2 - L'éventuelle interdiction de se
prêter simultanément à plusieurs
recherches
Avant 2004, l'interdiction de se prêter
simultanément à plusieurs recherches était absolue
concernant les recherches sans finalité thérapeutique directe ;
c'est-à-dire qu'elle pesait sur les sujets « sains » se
prêtant volontairement à une recherche biomédicale.
Toutefois, depuis la loi du 9 août 2004 relative
à la politique de santé publique, la décision
d'interdiction de participer simultanément à plusieurs recherches
est, pour chaque recherche biomédicale, laissée à la
discrétion du Comité de protection des personnes compétent
et de l'ANSM (art. L. 1121-12 CSP).
Par ailleurs, ces derniers pourront fixer, le cas
échéant, une période d'exclusion au cours de laquelle le
sujet impliqué dans une recherche ne peut participer à une autre
recherche. La durée de cette période varie en fonction de la
nature de la recherche (art. L. 1121-12 CSP).
Notons enfin que le sujet doit être informé par
l'investigateur, ou un médecin qui le représente et
préalablement à la réalisation de la recherche, de
l'interdiction de participer simultanément à une autre recherche
ou de la période d'exclusion (art. L. 1122-1 CSP).
Les dispositions précitées s'inscrivent dans le
double objectif d'éviter un enrichissement des sujets et de
protéger leur santé.
En outre, si une recherche biomédicale n'est pas
vouée à durer indéfiniment, elle doit dans certaines
situations se terminer de manière anticipée, notamment quand est
en jeu la protection de la santé du sujet.
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