B - Les conditions restreignant l'entreprise de la
recherche biomédicale
Entreprendre une recherche biomédicale suppose la
réunion de conditions fondamentales (1) mais aussi le
recueil d'avis et autorisation (2).
1 - La réunion de conditions fondamentales
tenant à l'objet de la recherche
Parce que la personne humaine est au coeur du processus de
recherche, cette dernière ne peut se faire sans le respect de certaines
conditions élémentaires. Ainsi, l'article L. 1121-2 impose la
réunion de cinq conditions pour que la recherche puisse avoir lieu.
Premièrement, la recherche doit se fonder sur le
dernier état des connaissances scientifiques ou sur une
expérimentation préclinique suffisante ; l'essai sur l'être
humain arrive en bout de chaine (par exemple, le cas échéant,
après expérimentation animale).
Deuxièmement, la recherche doit prendre en compte la
balance bénéfice/risque. Ainsi, la recherche ne peut avoir lieu
si le risque encouru par les sujets est hors de proportion avec le
bénéfice escompté pour ces personnes ou pour
l'intérêt de cette recherche.
Troisièmement, la recherche doit avoir pour
finalité un progrès scientifique. Elle doit ainsi viser à
étendre la connaissance scientifique de la personne humaine et les
moyens susceptibles d'améliorer sa condition.
Quatrièmement, la recherche ne peut avoir lieu si elle
n'a pas été conçue de manière à minimiser la
douleur, les désagréments, la peur ou tout autre
inconvénient prévisible lié à la maladie ou
à la recherche, en tenant compte particulièrement du degré
de maturité pour les mineurs et de la capacité de
compréhension pour les majeurs hors d'état d'exprimer leur
consentement. Ainsi le CSP prévoit d'une part une protection
générale du sujet, qui est d'autre part adaptée
pragmatiquement à son degré de vulnérabilité.
Cinquièmement et enfin, le CSP synthétise les
précédentes conditions en posant un principe
général d'interdiction de la recherche biomédicale dans le
cas où l'intérêt des sujets n'est pas
considéré comme supérieur à la science et à
l'intérêt de la société. Il s'agit de
l'intérêt des sujets moyens de la recherche et non des personnes
humaines en général : la finalité de la recherche, le
progrès scientifique, devrait être bénéfique pour la
santé de tous.
L'exigence de réunir ces conditions constitue
typiquement une limitation de la liberté d'entreprendre du promoteur, et
ce a fortiori parce que la finalité de la recherche est ici
contrôlée.
Une fois ces conditions réunies, le promoteur doit
recueillir avis et autorisation.
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2 - L'obtention d'un avis favorable et d'une
autorisation administrative nécessaires à l'entreprise de la
recherche
Conséquente limitation à la liberté
d'entreprendre, la recherche biomédicale ne peut avoir lieu
qu'après avis favorable du Comité de protection des personnes
compétant (personne morale indépendante implantée au
niveau régional) et autorisation administrative de l'Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé,
ci-après « ANSM » (articles L. 1121-4 et L. 1123-8 CSP). Le
Comité émet un avis motivé sur la pertinence de la
recherche et sur les conditions de protection des sujets. Il faut aussi noter
que cette procédure de contrôle s'applique également lors
de toute modification substantielle de la recherche en cours.
Par ailleurs et enfin, le lieu de la recherche fait l'objet,
notamment lorsque il n'est pas le lieu d'exercice des professionnels de
santé, d'une autorisation administrative préalable (art. L.
1121-13 CSP).
Noli me tangere !166 Puisque les recherches
biomédicales nécessitent d'utiliser le corps humain du sujet ou
d'y accéder, son consentement est requis préalablement à
toute entreprise de recherche biomédicale. De même, un certain
nombre d'informations devront lui être communiquées.
3 - Les obligations d'information et de recueil du
consentement du sujet impliqué dans la recherche
Les obligations d'informer le sujet (a) et de
recueillir son consentement (b) sont contenues dans les
articles L. 1122-1 et s. du CSP.
a - L'obligation d'information préalable du
sujet
Préalablement à la réalisation d'une
recherche biomédicale et au recueil du consentement du sujet,
l'investigateur, ou un médecin qui le représente, doit
obligatoirement lui délivrer un certain nombre d'informations. Le
caractère préalable de l'obligation est strictement
interprété par le juge. Ainsi, à titre d'illustration,
« une recherche biomédicale commence dès que le placebo est
prescrit, sans même qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le
point de savoir s'il a
166 Formule latine signifiant « Ne me touches pas !
»
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été ou non ingéré.
»167 Nous allons dès lors présenter la plupart
des informations imposées par le CSP.
Tout d'abord, le sujet doit être informée sur les
objectifs, la méthodologie et la durée de la recherche, et sur le
bénéfice attendu, les contraintes et risques prévisibles y
compris en cas d'arrêt de la recherche avant son terme.
Ensuite, le sujet doit être informé de l'avis
donné par le Comité de Protection des Personnes compétent
et de l'autorisation délivrée par l'autorité
administrative compétente.
Aussi, l'information doit porter sur les modalités de
prise en charge médicale prévues en fin de recherche, si une
telle prise en charge est nécessaire, en cas d'arrêt
prématuré de la recherche, et en cas d'exclusion de la
recherche.
Enfin, si le sujet se prête à la recherche en
tant que patient, il doit être informé des éventuelles
alternatives médicales envisageables et de son droit d'avoir
communication, au cours ou à l'issue de la recherche, des informations
disponibles concernant sa santé.
L'obligation d'information perdure tout le long de la
recherche. Sans constituer une limite à la liberté
d'entreprendre, cette obligation d`information peut avoir un effet dissuasif
sur le sujet et retarder ainsi l'entreprise de la recherche. A l'issue de
l'expérience, la personne impliquée
a le droit d'être informée des résultats
globaux obtenus.
Une fois informé, et toujours préalablement
à la réalisation de la recherche, le sujet devra donner son
consentement pour pouvoir être impliqué dans la recherche.
b - L'obligation de recueil préalable du
consentement du sujet
Puisque le corps du sujet est atteint dans le processus de
recherche, le recueil de son consentement préalablement à son
implication dans la réalisation de la recherche est obligatoire et doit
faire suite au respect de l'obligation d'information. C'est ainsi que son
consentement doit être libre et éclairé et en principe
donné par écrit.
Ensuite, la personne est informée de son droit de
refuser de participer à la recherche et de retirer son consentement
à tout moment sans encourir aucune responsabilité.
Par ailleurs, les mineurs et majeurs protégés
reçoivent une information adaptée à leur capacité
de compréhension, il ne peut être passé outre à leur
refus.
167 Cour d'appel de Paris, 11e ch. corr., 1er mars
1996, D. 1999. 603, note Roujou de Boubée
81
En outre, si dans l'intérêt de la santé du
patient, la recherche biomédicale doit être réalisée
dans une situation d'urgence ne permettant pas de recueillir son consentement,
seul peut être sollicité celui des membres de sa famille ou celui
de la « personne de confiance » (désignée par le
patient) s'ils sont présents et sous certaines conditions. Toutefois, le
sujet est informé dès que possible et son consentement lui est
demandé pour la poursuite éventuelle de cette recherche.
Dès que les conditions préalables à
l'entreprise de la recherche sont réunies, la recherche va pouvoir
être réalisée mais cette étape demeure
encadrée par le CSP, qui pose un certain nombre de contraintes visant
les acteurs de la recherche biomédicale.
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