B - Le régime global des libertés
d'établissement et de prestation de service
De ces libertés découle naturellement une
interdiction des entraves et des discriminations (1), mais
pour les rendre plus effectives, l'Union européenne a ouvert des
processus d'harmonisations et de reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles (2).
1 - L'interdiction des entraves à la libre
circulation et des discriminations tenant à la nationalité des
personnes : le socle minimal de garantie d'effectivité des
libertés
Dans le cadre de la libre prestation de service et du libre
établissement, si les Etats sont libres de réglementer les
activités économiques, le droit de l'Union européenne
interdit toutefois les entraves à la libre circulation et les
discriminations entre leurs ressortissants et ceux des autres Etats membres.
D'une part, concernant les entraves, cette notion a
été défini par la Cour de Justice comme toute mesure qui,
« même applicable sans discrimination tenant à la
nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant
l'exercice, par les ressortissants communautaires, y compris ceux de
l'État membre auteur de la mesure, des libertés fondamentales
garanties par le traité. »151 Il s'agira par exemple de
la nécessité d'obtenir une autorisation administrative pour
pouvoir exercer une activité.
D'autre part, concernant les discriminations, la Cour de
Justice interdit par extension les discriminations indirectes ; à savoir
« toutes formes dissimulées de discriminations qui, bien que
fondées sur des critères en apparence neutres, aboutissent en
fait au même résultat »152 qu'une discrimination
fondée sur la nationalité.
Outre ces interdictions, la diversification des
réglementations des différents Etats a conduit l'Union
européenne à prendre des mesures visant à faciliter
l'effectivité des libertés.
2 - Harmonisations et reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles : vers une facilitation de l'effectivité
de l'exercice des libertés
Afin de faciliter l'exercice effectif des libertés
d'établissement et de prestation de service, des directives
communautaires ont été adoptées notamment en vue de mettre
en place une reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des
ressortissants des différents
151 CJCE, 31 mars 1993, Kraus, affaire C19/92
152 CJCE, 12 févr. 1974, Sotgiu, aff. 152/73
Etats membres (notamment des diplômes) et une
harmonisation des conditions d'accès et d'exercice de certaines
professions. La principale directive en la matière est la directive
2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications
professionnelles.
La directive met en place un régime
général de reconnaissance des titres de formation en
matière de liberté d'établissement. Tout d'abord,
l'article 11 de la directive regroupe les qualifications professionnelles en
cinq niveaux. Ensuite, l'article 13 prévoit que le ressortissant d'un
Etat membre qui souhaite accéder à une profession dans un autre
Etat membre et dont l'exercice est subordonné à la possession de
qualifications professionnelles déterminées, doit pour cela
être titulaire d'un titre de formation prescrit par son Etat pour
accéder à cette même profession. Ce titre doit avoir
été délivré par une autorité
compétente dans son Etat et attester d'un niveau de qualification
professionnelle au moins équivalent au niveau immédiatement
inférieur à celui exigé dans l'État membre
d'accueil.
Complémentairement, l'article 14 autorise les Etats
membres mettent en place dans certaines situations des « mesures
compensatoires » pour l'accès ou l'exercice d'une profession.
L'Etat pourra ainsi imposer aux personnes d'accomplir un stage d'adaptation
pendant trois ans au maximum ou les soumettre à une épreuve
d'aptitude. Ainsi, même dans le régime général de
reconnaissance, les Etats gardent une marge de manoeuvre pouvant aboutir
à limiter la liberté d'établissement.
Outre ce régime général, certaines
professions bénéficient quant à elles d'une reconnaissance
automatique des qualifications professionnelles dans l'Union européenne
sur la base de la coordination de conditions minimales de formation. L'article
21 de la directive pose ainsi le principe de reconnaissance mutuelle des
professions d'architecte, de dentiste, d'infirmière, de médecin,
de pharmacien, de sage-femme et de vétérinaires.
L'automaticité de la reconnaissance n'est pas absolue
et la directive pose pour cela certaines conditions. Ainsi par exemple,
concernant les médecins, la reconnaissance ne pourra se faire
automatiquement s'il existe des différences importantes entre le titre
de formation détenu par la personne et celui requis dans le pays
d'accueil pour exercer la profession de médecin. L'Etat d'accueil pourra
dans ce cas imposer aux médecins d'accomplir un stage d'adaptation
pendant trois ans au maximum ou les soumettre à une épreuve
d'aptitude ; ce qui constitue une possibilité de limiter la
liberté d'établissement des personne.
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En outre, étudions dès à présent les
limites qui sont apportées à ces libertés de
circulation.
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