Section 2. Les limitations fondées directement
sur les personnes dans le cadre de la libre circulation au sein de l'Union
européenne (libres établissement et prestation de service)
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Dans le cadre de leurs activités économiques, la
libre circulation confère aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union
européenne le droit d'exercer sans restriction une activité
économique salariée ou non salariée sur le territoire d'un
autre Etat membre. Ainsi, le droit de l'Union européenne interdit en
principe toute entrave à cette liberté et toute discrimination.
Toutefois, dans certaines situations, les Etats pourront limiter cette
liberté notamment en invoquant des motifs de protection de la
santé. Ces limitations pourront par ailleurs être
appliquées de manière discriminatoires et imposer ainsi certaines
restrictions aux ressortissants non-nationaux.
Nous analyserons ces questions sous l'angle des personnes et
nous demanderons dans un premier temps ce que recouvre la libre circulation
économique des personnes (I) pour étudier les
limitations qui peuvent y être apportées dans un second temps
(II)
I - La libre circulation économique des personnes en
mouvement au sein de l'Union européenne : une mise en oeuvre de la
liberté d'entreprendre
Après avoir défini les notions de liberté
d'établissement et de prestation de service qui constituent la libre
circulation économique des personnes (A), nous
étudierons leur régime juridique (B).
A - Les notions de liberté
d'établissement et de libre prestation de service
Si l'on analyse la libre circulation économique des
personnes en tant que mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre telle
que nous l'avons défini, elle bénéficie aux entreprises et
aux travailleurs indépendants que l'on distingue des travailleurs
salariés. Si la libre circulation des travailleurs fait partie de la
libre circulation des personnes146, elle ne sera pas examinée
dans la mesure où elle n'est pas une mise en oeuvre de la liberté
d'entreprendre du fait de la subordination des salariés à leurs
employeurs.
146 Article 45 TFUE
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La première mise en oeuvre de la liberté
d'entreprendre dans le cadre de la libre circulation économique des
personnes est la liberté
d'établissement147 des entreprises et des
travailleurs indépendants. Ce concept a été
précisé par la Cour de Justice dans l'affaire
Gebhard148 ; ainsi d'une part, l'établissement vise
l'accès à une activité non salariée et son exercice
sur le territoire d'un autre Etat membre, ce qui suppose un déplacement
de la personne. D'autre part, l'établissement vise la constitution et la
gestion d'une entreprise, la création d'agences, de succursales ou de
filiales sur le territoire d'un autre Etat membre, ce qui ne nécessite
pas de déplacement et consiste en pratique en un établissement
économique et financier. In fine, la liberté
d'établissement consiste pour un ressortissant de l'Union
européenne en la possibilité de participer de façon stable
et continue à la vie économique d'un autre Etat que son Etat
d'origine. Ainsi, puisque nous analysons la libre circulation économique
sous le prisme des limites fondées sur la qualité des personnes,
nous ne traiterons que de la première partie de la définition
donnée par la jurisprudence précitée.
La seconde mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre
dans le cadre de la libre circulation économique des personnes est la
libre prestation de service.149 Elle consiste pour
le prestataire à exercer une activité économique à
titre temporaire sur le territoire d'un autre Etat membre.150 Cette
activité temporaire peut être occasionnelle ou même
régulière et le prestataire peut se doter d'une infrastructure si
elle est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en
cause. Toutefois l'implantation ne doit pas être permanente (stable et
continue), c'est ce qui la distingue de l'exercice du droit
d'établissement.
Maintenant que ces concepts ont été
définis, nous allons étudier le régime qui leur est
applicable.
147 Articles 49 et s. TFUE
148 CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio
dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, affaire C55/94
149 Articles 56 et 57 TFUE
150 CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio
dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, affaire C55/94
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