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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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B - La protection de la santé face à la libre circulation des personnes

Synthétiquement, la protection de la santé pourra constituer un motif de restriction des libertés de circulation des travailleurs, d'établissement ou encore de prestation de services et plus généralement, limiter le libre exercice d'une activité économique.

De même, le libre séjour peut connaitre des limitations justifiées pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Par exemple, les maladies potentiellement épidémiques sont susceptibles de justifier une interdiction d`entrée sur le territoire d'un Etat membre ou un éloignement ou encore, sous conditions, la soumission du bénéficiaire du droit de séjour à un examen médical gratuit.

Maintenant que nous avons défini et contextualisé les principales notions attachées à notre sujet, il est temps de les confronter et de dégager les problématiques juridiques pouvant en découler.

109 CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c/ Commission, aff. C-180/96, Rec. I. 2265

110 DE GROVE-VALDEYRON N., op. cit. note 107

La protection de la santé comme limite à la liberté d'entreprendre

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L'intérêt de notre sujet se trouve dans la protection des droits d'autrui comme justification de limites apportées à une liberté constitutionnelle. En effet, c'est en remontant à la source du principe de la liberté d'entreprendre (art. 4 DDHC de 1789) que l'on comprend la justification de ses limites. On ne peut comprendre la liberté d'entreprendre sans entrevoir ses limites et parmi celles-ci, la protection de la santé occupe une place non-négligeable.

Notre démonstration n'a pas pour ambition de traiter exhaustivement des aspects liant la liberté d'entreprendre et la protection de la santé ; il faudrait un ouvrage entier pour approcher cette exhaustivité. Il s'agira concrètement de dresser un paysage global des domaines dans lesquels la protection de la santé justifie des limites la liberté d'entreprendre et comprendre quelle est la logique juridique qui amène à ces situations.

Notre longue introduction était nécessaire pour cerner la liberté d'entreprendre, principe non défini juridiquement, et la protection de la santé. Cela nous a permis de donner un cadre global à l'analyse qui va suivre quant à la confrontation de ces deux principes.

Dans un contexte mondial empreint de libéralisme économique et de libertés individuelles, il est essentiel de fixer des limites à la liberté d'entreprendre. C'est d'ailleurs « l'ultra-libéralisme », à savoir la liberté sans limite et indifférente des droits d'autrui, qui a tendance à causer le plus de tort au libéralisme. Ainsi, en limitant au nom de la protection de la santé la liberté d'entreprendre, on la moralise, on la légitime et ainsi on la renforce. Il ne s'agit pas de remettre en cause cette liberté dans son principe mais, pour la rendre effective, de la concilier avec les droits d'autrui et l'intérêt général. Par ailleurs, la liberté d'entreprendre des uns peu restreindre la liberté d'entreprendre des autres. C'est ainsi que le droit de la concurrence vient encadrer les activités économiques afin de trouver un équilibre entre les libertés de chacun. Ainsi la puissance publique vient fixer un cadre juridique à la liberté d'entreprendre permettant de passer d'une liberté formelle à une liberté réelle, pour tous les individus.

En tant que limite à la liberté d'entreprendre, la protection de la santé agit quasi systématiquement selon une logique préventive : prévenir le dommage, prévenir le risque. Ainsi, soumettre une profession médicale à l'obtention d'un diplôme, encadrer la recherche médicale sur les personnes, requérir une autorisation de mise sur le marché d'un médicament, interdire le commerce de stupéfiants, contrôler la qualité des aliments, limiter la publicité de

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l'alcool, etc., suit une logique préventive. Il n'est pas évident de trouver des limites à la liberté d'entreprendre fondées uniquement sur l'aspect curatif de la protection de la santé. La logique globale c'est donc la prévention.

Toutefois, la protection de la santé n'agit-elle pas sur des variables différentes dans les limitations qu'elle impose aux activités économiques ? Si on prend comme exemple la nécessité d'obtenir un diplôme pour exercer la profession de médecin, c'est bien la qualité de la personne qui est en jeu. De même, le fait pour un Etat membre de réserver à des ophtalmologues (qui sont des médecins contrairement aux opticiens) le droit d'effectuer sur leurs patients certains examens afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé et ainsi limiter la liberté d'établissement des opticiens étrangers qui, dans leurs Etats sont autorisés à pratiquer lesdits examens se fonde encore une fois sur la qualité de la personne qui exerce l'activité de santé. Ensuite, concernant l'encadrement recherche médicale sur les personnes, cette fois-ci, c'est le sujet impliqué dans la recherche qui est la variable sur laquelle la protection de la santé agit.

Par ailleurs, qu'est-ce qui justifie une différence de traitement dans l'encadrement de la mise sur le marché d'un médicament et d'un cosmétique ? Les contraintes ne sont en effet pas les mêmes entre une autorisation de mise sur le marché pour les premiers et une simple déclaration préalable pour les seconds. N'est-ce pas la nature du bien ou encore sa destination qui vont conditionner son régime de commercialisation ?

Mais alors, si la protection de la santé agit à la fois sur la variable bien et à la fois sur la variable personne, les conséquences des limitations de la liberté d'entreprendre sont-elles fonction des variables utilisées ? On a vu que la liberté d'entreprendre peut être limitée dans tous les aspects de la vie de l'activité économique, de la création à la fin, en passant par l'exercice. Si on regarde la variable personne, si la personne ne satisfait pas aux exigences imposées par la protection de la santé, l'activité ne peut pas être exercée : pas de médecin sans diplôme, pas de déplacement dans un autre Etat membre sans équivalence professionnelle, etc. Si la personne, sujet dans la recherche n'est pas disponible, la recherche ne peut pas avoir lieu. Sans les personnes, l'ensemble de l'activité est remis en cause. Elle ne peut avoir lieu : pas de création, pas d'accès et donc pas d'exercice de l'activité.

Concernant la variable bien, si le bien ne satisfait pas aux exigences imposées par la protection de la santé, sa commercialisation n'est pas possible. Dans ce cas ce n'est pas l'ensemble de l'activité qui est mise en cause mais une de ses mises en oeuvre (la

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commercialisation) et dans cette mise en oeuvre, un bien. La nature du bien (produit dangereux, produit alimentaire, médicament, etc.) conditionnera le régime de commercialisation applicable (interdiction, déclaration préalable, contrôles de sécurité, autorisation de mise sur le marché, etc.). L'objectif est la sécurité sanitaire et donc la protection de la santé publique. Ces différents régimes de commercialisation conditionnent le degré de liberté d'entreprendre des acteurs économiques via les contraintes qu'il leur impose.

Dans le cas des personnes, l'activité n'existe pas encore. Ce sont les personnes qui créent les activités. Même si une profession préexiste à la volonté d'un individu d'y accéder (exemple : pharmacien), l'absence de qualification ne permet pas d'y accéder et donc de créer l'activité économique découlant de l'accès à cette profession.

Dans le cas des biens, l'activité existe déjà. C'est dans la mise en oeuvre, dans l'exercice de l'activité que les limites vont se poser. L'activité globale n'est pas remise en cause.

Plus généralement, que ça soit pour les personnes ou les biens, c'est la nature de l'activité en cause, sa complexité, les risque qu'elle peut présenter pour la santé des personnes qui impose que des diplômes, des qualifications, des autorisations de mise sur le marché, etc. soient requis. Pour les personnes, on devra combiner la nature de l'activité et la qualité de ces premières et dans cette qualité, parfois même leur comportement. Par exemple, même avec les qualifications requises, une personne devra obtenir une autorisation pour créer un laboratoire d'analyse de biologie médicale (article L. 6211-2 du Code de la santé publique).

Pour les biens en revanche, il semble que la nature des biens transcende la nature de l'activité. En effet, par exemple, l'article L. 5432-1 du Code de la santé publique interdit la fabrication et la vente de jouets dangereux. C'est bien plus la nature du bien que la nature de l'activité qui est en cause. Il ne faudra pas oublier de surcroit de se demander quelle est la destination du bien et qui en sont les destinataires. Ainsi par exemple, les médicaments ont pour destination le soin et pour destinataires soit les personnes humaines, soit les animaux.

Enfin, les personnes et les biens sont liés, il y a une continuité. Par exemple, un médicament légalement commercialisé pourra être prescrit par un médecin qui, dans le cadre de la pharmacovigilance, devra signaler tout effet secondaire observé sur un médicament, pouvant ainsi remettre en cause sa commercialisation. Globalement, la création de l'activité économique précède le commerce de biens. C'est pour cela qu'il sera méthodologiquement plus pertinent de traiter des personnes avant de traiter des biens.

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Ainsi suivant ces précédentes considérations, nous nous demanderons quelles sont les variables sur lesquelles la protection de la santé agit principalement pour limiter la liberté d'entreprendre ? Par quels procédés la protection de la santé vient limiter la liberté d'entreprendre ? Les conséquences des limitations de la liberté d'entreprendre sont-elles fonction des variables utilisées ? Plus généralement, comment, au nom de la protection de la santé, la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini, peut-elle être limitée ?

Nous verrons ainsi que la protection de la santé est la source de limites à la liberté d'entreprendre en étudiant dans une première partie les limites fondées sur la qualité des personnes dans le cadre des activités économiques et dans une seconde partie, les limites fondées sur la nature et la destination des biens dans le cadre de leur commercialisation.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote