III - Droit de l'Union européenne et protection de
la santé
Alors que les traités fondateurs de l'UE
considéraient la santé simplement comme une préoccupation
légitime des Etats, le Traité de Maastricht (1992) est venu
consacrer la politique de la santé parmi les autres politiques
communautaires.105 Puis, le Traité d'Amsterdam (1997) a
renforcé la politique de santé de l'UE. Mais, la politique de
santé reste complémentaire des politiques
nationales106, notamment via le principe de subsidiarité.
Les politiques de l'UE en matière de santé sont
très variées. On peut citer en exemple le développement de
la libre circulation des patients, la liberté des soins médicaux
dans l'Union, la mobilité des professionnels de santé ou encore
la libre circulation des marchandises et notamment des produits de
santé. Des programmes d'action107 sont aussi mis en oeuvre
par l'Union et visent notamment les luttes contre la toxicomanie,
l'obésité, le cancer et le SIDA. Dans le cadre de notre sujet,
les rapports entre liberté d'entreprendre et protection de la
santé se retrouveront essentiellement dans le domaine du marché
intérieur via la libre circulation des marchandises (A)
et la libre circulation des personnes et des services
(B).
A - La protection de la santé face à la
libre circulation des marchandises
Généralités. Comme nous
l'avons dit, le droit de l'UE interdit les entraves de natures non
pécuniaires à la liberté de circulation des marchandises.
Toutefois, la protection de la santé publique peut constituer sous
certaines conditions un motif de dérogation à ces règles.
Nous y reviendrons. Aussi, Mme DE GROVE-VALDEYRON nous dit : « La Cour
juge de manière constante qu'il appartient aux États membres,
à défaut d'harmonisation complète, de décider du
niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la
vie des personnes (...), tout en tenant compte des exigences de la libre
circulation à l'intérieur de la Communauté. »108
Principe de précaution. La Cour de
Justice a admis l'application du principe de précaution en
matière de santé publique. Il consiste ici en la prise, par les
Etats membres, de mesures restreignant les échanges commerciaux en cas
d'incertitude scientifique quant à l'existence du danger qu'il s'agit de
prévenir. La Cour a pu dire ainsi « que lorsque des incertitudes
105 Traité CE, art. 129, devenu art. 152
106 Traité CE, art. 152-1, al. 2, et 152-5
107 Voir par exemple le programme d'action 2008-2013
établit par la Décis. no 1350/2007 du Parlement européen
et du Conseil, 23 oct. 2007, JOUE, no L 301, 20 nov.
108 DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique »,
Répertoire de droit communautaire, Dalloz
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scientifiques subsistent quant à l'existence d'un
risque pour la santé humaine, les institutions communautaires peuvent
prendre les mesures de protection nécessaires sans attendre que la
réalité et la gravité de ces allégations soient
pleinement démontrées. »109 Ainsi, au nom de ce
principe, les Etats membres peuvent refuser l'entrée d'une marchandise
sur leur territoire.
Harmonisation. En cas d'harmonisation
communautaire, les États gardent la possibilité d'adopter ou de
maintenir des mesures plus strictes à condition « de
démontrer le risque sanitaire et d'établir que les dispositions
nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus
élevé que la mesure d'harmonisation et qu'elles ne
dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif
» (respect de la proportionnalité).110
A titre d'illustrations de mesures d'harmonisation, « les
médicaments, en tant que marchandises, sont soumis aux règles sur
la liberté de circulation, mais leur nature particulière a
justifié la mise en place d'une harmonisation dans un souci de
protection de la santé publique. » Ainsi le droit de l'UE
réglemente les autorisations de mise sur le marché de
médicaments ainsi que les importations parallèles de
médicaments. Par ailleurs, il existe des directives spécifiques
relatives au sang humain, composants sanguins et tissus humains.
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