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Les mécanismes de gestion de la dette publique intérieure du Cameroun. Cas de la titrisation

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par Guy Arsène NYANGOE
Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies 2009
  

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B. LE CADRE JURIDIQUE ET ECONOMIQUE

Au plan juridique, la gestion de la dette publique de l'Etat met en parallèle d'une part ce dernier, bénéficiant de la prérogative de puissance publique et débiteur, et d'autres part ses créanciers, redevables fiscaux. Ce qui confère à la dette de l'Etat un régime juridique différent de celui de la dette d'une société anonyme (SA)20 ou de celle d'un particulier.

En effet, l'Etat ou la « puissance publique » n'est pas un débiteur ordinaire. Les rentes21sur l'Etat sont imprescriptives et insaisissables22. Dès lors, le régime juridique des dettes de l'Etat sera exorbitant du droit commun. Ainsi donc, la mission d'intérêt général de l'Etat et surtout la continuité du service public qu'il assure vont plaider pour une absence de voie d'exécution23 à son encontre et pour les déchéances quadriennales24 de toute somme dont l'administration serait redevable envers un particulier25.

18 Loi n°99/015 du 22 décembre 1999 portant création et organisation du marché financier.

19 Règlement N°06/03-CEMAC-UMAC du 12 novembre 2003 portant création du Marché Financier de l'Afrique Centrale.

20 NYAMA (JM), cours polycopié de « droit des sociétés » LIII, FSJP, UY II SOA, 2011, P 127

21 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, 2e éd. GB3, Yaoundé, 1982, P 492. GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des termes juridiques, op.cit, P. 621.

22 MUZELLEC (R), Finances publiques, Sirey, 14e éd. Paris, 2006, P425

23 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des termes juridiques, op.cit, PP 743-744

24 Ibid. P. 558

25 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises, op.cit, PP. 270-274

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NYANGOE Guy Arsène Page 6

Les mécanismes de gestion de la dette publique intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation

Si en droit privé, le créancier peut par voie d'exécution forcée26 rentrer dans ses droits en amputant les deniers et les biens de son débiteur qui refuse d'honorer ses engagements, tel n'est pas le cas du créancier27 d'une personne publique. Car il serait inconcevable que la force censée protéger les intérêts de l'Etat se retourne contre lui. Cependant il en va autrement des personnes publiques infra étatiques (CTD, Etablissements Publics Administratifs et Entreprises publiques et parapubliques) dont l'autorité de tutelle28 dispose d'un pouvoir de substitution pour régler ce genre de problème. Mais quand il s'agit de l'Etat, le créancier est désarmé. Car la compensation et l'astreinte comminatoire29 sont impossibles. L'impossibilité de la compensation découle selon l'auteur de l'absence de liaison entre la dette et la créance.

La déchéance quadriennale qui est une prérogative reconnue aux personnes publiques, leur permet de ne pas payer ce qu'elles doivent, passé un délai. Selon ce principe, le créancier de l'Etat dispose de quatre ans à partir du début de l'année budgétaire au cours de laquelle la dette est née, pour faire valoir ses droits. Il trouve sa justification dans le fait qu'il a pour but d'imposer un délai rapide d'apurement complet des comptes publics et de rappeler au créancier de l'Etat qu'une créance sur l'Etat n'est pas un dépôt à une « caisse d'épargne »30.

L'application de ce principe au cas camerounais connaît des fortunes diverses. « Car les graves déficits apparus dans l'exécution des opérations financières de l'Etat à compter de l'exercice budgétaire 1985/86, se sont traduits par une crise des paiements dont les entreprises et les banques ont principalement souffert »31. Celle-ci a entraîné par la même occasion, une crise économique et une crise de confiance, entre l'Etat et ses créanciers. Ce qui

26 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des termes juridiques, op.cit, P. 743

27 Ibid. P. 215

28 Art. 55 (3) de la loi constitutionnelle n° 2008/001 du 14 avril 2008, portant modification et complétant certaines dispositions de la loi n°96/66 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

29 L'"astreinte" est une somme d'argent qu'une personne débitrice d'une obligation de faire ou de ne pas faire, doit payer au créancier de la prestation jusqu'à ce qu'elle se soit exécutée. Le montant de la contrainte est fixée généralement pour chaque jour de retard. L'obligation accomplie, si le juge a décidé que la contrainte aurait un caractère définitif, le créancier récupère le montant accumulé de la contrainte ; Si, en revanche, le juge a décidé qu'elle serait seulement comminatoire, la contrainte ne présente alors qu'un caractère provisoire, et, dans ce cas, le créancier doit faire liquider par le juge le montant définitif de sa créance.

GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des termes juridiques, op.cit, PP. 67-68

30 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises, op.cit, P. 274.

31 Rapport non publié du secrétariat d'Etat du MINFI sur la stratégie de traitement de la dette intérieure du Cameroun, op.cit., P. 06.

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NYANGOE Guy Arsène Page 7

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a davantage rendu difficile le processus d'apurement du passif, de l'Etat. C'est en cela que la titrisation consacrée par le décret n° 94/611/PM du 30 décembre portant réglementation de l'émission et de la gestion des effets publics négociables, trouve sa justification dans le contexte camerounais. En effet, elle a été retenue, par les autorités publiques comme moyen privilégié de traitement des arriérés intérieurs32 du pays à côté d'autres mécanismes. Elles ont donc proposé aux créanciers de l'Etat l'échange des créances que détenaient les opérateurs économiques sur l'Etat ou garanties par lui contre des titres33 négociables sur les marchés monétaires et financiers. En cela, la titrisation est assimilable à l'émission d'un emprunt public.

Or en droit camerounais, l'émission d'un emprunt public est assujettie à une autorisation légale. La loi en la matière est une loi d'habilitation qui fixe également les modalités de remboursement du capital et des intérêts qui en résultent34. Le régime financier de l'Etat du Cameroun dispose à cet effet que : « ...la loi de finances autorise l'Etat à prendre en charge les dettes des tiers, dans la limite des plafonds qu'elle détermine, à constituer tout autre engagement correspondant à une reconnaissance unilatérale de la dette, et fixe le régime de cette prise en charge ou de cet engagement »35. La loi de finances36 de chaque année, accorde une place de choix au règlement de la dette publique. Jusqu'en 2007, le Cameroun ne connaissait pas le principe de la limitation du plafond de la dette publique37.

32 CAA, Marché des effets publics négociables, revue de la procédure des transactions et élaboration des procédures d'utilisation des titres, octobres 1999, P. 18

33 Le lexique des termes juridiques appréhende la notion de titre de plusieurs manières. Dans un premier sens, le titre est un acte juridique producteur, d'effets juridiques. En droit commercial, le titre est une valeur mobilière lorsqu'il est au porteur, il ne mentionne pas le nom de son titulaire, mais porte seulement un numéro d'ordre. Lorsqu'il est nominatif, le nom de son titulaire y est mentionné et sa négociabilité s'effectue par la formalité dite du transfert sur les registres de la société. Le titre participatif quant à lui est un titre négociable à revenu variable, susceptible d'être émis par les sociétés par actions du secteur public et les sociétés anonymes coopératives.

34 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, op.cit, P. 492.

35 Art. 18 (3)6 de la loi n°2007/006 portant régime financier de l'Etat.

36 Projet de loi n° 897/PSL/AN portant loi de finances de la république du Cameroun pour l'exercice 2012 dispose que: « le service de la dette publique est évalué à 287 milliards contre 370 milliards en 2011, en diminution de 83 milliards »

37 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun, op.cit, P. 683

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Au plan économique, le Cameroun, comme la plupart des pays en voie de développement a une histoire économique assez révélatrice et fondatrice du visage actuel de ses finances publiques. Il peut s'analyser sur deux plans : national et international.

Sur le plan national, à la fin des années 1985, la situation économique paraissait plutôt favorable, mais deux ans plus tard, tout s'est effondré38. Le second choc pétrolier des années 1980, la chute des cours des principaux produits de rente et la détérioration des termes de l'échange ont plongé le Cameroun dans une période de récession de laquelle le Cameroun a eu du mal à sortir39 jusqu'à l'atteinte du point d'achèvement en faveur des Pays Pauvres et Très Endettés en 2007. En plus de ces facteurs, la baisse du revenu national, l'appauvrissement des populations40, le manque de ressources et les besoins toujours croissants des populations ont conduit, voire obligé l'Etat à se tourner vers l'aide financière internationale41 qui bien sûr ne va pas sans conséquence probante dans le système juridique du Cameroun. En effet, toute crise économique transforme le système juridique en vigueur et se présente ainsi comme un puissant facteur de remise en cause de l'ordre établi42.

De manière générale, l'évolution de la politique économique du Cameroun est marquée par un changement de fondement doctrinal. Des plans quinquennaux à l'initiative des Pays Pauvres Très Endettés, le Cameroun est passé du libéralisme planifié au libéralisme communautaire aboutissant à l'ultralibéralisme imposé par les institutions de Bretton Woods en l'occurrence43. En recourant à cette aide, les Etats demandeurs s'engagent à respecter un certain nombre d'exigences imposées par les bailleurs de fonds, qui sont regroupées généralement sous le label de « conditionnalités ». L'ultralibéralisme imposé par ces institutions est en fait la mise en oeuvre du « Consensus de Washington » selon lequel le

38 AERTS (J.J) COGNEAU (D), HERRERA (J), de MORCCHY (G) et Rob AUD (F), l'Economie Camerounaise : un espoir évanoui, KARTALA, Paris, 2000, P. 31

39 Ibid., PP. 32-49

40 Rapport non publié du secrétariat d'Etat du MINFI sur la stratégie de traitement de la dette intérieure du Cameroun, Mars 1992.

41 MANGA (P), cours polycopié de Finances publiques au Cameroun,Université de Yaoundé FSJG, 1991-1992.

42 ONDOA (M), « Le droit public des Etats africains sous ajustement structurel : le cas du Cameroun » in, mondialisation, exclusion et développement africains : stratégies des acteurs publics et privé » sous la direction du Pr. BEKOLO EBE Bruno Afriédit, Paris, tome 2, 2006, P. 375.

43 TOUNA MAMA, l'économie Camerounaise : pour un nouveau départ, Afrédit, Paris, 2008, P. 187

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marché constitue le meilleur moyen de résoudre les problèmes économiques des pays en développement44. Il s'agit là de l'objet principal des P.A.S dont l'objectif ultime et fondamental semble être la conformation des économies en développement à la logique libérale de la mondialisation. Le cadre communautaire, qui, à travers ses règles et principes, a de plus en plus un mot à dire dans la construction du Droit national des Etats membres.45

C'est dans ce contexte juridico-politique et économique que cette étude se déploie. Toutefois, ce point contextuel en appelle un autre, celui de la définition des termes de ce thème.

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