INTRODUCTION GENERALE
Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
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intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
L'Etat, outre ses modes traditionnels de financement,
c'est-à-dire les ressources provenant des recettes fiscales,
douanières et des taxes diverses1 peut, pour financer ses
projets et ses besoins de trésorerie, compter sur l'aide publique au
développement (APD)2 et recourir exceptionnellement à
l'emprunt public3. Le Professeur LEKENE DONFACK
définit l'emprunt public du point de vue juridique comme une
prestation monétaire que les particuliers versent volontairement aux
collectivités publiques (Etat, collectivités territoriales
décentralisées, établissements publics administratifs et
entreprises publiques et parapubliques) moyennant une promesse de remboursement
du capital et un service d'intérêts4. Il peut
être émis aussi bien à l'intérieur qu'à
l'extérieur du pays et contribue de ce fait à augmenter la
rentabilité de l'Etat5. L'emprunt est donc pour l'Etat, un
moyen de couvrir la différence entre ressources et charges publiques
décrites dans la loi de finances6.
La crise économique qui a frappé le Cameroun
dans les années 1980, s'est matérialisée par une
dépression, puis une rupture de l'équilibre de ses grandeurs
macroéconomiques7 et une baisse de ses recettes
budgétaires. Celle-ci a eu pour conséquence immédiate
l'accumulation rapide des arriérés extérieurs et
intérieurs de l'Etat. Afin de remédier à cette situation,
le Gouvernement a mis en oeuvre un ensemble de stratégies de gestion de
la dette publique de l'Etat, avec l'appui de la communauté
internationale, pour promouvoir un retour à l'équilibre de ses
finances publiques8.
1 Art. 12 de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007
portant régime financier de l'Etat.
2 « Elle est définie par l'organisation pour la
coopération et le développement économique (OCDE) sous
formes de concessions ou prêts prolongés par un gouvernement sous
des conditions privilégiées aux pays en voie de
développement ayant pour objectif principal de promouvoir le
développement économique et le bien être » ; ELE
AITKINS Leopool Dine, Lexique bilingue sur l'économie
Camerounaise, design house, Limbe, 2007, P. 07.
3 LALUMIERE (P), Les finances publiques,
3ème éd. A. Collin, Paris, 1978, P 414.
4 LEKENE DONFACK, Finances publiques camerounaises,
Berger Levault coll., monde en devenir, Paris, 1987, P. 187.
5 ROSA (JJ) et DIETSCH (M), La répression
financière, Bonnel éd, Paris, 1981, P. 19.
6 Encyclopaedia Universalis, Corpus 7, Paris, 1996, P.
301.
7 Ou agrégats, permettent de mesurer le
résultat de l'ensemble de l'activité économique. Ce sont
le PIB, le revenu national, la consommation, la formation brute du capital fixe
et l'épargne.
8 PHILIP (L) (S. Dir.) « Finances des personnes morales
de droit public», Dictionnaire Encyclopédique Des Finances
publiques, éd. Economica, 1991, Tome 1, P 807.
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La dette publique intérieure (DPI) dont la gestion
constitue le socle de ce travail, n'a cessé de croître et est
devenue insoutenable9 à moyen terme. Face au fardeau qu'elle
constituait désormais, l'Etat camerounais se devait de définir
une stratégie globale et cohérente de traitement de cette dette
intégrant aussi bien les mécanismes classiques que les
instruments nouveaux. Sur la base de cette approche, les premières
mesures appliquées au traitement de la DPI ont consisté en un
recours à des mécanismes juridiques et financiers classiques
s'appuyant soit sur la consolidation10 et les
rééchelonnements11 des échéances soit
sur le paiement par compensation12 des dettes réciproques. Or
l'accumulation de nouveaux arriérés a conduit l'Etat à
recourir à de nouvelles techniques dites novatrices de gestion de la
dette publique intérieure. Il s'agit du «
debt-for-nature swap » ou de l'échange de
créances13 en contrepartie des actions de protection de
l'environnement14 , de l'échange de créances contre
des actifs15 et de la titrisation.
Avant d'entrer dans les méandres de ce travail, il est
impératif d'en délimiter le cadre
(I), de déterminer son objet (II) et de présenter
l'intérêt et la méthode de l'étude (III).
I. LE CADRE DE L'ETUDE
Il s'agit de la synthèse d'un ensemble de points
précis portant sur le cadre spatio-temporel (A), juridique et
économique de l'étude (B).
9 CAA, Dette publique et publiquement garantie du Cameroun
: portefeuille au 31 décembre 2010 et analyse de la viabilité,
P.32
10 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, Dalloz, 17ème éd., Paris,
2010, P 184. LALUMIERE (P), Les finances publiques, op.cit, P. 429.
11 CAA, Dette publique et publiquement garantie du
Cameroun : portefeuille au 31 décembre 2010 et analyse de la
viabilité, P. 87
12 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, PP. 153-154
13 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, P. 214
14 Préambule de la loi constitutionnelle N°96/06 du
18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972.
15 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, op.cit, P 19.
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A. LE CADRE SPATIO-TEMPOREL
La modernisation et l'amélioration du cadre de gestion
de la DPI occupent une place de choix dans la politique économique du
Cameroun. La crise économique qu'a connu le Cameroun au cours des
années 1985 /1986 et dont les effets sont encore perceptibles
aujourd'hui, a donné lieu, pour sa résorption, à
d'importantes réformes économiques appuyées par des
programmes que le professeur Magloire ONDOA qualifie, d'assez
« rigoureux »16 et contraignants
des institutions de Bretton Woods (Fonds Monétaire International et
Banque Mondiale). Dans cet exercice d'assainissement des finances publiques,
l'apurement du service de la dette publique y occupe une place primordiale.
En effet, la diminution de ses recettes et l'accroissement de
l'encours de la dette publique ont été à l'origine de
l'impossibilité pour l'Etat d'assurer normalement le service de sa
dette. Cependant, avec le secours des bailleurs de Fonds, il a combiné
diverses opérations de compensation, de paiement liquide et de
titrisation en fonction de la nature des créances et des
détenteurs pour s'acquitter de ses obligations vis-à-vis de ses
créanciers.
Ainsi donc, en tant que mode de financement de
l'économie de l'Etat, la titrisation, mécanisme de transformation
des créances gelées en créances négociables sur les
marchés monétaire et financier, a été
adoptée par l'Etat comme moyen privilégié de traitement
des arriérés intérieurs du Cameroun.
Ce mécanisme a vu le jour dans l'environnement
juridique et financier du Cameroun le 30 décembre 1994 à la
faveur du décret n°94/611/PM portant réglementation de
l'émission et de la gestion des effets publics négociables. Ce
décret a été complété par des
arrêtés qui précisent les modalités de sa mise en
oeuvre. Toutefois, il convient de noter que, si la titrisation a vu le jour au
Cameroun le 30 décembre 1994 avec le décret n°94/611/PM du
30 décembre 1994, l'émission des premiers titres s'est faite au
cours de l'exercice fiscal 96/9717. Celle-ci au départ, avait
pour but d'alléger le service de la dette publique du Cameroun en
16 ONDOA (M), « Le droit public des Etats africains sous
ajustement structurel : le cas du Cameroun » in mondialisation, exclusion
et développement africains : stratégies des acteurs publics et
privé » sous la direction du Pr. BEKOLO EBE Bruno Afriédit,
Paris, tome 2, 2006, P. 379.
17 BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA, Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, Prescriptor, Yaoundé,
2003, P.252.
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intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
général et intérieure en particulier. Par
la suite et avec la mise sur pied d'un cadre juridique assez complet, la
titrisation a en fait servi de prétexte à l'Etat pour mettre sur
pied un véritable marché financier18.
La naissance de ce marché financier n'est pas un fait
isolé, elle s'inscrit dans un contexte sous régional animé
par la mise sur pied d'une place boursière en Afrique
Centrale19. Mais avant d'y arriver, il convient d'analyser d'abord
le cadre juridique et économique de cette étude.
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