PARAGRAPHE II : LA QUALITE DE CREANCIER DE L'ETAT
La titrisation de la DPI du Cameroun est une opération
dans laquelle la CAA joue un rôle non négligeable. Au regard des
différentes analyses faites sur la notion de créance sur
219 Cf. articles 12, 13, 14, 15 et 16 du décret
N°94/644/PM portant règlementation de l'émission et de la
gestion des effets publics négociables, op.cit.
220 BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA, Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, op.cit.P.263.
Au sujet des détenteurs de cette catégorie de
titres (B.O.T), la CAA note que, leurs détenteurs sont des agents
économiques et qui sont des épargnants nets. Dans le contexte
camerounais, la majorité des agents de l'Etat est constitué des
ménages pour lesquels la liquidité a une valeur marginale assez
élevée et qui auront tendance à vendre leurs titres sur le
marché bancaire au lieu de les conserver pour attendre
l'échéance de paiement. Officiellement et selon les informations
recueillies à la Direction du Trésor, cette opération
s'est achevée en 2005, même si certains créanciers ne sont
pas rentrer en possession de leurs titres à cause du défaut
d'information dont parlent BABISSAKANA et ABISSAMA.
221 Reconstitution de la trésorerie de la CAMPOST dont
l'encours en mars 2011, s'élevait à 31 millions de Francs CFA.
Source : CAA.
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l'Etat, il nous semble opportun dans ce paragraphe de
s'appesantir sur la qualité de créancier de l'Etat. La notion de
créance sur l'Etat rend compte des créances susceptibles de
titrisation, tandis que l'analyse qui porte sur la qualité de
créancier de l'Etat, amène à se pencher sur les
détenteurs de ces créances et plus spécifiquement sur les
rapports qui les lient à l'Etat. Pour le Professeur Raymond
MUZELLEC dans son ouvrage Finances publiques, ces
rapports sont de nature contractuelle222. C'est la raison pour
laquelle certains investisseurs bénéficient de la qualité
de créancier de « jure » de l'Etat,
parce que basée sur un contrat administratif (A). Cependant, les
rapports qui lient l'Etat à ses agents, qu'ils soient des fonctionnaires
ou des contractuels (relevant du code du travail ou auxiliaires de
l'Administration) ont droit à ces traitements qui varient selon le
statut. Au-delà du paiement régulier (mensuel) de leurs salaires,
ils bénéficient également des paiements de primes et
émoluments, qui font l'objet de rappels en mémoire et dont le
non-paiement donne lieu à une créance sur l'Etat, susceptible de
titrisation. Cependant l'originalité en la matière par rapport
aux créanciers contractuels, réside dans le fait que ces derniers
ne signent pas de contrats formels avec l'Etat, ce qui leur confère la
qualité de créanciers de « facto »
de l'Etat (B).
A. LA QUALITE DE « JURE » DE CREANCIER DE
L'ETAT
Si le titre est l'instrument matériel de la
réclamation du créancier de l'Etat (2), la signature du contrat
constitue quant à elle la base juridique qui existe entre l'Etat
débiteur, et le particulier créancier (1).
1. LE CONTRAT, BASE JURIDIQUE DE LA
RECLAMATION
L'émission des EPN en contrepartie des créances sur
l'Etat ou garanties par lui, se fait au Cameroun « par la
signature centralisée des conventions de titrisation dans les guichets
de la CAA à Yaoundé »223. Une telle
procédure n'est pas sans conséquence sur la
sécurité
222 MUZELLEC (R), Finances publiques, op.cit, P.423
223 BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA, Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, op.cit. P. 257. La dette
salariale quant à elle, fait l'objet d'une autre procédure par le
trésor public.
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juridique attachée au titre public. Le professeur
Laurent RICHER fait la différence entre le contrat et
la convention. En droit public, un contrat est de droit public à la fois
parce qu'au moins une des deux parties est une personne publique, et parce que
le régime juridique applicable relève du droit public. Ce qui
signifie qu'il est autonome par rapport au code civil et sous tendu par
l'intérêt général. Par conséquent, le juge
administratif est compétent sur les litiges224. En droit
public comme en droit privé, il faut la réunion de plusieurs
conditions qui sont les unes comme les autres fondamentales dans la signature
des contrats où l'autonomie de la volonté occupe une place
primordiale d'une part. Aussi, pour le professeur Léon DUGUIT
tel que repris par le professeur Laurent RICHER, se
fonde sur les analyses de la doctrine allemande. Il considère que le
contrat n'est qu'une « catégorie particulière de
convention. Toute convention n'est pas un contrat, parce qu'il peut y avoir
concours de volontés sans qu'il y ait contrat
»225. La question de la force contraignante des
« conventions » de titrisation reste donc
posée compte tenu de la toute puissance de l'Etat. Dans son ouvrage
Finances publiques226, le professeur
Raymond MUZELLEC relève que la liberté de
souscription des investisseurs est « toujours limitée
». Pour lui, les rapports qui lient l'Etat à ses
créanciers sont assimilables aux « contrats
d'adhésion », car le souscripteur subit des
propagandes très fortes, des pressions politiques et psychologiques
l'incitant à souscrire. En d'autres termes, les EPN constituent non
seulement un exutoire pour l'Etat227, mais également une
sorte de garantie pour les créanciers de l'Etat dont les créances
semblent « compromises ». Les titres
constituent donc la matérialisation de la signature des contrats entre
l'Etat et ses créanciers.
224 Idem.
225 Ibid. P. 14
226MUZELLEC (R), Finances publiques,
op.cit.
227 En cas de cessation de paiement dans un contexte de tension
de sa trésorerie et de recherche de financement.
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2. LA REMISE DU TITRE, INSTRUMENT MATERIEL DE LA
RECLAMATION
Qu'ils soient régis par le droit privé ou par le
droit administratif, les contrats résultent de la volonté des
parties et produisent des effets à leurs égards. Le contrat
administratif ne déroge pas à cette règle. En
exécution du contrat qui lie l'Etat à ses créanciers, les
titres sont des instruments financiers « émis »
au gré de l'émetteur. Ils représentent des
droits des agents économiques sur des objets réels ou financiers.
En ce sens ils sont représentatifs de créances et de dette et
constituent par conséquent, un support essentiel du financement de
l'économie.
Pour Thierry BONNEAU, « ils ne constituent
pas des instruments de financements stables
»228. Les
titres publics peuvent être négociables ou non négociables.
Un titre est dit négociable lorsqu'il peut être cédé
à un tiers par négociation sur un marché
secondaire229. Cependant, il convient de noter que la
dématérialisation de certains titres ne réduit en rien les
prérogatives ou les droits attachés à celui-ci. A titre de
droit comparé, la dématérialisation des titres publics en
France, trouve sa base juridique dans la loi des finances du 31 décembre
1981 et plus précisément dans son article 94-II230.
Ainsi donc, les droits du titre ou de la valeur mobilière subsistent
même si désormais ils sont inscrits en compte
courant231. Une explication mérite d'être
apportée à ce niveau et particulièrement en matière
de titrisation de la DPI Cameroun.
En effet, tous les titres publics ne sont pas
dématérialisés. Au départ cette technique
était plus utilisée pour les créanciers ayant une
connaissance assez élevée du monde de la finance ou plus
précisément aux établissements financiers. Aujourd'hui,
force est de constater que celle-ci est désormais appliquée
à tous les acteurs du marché financier. BABISSAKANA
et ABISSAMA ONANA notent à cet effet que :
« les titres gérés par la CAA sont
dématérialisés, alors que ceux gérés par le
Trésor Public sont matérialisés et
228 BONNEAU (Th.), Droits des marchés financiers,
2e Ed., Economica, Paris 2002, P. 151.
229 PHILIP (L) (S. Dir.), Dictionnaire Encyclopédique
Des Finances publiques, op.cit, PP. 1508 et s.
230 Idem. P. 619
231 BIDIAS (B), Finances publiques du Cameroun,
op.cit.PP.496 et s.
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nominatifs »232.
Cette précision est significative car l'inscription en compte des titres
permet au plan économique la simplification et l'allègement des
coûts du traitement des titres, et au plan fiscal l'amélioration
de la connaissance des patrimoines et de l'efficacité du contrôle
des revenus233.
De ce qui précède nous pouvons déduire
une distinction nette entre les titres nominatifs et les titres au porteur.
Cependant, cette distinction ne recouvre pas la même
réalité qu'avant la dématérialisation des valeurs
mobilières. Les titres nominatifs s'opposent au titre au porteur en ce
qu'ils sont représentés par une inscription dans les registres de
l'émetteur, alors que les titres au porteurs ont la forme de
« titres papiers » censés incorporer
les droits de leur titulaires. Aussi, les titres nominatifs se transmettent par
transferts, c'est-à-dire par la radiation sur le registre du
cédant, 234 du nom de l'ancien titulaire et de l'inscription
du nom du nouveau, alors que les titres au porteur sont transmissibles par
manuelle.
Au demeurant, les titres publics qu'ils soient au porteur ou
nominatifs, matérialisés ou dématérialisés,
confèrent à leurs détenteurs des droits de créances
dont le non-paiement est susceptible d'un recours devant le juge
administratif235 et le juge judiciaire236. Ainsi et pour
reprendre Thierry BONNEAU et France DRUMMOND
« les titres sont des instruments financiers « émis »
c'est-à-dire créés par une entité
(l'émetteur qui peut être l'Etat ou ses démembrements en ce
qui concerne la DPI, ou même une entreprise relevant du droit
privé), en exécution d'un contrat liant l'entité à
ses futurs souscripteurs »237.
La logique est tout autre en l'absence d'un contrat formel. La
réclamation repose sur l'obligation de l'Etat de rémunérer
ses agents et de s'acquitter de ses diverses obligations salariales.
232 BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA, Les débats
économiques du Cameroun et d'Afrique, op.cit, P. 259
233 BONNAU (Th) et DRUMMOND (F), Droit des marchés
financiers, 2ième éd., Economica, Paris 2002, PP.
80 et s.
234 Inscription dans le grand livre de la dette publique.
C'est également le cas pour les OTZ émises au profit des agents
de l'Etat relativement à leur créance salariale.
235 En ce qui concerne les titres nominatifs.
236 Pour les titres au porteur
237 BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F), Droit des marchés
financiers, 2ième Ed, Economica, Paris 2005, PP. 524 et
s.
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